Posté
le 08/09/2022 à 17:00, Mis à jour le 08/09/2022 à 17:30
DÉCRYPTAGE – L’escale à répétition, en juillet et août, d’un paquebot qui a dû quitter le port de Nice car jugé trop polluant, a ravivé le débat sur les paquebots de croisière dans la cité portuaire nord du Cotentin.
Par notre correspondant à Cherbourg
Ce matin-là, fermant son journal local dans le bar de ce petit bistrot des quais de Cherbourg-en-Cotentin (Manche), cet habitué lançait un propos amer : « A croire que nos poumons valent moins que ceux des Niçois … ». La scène date d’il y a dix jours. Un mois après une première visite controversée, l’Aegean Odyssey, un paquebot de croisière de 140 mètres battant pavillon panaméen, avec une compagnie grecque comme armateur et un américain comme opérateur, est de nouveau annoncé au Quai de France pour une escale de deux jours les 1er et 2 août.
Problème : Ce même bateau avait reçu l’ordre de quitter le port de Nice (Alpes-Maritimes) manu militari à la mi-juin en raison de « bruit et pollution excessive » suite à plusieurs plaintes de riverains. Pour nos confrères de France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui citent le capitaine du port, « le trouble à l’ordre public a été constaté ». D’où cette commande plutôt rare pour mettre fin à l’escale prévue dans la cité azuréenne. Une décision prise par la suite par le maire (Majorité présidentielle) de Nice, Christian Estrosi, qui s’était félicité sur Twitter « d’activer pour la première fois les pouvoirs de la police portuaire » de sa ville au nom de l’environnement.
Est-ce à dire que les contrôles seraient moins exigeants à Cherbourg, où l’Aegean Odyssey a été accueilli deux fois cet été ? Interrogé début juillet par La Presse de la Manche, Yannick Millet, le directeur du port de Cherbourg, a déclaré avoir été surpris « par ce qui s’est passé à Nice », avant d’assurer que tous les documents concernant l’état général du bateau étaient jusqu’ici de nature à justifier une escale en rade normande. Fin de l’histoire? Pas vraiment.
Au calendrier, le 28 juillet, on apprend que le maire (PS) de Marseille, Benoit Payan, est à l’origine d’une pétition – qui a déjà recueilli près de 50 000 signatures – dans laquelle il dénonce la pollution des géants des mers .met la mâchoire. Selon l’échevin (qui ne nomme pas ses sources), ils émettraient pas moins d’un million de voitures moteur tournant lorsqu’elles stationnent sur le quai. Alors que leur ville est redevenue depuis quelques années une escale des mêmes géants des mers, de nombreux Cherbourgeois commencent donc à s’interroger sur l’impact de ces fumées noires sur leur santé. D’autant plus qu’un millier de ferries transitent chaque année vers l’Angleterre et l’Irlande.
Marseille accueille quatre à cinq paquebots de croisière par jour, alors qu’à Cherbourg on en accueille moins de 60 par an
Aux côtés du Figaro, le maire (PS) de Cherbourg, Benoît Arrivé, tempère les craintes des riverains. « Il faut comparer ce qui est comparable ! Je connais très bien le maire de Marseille, qui est un ami. Il accueille quatre à cinq bateaux de croisière par jour, alors qu’à Cherbourg on en accueille moins de 60 par an ». rappelle que sa ville a rejoint en 2021 le programme EOPSA (European Onshore Power Supply Association) qui réunit les acteurs des domaines de l’énergie et de la vie maritime autour d’une thématique unique : l’électrification des quais des grands ports. avec EDF sont déjà en cours.
L’enjeu de l’électrification des quais
A lire aussiPollution des navires de croisière : comprendre la contestation qui agite Marseille
« L’électrification des quais est un sujet sur lequel nous travaillons depuis plusieurs années avec Ports de Normandie, notamment parce que ce sera une obligation à partir de 2030 », explique Benoît Arrivé, qui s’est déjà rendu à Rotterdam, à de-Bas, anticipant sur la question, pour en étudier la faisabilité. Mais pour lui, la question du développement du mix énergétique – éolien, etc. – dans la région pourrait aussi faire partie de la solution pour mettre fin à la pollution de ces navires.
A lire aussiPollution à Marseille : « Les croisières représentent moins de 5% des visites portuaires »