Blanchiment des dents, trop de produits nocifs ou inutiles

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Written By Sophie Ledont

Rédactrice passionnée qui a vécu dans plus de 25 pays toujours à la recherche de la dernière information.

La tendance des dents blanches fait que de nombreuses personnes achètent des produits en ligne au lieu d’aller chez le dentiste. Une très mauvaise idée !

« Un sourire de star en moins de 9 jours », « Des dents blanches en 16 minutes »… Les promesses des produits de blanchiment sont incroyablement audacieuses ! Mais ce marketing cache un certain nombre de dangers, dont les arnaques. Pourtant, il est facile d’acheter en ligne un produit qui contient des doses d’eau oxygénée ou de carbamide (les deux substances utilisées pour éclaircir les dents) bien supérieures aux normes légales. La Répression des fraudes affirme avoir opéré un grand ménage dans ce secteur particulièrement florissant.

La législation est claire : les produits dentaires dont la concentration en peroxyde d’hydrogène est supérieure à 6 % sont interdits dans l’Union européenne. Et seuls les chirurgiens-dentistes peuvent appliquer des produits contenant 0,1 à 6 % de peroxyde d’hydrogène ou 0,3 à 16 % de peroxyde de carbamide (qui se transforme en peroxyde d’hydrogène dans l’air, en perdant sa concentration).

Tous les produits vendus directement aux consommateurs (y compris bains de bouche, dentifrices, etc.) via Internet, en pharmacie ou appliqués dans un bar à sourire doivent être inférieurs à 0,1 % (et 0,3 % pour le carbamide). Pour quelle raison ? Parce qu’ils ne sont pas sûrs.

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À utiliser avec parcimonie, dans un cadre médicalisé

Premier problème, heureusement réversible : l’hypersensibilité dentaire, dont souffrent certains patients lors de l’installation. « L’eau oxygénée agit plus vite, mais induit plus de sensibilité », explique le Dr Éric Bonnet, chirurgien-dentiste, qui pratique et enseigne les techniques de blanchiment depuis plus de trente ans.

Deuxième problème : le risque d’aggraver une pathologie existante non diagnostiquée. « Dans une dent cariée, le peroxyde d’hydrogène, même à faible concentration, va pénétrer très profondément et provoquer une mortification, c’est-à-dire une perte de vitalité. Si vous avez aussi une inflammation des gencives, cela va l’augmenter », explique le Dr Christophe. Lequart, porte-parole de l’Union française pour la santé bucco-dentaire (UFSBD).

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Un risque pour l’émail

Avant de faire le blanchiment à domicile ou au cabinet, il est donc indispensable de faire vérifier l’état de vos dents chez un dentiste, et surtout pas dans un bar à sourire, dont les employés n’appartiennent pas au corps médical.

Enfin, troisième problème : ces produits blanchissants, même à des concentrations autorisées, ne doivent pas être utilisés en routine. « Une utilisation trop fréquente risque d’abîmer l’émail », conseille le Dr Lequart. Lorsque le produit est à faible concentration (0,1% maximum), cela peut être fait au maximum 2 fois par an.

12 produits de blanchiment à la loupe

Bain de bouche, mousse, gel, poudre de charbon, lampe à lumière bleue, etc. Nous avons demandé l’avis d’Éric Bonnet, chirurgien-dentiste, spécialiste des techniques de blanchiment. Sur 12 systèmes et produits destinés à blanchir les dents, les deux tiers sont à proscrire et aucune étude scientifique n’a validé l’efficacité des 4 autres.

Retrouvez notre étude et ses conclusions dans le numéro spécial Dents spéciales : prévention et traitement. Un magazine mordant, qui lève le voile sur les produits efficaces ou nocifs, les gadgets d’hygiène bucco-dentaire… Entrez dans le monde incertain des centres dentaires, notez ce qui est pris en charge par l’assurance maladie à 100%, et identifiez les mutuelles les plus adaptées pour vous.

Des éclaircissements rapides problématiques

A la maison, dans un bar à sourire ou au bureau, le procédé est le même : injecter le produit blanchissant dans une table et laisser agir. Ceux des dentistes, dosés à plus de 0,1 %, permettent un blanchiment après deux à trois semaines d’utilisation quotidienne pendant 3 heures le soir, selon la concentration.

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« Plus le blanchiment est long, plus il est doux et durable », explique le Dr Martine Zisserman, chirurgien-dentiste spécialisé en esthétique du sourire. Mais gare aux promesses d’éclaircissements en quelques minutes de certains bars à sourire. Appliquez vraiment de l’acide phosphorique, le produit que nous utilisons pour lier les composés au bureau. » En laissant poser 40 secondes au lieu de 20, la dent ne devient blanc opaque que quelques heures ou quelques jours…

Des gadgets marketing à l’efficacité infondée

L’ajustement de la cave dans laquelle le produit est placé est également crucial. « Un débordement du gel sur les gencives peut être très douloureux, un peu comme une brûlure », conseille Marianick Lambert, présidente de France Assos Santé, qui publie des conseils à destination du grand public sur son site internet. Le Dr Zisserman a pu constater les dommages sur l’un de ses patients dont les gencives ont reculé après un blanchiment à domicile… Les gouttières thermoformées sur mesure, fabriquées par des dentistes, offrent une sécurité supérieure aux gouttières disponibles dans le commerce sur le marché.

Sur Internet, de nombreux produits sont associés à une lampe LED. « Il y avait un consensus européen sur le sujet, qui concluait que ces lampes étaient totalement inutiles dans le cadre du blanchiment, explique le Dr Éric Bonnet. C’est une astuce marketing. Pourquoi ça a l’air de marcher ? sèche (avec une​​​​lumière par exemple) elle prend une teinte plus claire en se déshydratant. Elle retrouvera très vite sa couleur d’origine avec la salive.

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Une dentition lumineuse n’est pas plus blanche

Deuxième astuce des vendeurs de sourires : un gel bleuté fourni avec les kits de blanchiment, qui réfléchit la lumière. « Vos dents ne sont pas plus blanches, mais transitoirement brillantes. Il ne faut pas s’attendre à des effets durables », prévient le Dr Bonnet. Ce type de « solution » fait partie des produits annoncés comme « sans peroxyde ». « Mais aucun produit autre que le peroxyde (hydrogène ou carbamide) n’a la propriété de blanchir les dents à long terme. » Pures allégations, donc…

Côté coût, au cabinet, « ça coûte entre 500 et 1 200 €, selon la notoriété et la localisation du chirurgien-dentiste », pointe le Dr Lequart. Les produits (douteux) vendus sur Internet vous coûteront quelques dizaines d’euros et vous devrez débourser de 50 à plus de 500 euros dans les bars à sourire.

Les matériaux des prothèses ne vont pas blanchir

Au-delà des risques médicaux inhérents à un blanchiment sans l’avis d’un dentiste, le résultat n’est en rien décevant. En effet, les produits de blanchiment ne changent pas la couleur des couronnes, composites, etc. Il y a donc le risque d’avoir, par exemple, deux incisives très blanches à côté d’une couronne sur le chien qui restent beiges.

De plus, la coloration interne des dents (due à la prise d’antibiotiques de la classe des tétracyclines, par exemple) ne peut pas être éliminée par le blanchiment. Le Dr Bonnet explique toujours à ses patients que les dents sont toutes de teintes naturelles de jaune, et qu’il blanchit, et non blanchit.

Il n’existe pas de standard uniforme de teintes

De plus, le cou (zone près de la gencive) est toujours un peu plus foncé que le reste de la dent. Autant dire que « la promesse de gagner 5, 10 ou 40 teintes ne veut rien dire ! » Chaque fabricant a son propre teintier, avec de gros écarts », prévient le Dr Lequart.

Gagner une ou deux teintes semble raisonnable, mais « tout dépend de la qualité de l’émail et de l’âge du patient, car les dents jaunissent avec l’âge [NDLR : l’émail s’amincit et la dentine apparaît] », souligne le Dr .Zisserman. Dans la pratique cependant, un nuancier (de la marque Vita) est une référence et les professionnels doivent parfois ramener leurs patients à la raison : « Plus blanc que blanc, c’est la couleur du lavabo et cette couleur n’existe pas dans la nature. … »

Raison et prudence s’imposent donc pour un sourire plus blanc, plutôt qu’un sourire jaune après un traitement mal appliqué ou inadapté !