67 hôpitaux partiellement fermés en France

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120 services d’urgence en état d’urgence, 67 hôpitaux en fermeture partielle : c’est le terrible bilan du 6e pays le plus riche du monde, selon une liste dressée par l’association Samu-Urgences de France (SUdF). L’hôpital explose en France. Les applaudissements des fenêtres et des balcons, la prise de conscience fugace de la destruction de l’hôpital public et l’immense souffrance de nos soignants, semblent appartenir à une autre époque. Alors que nos urgences montrent les signes avant-coureurs d’un effondrement et que l’été s’annonce périlleux, le gouvernement n’a toujours pas présenté un début de solution. Six des plus grandes villes françaises sont pourtant actuellement touchées par de graves dysfonctionnements hospitaliers. Les causes ? Désertification médicale, fuite du personnel et fermeture de lits dans les services. Le risque d’un effet domino est palpable, avant un été de tous les dangers et alors qu’aucune action pour venir à bout d’un éventuel tsunami médical n’a été engagée. Notre article.

Crainte d’un effondrement dans nos hôpitaux, déni d’Olivier Véran

En cette fin de printemps, la météo n’est pas la seule à être perturbée. Les services d’urgence aussi. Pire, c’est la crainte d’un effondrement général qui plane. L’été qui s’annonce, avec les prises massives de congés du personnel, donne des sueurs froides dans les couloirs des hôpitaux à travers le pays. Malgré de nombreux symptômes, le gouvernement persiste dans le déni. Passez votre chemin, il n’y a rien à voir, disait en substance Olivier Véran le 12 mai, alors qu’il était encore ministre de la Santé en exercice. Selon lui, pas de problème de prise en charge ni de qualité des soins.

Pour les soignants, qui tentent tant bien que mal de faire tenir debout les urgences, c’est un véritable affront. La nouvelle Première ministre, Elisabeth Borne, n’a pu persister dans ce démenti tant les faits graves s’accumulent. Il reste cependant sans solution, se contentant d’annoncer sur LCI le 27 mai que des mesures efficaces seraient prises. Sans esquisser la moindre piste.

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Bordeaux, Lyon, Nice, Grenoble, Strasbourg, Rennes… Des services d’urgences en état d’urgence

Actuellement, les services d’urgence du CHU sont en état d’urgence. Et pas des moindres, puisque ceux de Lyon, Nice, Bordeaux, Grenoble, Strasbourg et Rennes sont concernés. Et il y a de l’inquiétude. Car jusqu’à présent, les principales difficultés ont touché la réglementation. C’est-à-dire que les cas jugés non urgents sont orientés vers la médecine de ville. Mais ces derniers temps, ce sont carrément les lignes de transport SMUR, celles prenant en charge les malades des urgences, qui ont connu des fermetures, comme cela s’est produit à Grenoble, Metz, ou encore dans l’Oise.

L’épisode le plus marquant de la dernière quinzaine a été la fermeture nocturne du principal service des urgences de Bordeaux le 18 mai. Impossible d’y assister sans avoir été préalablement autorisé par le 15. Le directeur du CHU a expliqué au journal Sud-Ouest avoir fait face à de nombreuses démissions, non-renouvellements de contrats et départs. Par ailleurs, sur les 2 600 lits des services du CHU, 300 sont définitivement fermés faute de personnel. Résultat, les patients stagnent aux urgences pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours, en attendant une place en soins.

Ces embouteillages aux urgences ont évidemment un impact sur la qualité des soins. Fin mars à Limoges, 96 personnes sur civière étaient entassées dans un espace prévu pour 14 personnes. 65 d’entre eux ont même dû y passer une nuit entière. Cette surpopulation peut conduire à des situations dramatiques, comme aux urgences d’Orléans. Le 28 mars, une patiente y est retrouvée morte sur sa civière. Cet événement tragique a également eu pour conséquence directe de faire tomber tout le service, puisque dans la foulée, la quasi-totalité de la centaine d’infirmiers et d’aides-soignants a été mise en arrêt maladie.

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Les causes de l’effondrement : déserts médicaux, fuite des personnels, lits fermés

L’analyse de la situation donne des sueurs froides, car la digue est proche de céder. La première cause de ce phénomène est la désertification médicale. N’ayant pas reçu de diagnostic et de soins précoces, les patients se retrouvent aux urgences alors que cela était évitable. Il est à noter que même en milieu urbain, il est parfois difficile de trouver un rendez-vous en cabinet privé. Deuxième cause, l’hémorragie de personnel qui sévit partout en France. Les racines de cette fuite résident à la fois dans des conditions financières, plus avantageuses dans les cliniques lucratives ou dans les services d’urgence ou les médecins généralistes libéraux, et dans des conditions de travail délétères.

En cas d’urgence, des équipes de nuit doivent être assurées, et les services ne tiennent que grâce à un recours excessif aux heures supplémentaires. Dès lors, on ne peut que constater les dégâts : impossible de retenir les – nombreux – soignants qui veulent partir. A Bordeaux, on annonce ainsi que la moitié du personnel d’urgence part en été. Dernière raison de ces surcharges, le manque de lits dans les services de soins post-urgence. Le quinquennat qui vient de s’achever souffre du triste record de 17 900 lits fermés en 5 ans, et la crise sanitaire n’a provoqué aucun revirement dans la politique d’austérité qui fracasse l’Hôpital. La fuite du personnel accroît encore la rareté des lits : faute de recrutement de personnel compétent, certains services ne peuvent fonctionner à leur capacité nominale.

La chute du système ? la crainte d’un effet domino

Actuellement, 67 services d’urgence ont donc été partiellement fermés ou sont en sous-effectif. Cela conduit à un transfert des patients souffrants vers les seuls services ouverts. Eux-mêmes arrivent à saturation, et tout le monde craint l’effet domino lorsqu’un autre service tombe en panne. Si, en Ile de France, aucune fermeture n’a été à déplorer à ce jour, l’été pourrait cependant être catastrophique. En effet, les mouvements sociaux ne sont pas rares compte tenu des conditions de travail dégradées.

Si cela se conjuguait à une pénurie de personnel, les fermetures seraient inévitables. Et rejaillirait aussitôt sur les autres services franciliens. Des signes annonciateurs de ce scénario catastrophique se sont produits : quatre services d’urgence ont dû envoyer des patients vers d’autres établissements, afin de se décharger pour continuer à fonctionner.

L’été de tous les dangers, des « solutions » en trompe l’œil

Quand l’été arrive, le manque se fait encore plus pressant. En effet, c’est durant cette période que le personnel, déjà débordé depuis de nombreux mois, prend majoritairement ses congés. Les risques de fermeture sont donc palpables. Car aucun scénario fiable n’a été envisagé pour compenser ces absences. Certains hôpitaux envisagent d’annuler les congés ou d’augmenter encore le recours aux heures supplémentaires. Ces solutions sont périlleuses car le personnel est épuisé, tant nerveusement que physiquement, et les burnouts ne sont pas rares.

Les autres pistes relèvent aussi plus du bricolage que d’une réponse pérenne : demander à des médecins généralistes libéraux de venir tenir des gardes de nuit, voire demander à des collègues spécialistes d’autres services du CHU de venir prêter main-forte. Mais si dans certains hôpitaux, cette solution semble pouvoir préserver l’été, comme à Marseille, dans d’autres cas cette solution a été catégoriquement refusée par les soignants concernés, comme à Grenoble.

Un gouvernement enfermé dans sa logique destructrice

On assiste ainsi à la chronique d’une chute annoncée. Le personnel est épuisé, les conditions de travail se dégradent et le Ségur Santé n’est qu’une mauvaise fable. Il n’y a eu aucune reconnaissance, ni financière ni pour l’amélioration des conditions de travail, de cette ligne de front qui s’est dressée comme un rempart pendant de longs mois pour protéger le pays de la menace sanitaire.

La question n’est plus de savoir s’il y aura un prochain épisode catastrophique, mais plutôt d’en connaître l’intensité car l’emballement est grave. Les craintes sont d’autant plus légitimes que, face à ce risque très grave, ce gouvernement poursuit obstinément un objectif pour ce nouveau mandat : ​​l’austérité. Seule une victoire de la NUPES, qui s’est engagée à reconstruire le service public hospitalier, est à même de vraiment changer la donne.