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Alexis Corbière : « Populiste n’est pas une insulte pour moi »

Alexis Corbière : « Populiste n'est pas une insulte pour moi »

Que se passe-t-il dans la tête d’un membre de La France insoumise ? Quelles grandes idées, causes et objectifs ? Nous avons voulu le savoir en rencontrant Alexis Corbière, délégué LFI de la 7e circonscription de Seine-Saint-Denis depuis 2017 et fidèle à Jean-Luc Mélenchon. L’auteur des Jacobins ! (Perrin, 2019) et Discours sur la laïcité (Editions 2031, 2021) nous accueille dans son bureau à l’Assemblée, avec sa vue imprenable, jovial mais un peu fatigué des longs débats sur le projet de loi sur le pouvoir d’achat. Au menu gauche et extrême gauche, libéralisme et néolibéralisme, et passion parlementaire.

L’Express : Quelles sont vos convictions politiques profondes ? Pourquoi faites-vous ce travail ?

Alexis Corbière : La politique n’est pas un métier. J’ai aujourd’hui 54 ans, je suis militante depuis plus de trente ans et j’exerce un mandat qui me mobilise à plein temps depuis un peu plus de cinq ans. Mon métier est d’enseigner l’histoire. J’ai enseigné avant d’être élu et j’ai continué à le faire lors de mes premiers mandats locaux à Paris. Je reviendrai vers mes étudiants sans aucune hésitation lorsque les électeurs auront décidé qu’une autre personne que moi pouvait mieux les représenter.

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Ce qui m’anime politiquement, c’est le désir d’instaurer une république sociale, qui sera nécessairement démocratique et écologique. Je suis d’accord avec Jean Jaurès lorsqu’il dit que « le socialisme, c’est la république menée à son terme avec le maximum de démocratie ». La démocratie politique ne sera jamais atteinte tant que les travailleurs ne seront pas au moins aussi libres dans l’ordre économique qu’ils le sont dans l’ordre politique, et dans la Ve République ce dernier aspect est même très relatif, ce qui explique l’abstention massive. Ce projet de pleine émancipation est celui des Jacobins qui fondent la Première République en 1792-1793. Pour eux, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen était un véritable programme politique. Cela reste d’actualité.

Ma rencontre avec Jean-Luc Mélenchon a été déterminante. Lorsque j’étais militant d’extrême gauche, je croyais qu’à travers des mouvements spontanés comme la grève générale, un véritable pouvoir démocratique pouvait se constituer. Mélenchon est celui qui m’a fait comprendre qu’une transformation politique était possible dans une VIe République, grâce à une Constituante, qui serait cette synthèse entre stabilité institutionnelle et contrôle populaire. Mélenchon a aussi fait de moi un patriote, au sens historique et révolutionnaire du terme, c’est-à-dire un défenseur de la patrie des droits de l’homme. Cela m’a fait voir que notre histoire révolutionnaire, qui détruit l’Ancien Régime et proclame des droits universels, est la matrice des changements que nous voulons voir se produire aujourd’hui. Les idéaux de LFI ne sont pas une rupture avec notre histoire, au contraire, ils en sont l’expression la plus aboutie.

Vous avez été l’extrême gauche. Êtes-vous juste à gauche?

Ce ne serait pas rigoureux de m’appeler l’extrême gauche : je crois que des élections et des institutions sont nécessaires. Je me méfie de toute forme d’avant-gardisme, c’est-à-dire d’aventure politique caricaturale et incomprise du plus grand nombre. En revanche, essentiellement, l’idéal d’un militant dit d’extrême gauche – je parle de grandes organisations comme le Parti ouvrier indépendant (POI), qui fait aussi partie de la Nouvelle union populaire écologique et sociale ( Nupes), Lutte ouvrière, le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) ou Révolution permanente – est proche du mien : égalité poussée à l’extrême et partage des richesses.

L’opposition entre gauche et droite est souvent simplifiée en expliquant que la gauche est le parti du mouvement et du changement, tandis que la droite est celui du conservatisme. C’est en partie vrai, mais aussi en grande partie faux. Dans toutes les démocraties parlementaires, les forces de droite ont accéléré les conquêtes sociales de la période précédente depuis les années 1980. Diriez-vous que Margaret Thatcher ou Ronald Reagan n’ont pas radicalement changé la vie de dizaines de millions de personnes, pour le pire ? Et pour la France, que Nicolas Sarkozy ou Emmanuel Macron, deux leaders de la droite du XXIe siècle, ne sont pas partisans du changement à leur manière ?

La gauche doit être le parti de l’émancipation intégrale, individuelle et collective. Pour moi, la relation avec les gens est essentielle. C’est le peuple, dont les classes populaires d’ouvriers et de serviteurs constituent le plus grand nombre, qui détient la souveraineté et de lui viennent tous les pouvoirs, y compris celui des députés. La gauche devrait toujours être le parti du peuple. En tant que tel, « populiste » n’est pas une insulte pour moi. Mais nous devons également reconnaître que la gauche politique est absente du peuple depuis des décennies. Si les forces qui se revendiquent de gauche, comme le PS et le PCF, veulent revenir là-dessus, c’est une bonne nouvelle. Nous leur offrons cela dans le cadre des Nupes. C’est pourquoi je suis un grand croyant en notre unité.

Qu’y a-t-il en toi ?

Rien ! Alors je crois bien. La droite prétend être le parti de l’ordre et accuse les forces de la gauche d’être le parti du désordre, de l’anarchie, du chaos… Alors vous devriez être de droite pour jouir de la paix civile et de la tranquillité publique. Mais c’est un dessin animé ! La gauche peut légitimement revendiquer ces valeurs, mais sous la forme plus authentique d’un « ordre juste », selon les mots de Ségolène Royal, un ordre dans lequel la liberté n’est pas un prétexte pour interdire l’égalité.

Est-ce que « libéral » est un mauvais mot pour vous ?

Libéral ne peut pas être un gros mot pour un héritier de la Grande Révolution. Les premiers républicains étaient des libéraux égalitaires qui avaient lu Rousseau et plus Mably. Ils n’opposent pas la liberté à l’égalité, mais croient que la liberté et l’égalité sont les conditions réciproques de leur réalisation et de l’émancipation des individus. Ce sont Thermidor, Napoléon puis le capitalisme industriel qui ont trompé ce libéralisme révolutionnaire en le mettant au service de la propriété : la propriété foncière puis celle des moyens de production industriels. Leur liberté est celle du renard libre dans le poulailler libre.

L’ordre des propriétaires a été institué par Bonaparte sous le consulat. Et sous le terme de libéralisme, ce sont bien la propriété et l’héritage qui structurent encore aujourd’hui l’organisation sociale. L’économiste Thomas Piketty a bien montré qu’à la fin du 20ème siècle on revenait au niveau d’inégalité des richesses de la fin du 19ème siècle. Plus concrètement, n’importe qui peut mesurer que devenir riche aujourd’hui, même posséder un appartement de 100 m2 à Paris, n’est plus possible en travaillant seul, même pour quelques cadres. De même, la proportion d’enfants issus des classes populaires dans les grandes écoles formant les élites technologiques et économiques a encore diminué au profit des héritiers au cours des dernières décennies. Le néolibéralisme n’est pas un système de liberté, mais un système de privilèges par la rente et l’héritage.

Au vu du montant des dépenses publiques en France, notre pays est-il vraiment néolibéral ?

Dans notre pays qui a la passion de l’égalité, les néolibéraux n’ont pas carte blanche comme ailleurs. Ils cachent leur identité politique. Mais le capitalisme est bien devenu un capitalisme de rentiers. Certes, les néolibéraux combattent les rentes, mais ils reproduisent toujours les inégalités. Macron représente bien cette idéologie : l’idée que les principaux verrous de l’économie sont les acquis sociaux. Le cas d’Uber, que Macron a soutenu, est révélateur : c’est un modèle néolibéral parce que c’est un libéralisme sans limites. Historiquement, le modèle français reposait sur un compromis entre ouvriers et bourgeois, organisés dans un cadre national. La nouvelle ère du capitalisme transnational brise la possibilité de ce compromis. C’est le résultat d’une offensive néolibérale mondiale qui vise à faire sauter les États par la déréglementation.

Ne faut-il pas remettre en question certains dispositifs s’ils consacrent des inégalités de statut ? Uber, que vous citez, a ouvert le marché à de nombreux conducteurs qui n’avaient pas les moyens de payer une licence de taxi, ce qui était coûteux en raison d’un monopole.

Était-ce une raison pour faire sauter le cadre et rendre le métier de conducteur plus précaire ? Cela a-t-il vraiment créé des emplois stables ? Idem avec Amazon qui détruit des emplois, notamment en fermant de nombreuses librairies. Voulons-nous une société de petits boulots qui évitent les cotisations de retraite ? Je ne te souhaite pas ça ! Écoutez-les, ceux qui défendent ce modèle : ils veulent surtout le réserver à la « jeunesse de banlieue ». Quel mépris social ! La bonne bourgeoisie n’en veut pas pour ses enfants, mais pour ceux des autres. Enfin, je ne défends bien sûr pas la nationalisation de tous les métiers, mais on peut garder à l’esprit que certains secteurs, hors concurrence, doivent échapper à la logique de la concurrence : la sécurité, l’énergie, l’éducation. Aujourd’hui, cependant, nous laissons certains groupes cibles se détériorer plus ou moins consciemment, car cela ouvre la voie à la privatisation.

Le marché ne peut-il pas être un moyen d’émancipation, par exemple à travers l’entrepreneuriat ?

Le marché est une forme économique qui a ses avantages. Je ne le diabolise pas. Tant qu’elle ne porte pas atteinte aux droits des individus et à l’intérêt public, y compris celui des générations futures, elle a sa place. Mais il ne peut pas tout faire, comme s’en vantent ses propagandistes. Et qui peut croire que le statut d’entrepreneur automobile est une voie d’émancipation ? Les plateformes sont généralement des multinationales qui violent les droits de ceux qui les exploitent et ne paient pas leurs impôts. C’est le retour du paiement à la tâche sans aucune obligation de la part de l’employeur ! La voie de l’émancipation par le travail est ailleurs, elle est dans l’auto-organisation des travailleurs, par exemple lorsque les livreurs à domicile créent des coopératives. Tous ceux qui veulent « diviser » ou « déserter », rompre avec le système des grandes organisations, inventer de nouvelles formes de production ont raison.

Pensez-vous que le secteur privé est trop présent dans notre économie ?

On mesure aujourd’hui où nous ont menés les politiques néolibérales de quarante ans avec la privatisation de pans entiers du service public et la concurrence entre entreprises qui restent publiques et multinationales privées. Les résultats sont un désastre complet en France, comme dans d’autres pays. Ni l’énergie, ni les transports, ni le système bancaire, ni l’hôpital, ni l’éducation ne se sont améliorés pour l’habitant moyen de ce pays.

Il faut revenir à l’appropriation collective des secteurs qui produisent les communs, et non les transférer à des monopoles privés. Je dis « appropriation collective » et non « nationalisation » car nous ne sommes plus à la Libération ni même à 1981. Il n’est pas nécessaire que le gouvernement dirige le cours des entreprises qui produisent pour le bien commun. Les autorités locales, les travailleurs du secteur concerné et les usagers devraient être associés à la gestion des nouveaux types d’entreprises publiques, avec des conditions qui peuvent différer selon le bien ou le service produit et l’échelle géographique. Je ne défends pas l’État comme une grande machine bureaucratique et contraignante, mais comme un représentant du bien commun.

Nous devons sortir des rentes monopolistiques et des cartels privés. C’était déjà le but des nationalisations décidées par le programme de la CNR en 1944. La crise actuelle nous montre bien dans quelles aberrations entraînent les privatisations et l’ouverture des marchés : électricité et gaz de plus en plus chers, trains à deux vitesses depuis que le TGV est devenu une luxe, maltraitance des personnes âgées dépendantes, éducation de plus en plus livrée à des intérêts privés voire commerciaux, système de santé au bord de l’effondrement…

Voyez-vous des inconvénients à un niveau trop élevé de dépenses publiques?

Votre question est simpliste. Bien sûr, je ne préconise pas les dépenses du gouvernement pour les dépenses du gouvernement. L’État doit rendre compte des fonds communautaires et il y a certainement des dépenses gouvernementales qui ne sont pas très utiles, en particulier les dépenses d’apparat dont la monarchie présidentielle use et abuse. Mais ce n’est pas le plus important. La plupart de ce que l’on appelle les « dépenses publiques » impliquent une redistribution : principalement l’assurance maladie et les pensions. Que voulons-nous? Privatiser la santé et passer à la retraite par capitalisation ? Aux États-Unis, les gens dépensent beaucoup plus pour leur santé et sont beaucoup moins bien soignés qu’en France. Et les revenus des retraités dépendent de la bourse, il y a donc beaucoup plus de seniors pauvres qu’en Europe. Est-ce le modèle de société, avec peu de dépenses publiques, que nous voulons ? Que voulez-vous supprimer d’autre ? Des emplois pour les médecins et les infirmières? Fonctions pédagogiques ? Commissariats de police et brigades de gendarmerie ? Beaucoup le veulent parmi les macronistes, de droite comme d’extrême droite. Alors demandez-leur de dire clairement aux gens de ce pays quels services publics ils veulent leur enlever !

A quoi sert LFI au parlement ?

Être le porte-parole de ceux qui nous ont choisis : des gens humbles, qui travaillent dur, sont mal payés et trop souvent oubliés. Bref, « les gens populaires ». Améliorer le quotidien des citoyens en augmentant le salaire minimum et en défendant le droit à une retraite décente. Mais aussi une nouvelle parlementarisation de la vie politique. En ce moment, il est de bon ton de nous reprocher le soi-disant « chahut » que nous causerions à l’Assemblée. C’est de la propagande de ceux qui veulent un pouvoir présidentiel fort, même s’il est minoritaire dans le pays. Les vrais républicains doivent être vigilants. La tentation autoritaire rôde. Nous nous étions habitués au présidentialisme, un pouvoir trop solitaire et bientôt autoritaire, exacerbé depuis l’instauration du quinquennat, avec une majorité parlementaire qui reproduisait mécaniquement la majorité présidentielle. Cela a changé depuis juin 2022 : chaque vote peut avoir une issue incertaine. D’où la passion exacerbée de l’Assemblée. Du point de vue du citoyen, il est remarquable qu’au début de la session, nous ne sachions pas quel en sera le résultat. Alors bien sûr c’est un peu théâtral parfois, mais c’est la vie parlementaire.

On oubliait qu’il y avait des batailles à l’Assemblée sous la IIIe et la IVe Républiques ! Jaurès s’était cassé le visage en descendant du podium. Il y avait un réservoir ivre pour ces messieurs trop enthousiastes. On a même provoqué un duel – je pense au dernier, en 1967, entre les députés Gaston Defferre et René Ribière.

Que pensez-vous de la présence des 89 délégués RN à l’Assemblée ?

C’est la traduction du score de Marine Le Pen de la présidentielle aux législatives. L’extrême droite, en demi-cercle, n’est pas nouvelle. Ça me fait mal que le RN soit là dans ces proportions, pourtant ça fait deux élections présidentielles depuis qu’il est au second tour ! L’anomalie serait qu’il ne soit pas à l’Assemblée. Ce pouvoir existe, et la seule façon de lutter contre un tel pouvoir n’est pas de prétendre qu’il n’existe pas, car les paramètres du V l’ont depuis longtemps effacé.

En revanche, ce qui est nouveau, c’est que le camp macroniste préfère aujourd’hui l’élection d’un député d’extrême droite à celle d’un candidat du Nupes. Que le camp de Macron s’appuie sur le RN pour faire approuver ses projets et inclure certains points du programme d’extrême droite, comme on vient de le voir à propos de la « loi pouvoir d’achat », est un signe inquiétant de l’effondrement démocratique de la droite, ou est appelé Renaissance ou LR.

La stratégie du RN, plus de droite que d’opposition à la majorité, sera-t-elle payante ? Parce que la sociologie de leur électorat est plus populaire, ce n’est pas forcément ce qu’il attend. Dans tous les cas, le RN ne doit pas être sous-estimé.

L’extrême gauche est-elle la même chose que l’extrême droite ?

L’extrême droite a une longue histoire qui remonte à la Révolution française. Ce qui la caractérise dans la continuité, c’est le refus de l’universalisme des droits de l’homme. Sa forme actuelle, le RN, est née de la coalition des nostalgiques de Vichy et des Waffen-SS françaises avec les vétérans de l’OAS. C’est l’œuvre de Jean-Marie Le Pen que sa fille poursuit, en digne héritière. Rien à voir avec les partis dits d’extrême gauche. Je vous l’ai dit, la France insoumise n’est pas l’extrême gauche. Mais l’extrême gauche n’a jamais renié l’universalisme, l’égalité des droits de tous les individus et le projet d’émancipation des Lumières. Si l’extrême gauche critique les formes « bourgeoises », c’est pour dénoncer leur non-réalisation. Comme je l’ai déjà mentionné, les désaccords que j’ai avec l’extrême gauche portent davantage sur les moyens que sur les fins. Les Nupes doivent travailler à construire des ponts avec les courants d’extrême gauche qui le souhaitent – je pense notamment au NPA.

Le wokisme existe-t-il ? Y a-t-il des vigiles à LFI ? Es-tu réveillé?

Aux États-Unis, il est incontestable que le wokisme existe. De plus, il est tout à fait sain qu’une société qui, il y a à peine cinquante ans, disposait encore d’une législation raciste se demande dans quelle mesure la discrimination est durable. « Se réveiller », c’est ne jamais perdre de vue que le temps des discriminations fondées entre autres sur la couleur de peau, le sexe ou la religion n’est pas révolu. Cela demande vigilance, éveil – qui est le sens premier de « réveillez-vous » – et mobilisation permanente. Si vous voulez à tout prix américaniser le vocabulaire, oui, sur le plan intellectuel, la France insoumise peut reconnaître un esprit éveillé dans sa lutte pour la justice et l’égalité. Personnellement, je ne me vois pas comme un militant vigilant, mais je comprends ce projet et le partage en partie. En particulier, je pense que certains chapitres de notre histoire, comme la colonisation, ont laissé des cicatrices qui ne sont pas complètement cicatrisées.

Là où je voudrais tirer un trait, c’est que je ne suis pas pendant toute la durée de notre histoire comme un « raciste » ou « colonialiste » pour l’accusation. Je ne suis pas pour le déverrouillage des statues. Au contraire, je défends la transmission de notre histoire, qui est riche et grande, dans toute sa complexité, en replaçant les mouvements d’opinion dans leur contexte. Il vaut mieux savoir qui est le personnage représenté par la statue, même s’il a commis des crimes, que de l’effacer de notre histoire, car l’esclavage et le colonialisme du passé doivent être enseignés.

Cependant, je ne vais pas être dupe. L’accusation de « wokisme » contre l’enquête publique et l’université – je pense notamment aux anciens ministres Blanquer et Vidal – a été et reste une atteinte à leur indépendance. On comprend maintenant qu’il s’agissait aussi de construire les premiers ponts idéologiques avec la droite réactionnaire et l’extrême droite. Tout au long de l’histoire, attaquer la science et attaquer l’indépendance des chercheurs et des éducateurs a été un classique de l’extrême droite. Éveillés ou pas éveillés, nous continuerons à résister à toute forme de discipline universitaire.

L’ancien dirigeant travailliste britannique Jeremy Corbyn était à Paris lors de la campagne des législatives pour soutenir les LFI Danielle Simonnet et Danièle Obono. Corbyn a été critiqué pour avoir été indulgent envers l’antisémitisme lorsqu’il dirigeait le Labour. Y a-t-il un manque de clarté à LFI à ce sujet ?

Il n’y a pas d’ambiguïté sur l’antisémitisme à LFI. Il ne suffit pas de répéter un mensonge pour qu’il devienne une vérité. Nous n’avons jamais eu la moindre complaisance envers ceux qui tiennent des discours et – pire encore – commettent des actes anti-juifs. L’antisémitisme est un poison mortel que la France a malheureusement connu au XXe siècle. Rappelons-nous constamment. Quant à moi, je suis de la génération Malik Oussekine, né en politique dans la lutte contre le racisme et l’antisémitisme.

Il y a eu un manque de vigilance au sein du parti travailliste britannique à propos de l’antisémitisme que Corbyn a lui-même reconnu. Il a certainement commis des gaffes et, à de rares occasions, pris des positions déroutantes. Je pense notamment aux contacts avec des proches du Hamas, un mouvement qui ne reconnaît pas le droit à l’existence d’Israël. La critique des gouvernements israéliens est légitime, et toutes les critiques d’Israël ne peuvent pas être assimilées à de l’antisémitisme. Mais tous les opposants à la politique israélienne ne doivent pas être placés au même niveau. De plus, il rend un mauvais service à la cause palestinienne en l’assimilant, même en partie, à des mouvements comme le Hamas et, en général, aux islamistes politiques. Sous couvert d’antisionisme, ces mouvements tiennent en fait un discours antisémite. Par conséquent, Corbyn a eu raison d’abandonner l’utilisation du mot sioniste car, comme il l’a dit, « il est de plus en plus kidnappé par des antisémites comme nom de code pour les juifs ». Par la suite, un calcul interne au sein du Parti travailliste, initié par les héritiers de Tony Blair, a entraîné la mise à l’écart puis la réintégration de Corbyn. Ses adversaires ont instrumentalisé cette accusation pour résoudre des problèmes d’orientation économique et sociale, ou liés au Brexit. C’est assez minable. J’ajoute une évidence : ni moi ni LFI ne sommes responsables des débats et des expressions au sein du PvdA.

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Publié le 18 juillet 2022 à 17h30Recevoir l’accompagnement d’un réseau d’accompagnement au…
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