Depuis la fin de l’été, le nombre de passages quotidiens aux urgences du CHU de Bordeaux (à Pellegrin et Saint-André) a augmenté de 10 %, passant de 200 à 220. « Malheureusement, certains patients sont sur des brancards installés en couloirs, mais ce ne sont pas eux qui restent plusieurs jours », rapporte Eric Tellier, chef des urgences pour adultes à l’hôpital Pellegrin, dont le nombre d’hospitalisations oscille ces jours-ci entre 150 et 170 passages, après des pics de 200 voire 220 lors des fêtes de la Toussaint.
Tous les services d’urgence de la métropole sont actuellement en difficulté, mais celui de l’hôpital Pellegrin, étant celui qui dispose de la plus grande capacité d’accueil, a la particularité d’être une solution de référence pour d’autres services, publics et privés, y compris ceux congestionnés. Les services de régulation Samu et Smur traitent 1 200 dossiers par jour, contre 1 000 en temps normal.
Des personnes âgées sans solution
« Les flux de patients sont beaucoup plus élevés qu’avant le Covid-19 », indique le Dr Eric Tellier. Nous accueillons des patients âgés polypathologiques nécessitant beaucoup de soins et absorbant du temps médical et paramédical. Si tout s’est bien passé, ils ne devraient jamais se retrouver aux urgences, mais venir pour « un maintien à domicile difficile », explique-t-il, alors que les médecins généralistes qui les suivent « sont arrivés au bout de ce qu’ils peuvent faire ». Ces patients restent parfois cinq à six jours aux urgences faute de place dans les autres services. « La direction de l’hôpital est très compétente et met tout en œuvre avec l’agence régionale de santé [ARS] pour débloquer ces lits et hospitaliser les patients là où ils doivent se rendre, estime le responsable des urgences de Pellegrin. Mais c’est tout un système qui a été miné par la politique des vingt dernières années.
Après plus de 18 mois d’une crise sanitaire qui a mis à rude épreuve des infirmiers en sous-effectif, les indicateurs d’épuisement sont bien visibles. Il s’agit notamment d’une augmentation des « accidents d’exposition au sang » aux urgences, souligne le Dr Eric Tellier. Et globalement, le CHU a vu le taux d’absentéisme de ses équipes passer de 8 à 9 %.
Plusieurs explications
« Depuis le 27 septembre, il y a grève contre les médecins SOS, qui assuraient 50 visites par jour rien qu’à Bordeaux, raconte Yann Bubien. Et, 9 fois sur 10, cela permettait de garder les patients à domicile. « Autre paramètre, il y a un report de traitements qui ont été reportés pendant l’urgence sanitaire. « On cumule une hausse d’activité due en partie à la grève et une reprise des soins, assez importante, depuis septembre de cette année », résume le directeur général du CHU de Bordeaux. D’autant qu’entre les vacances d’été et celles de Noël, c’est toujours une période de forte activité pour les services hospitaliers.
« Il y a une pénurie de lits, due à un manque de personnel, qui s’est accru ces dernières années et à un déficit de recrutement, note le Dr Eric Tellier. Cela fait des années que les lits de suite et de réadaptation [SSR] ont été ouverts car la population vieillit et les offres en Ehpad sont très limitées ». Actuellement 9% des lits du CHU sont fermés faute de personnel, soit 2 333 lits ouverts sur une capacité de 2 580.
« Historiquement, la Gironde a pris du retard dans la création de lits SSR, commente Bénédicte Motte, directrice de la délégation départementale de la Gironde à l’ARS Nouvelle-Aquitaine. Nous essayons d’inverser la tendance et avons de nombreux projets en cours. «
Quels leviers d’actions ?
Le CHU essaie d’adapter au mieux ces moyens à la situation, en constante évolution. La protection civile a été appelée en renfort pour accueillir et orienter les personnes qui se présentent aux urgences par exemple. « Nous avons lancé un plan d’attractivité médicale et paramédicale pour recruter davantage, notamment des infirmiers et des personnels de santé, explique le directeur du CHU. Nous proposons une embauche directe en CDI et un accès au statut de fonctionnaire, qui peut être plus rapide voire immédiat. «
L’ARS favorise un meilleur filtrage des patients avant leur admission aux urgences, en contactant au préalable le 15 ou leur médecin. « Il y a toute une batterie de mesures, dont la télémédecine, pour que les personnes, âgées ou non, ne se rendent pas aux urgences », explique Bénédicte Motte. Pour les personnes âgées, le mot d’ordre est de rester le plus possible à domicile et les hospitalisations visent les services correspondant à leurs besoins, en cas d’hospitalisation. Une ligne d’assistance gériatrique dédiée a été mise en place pour améliorer l’orientation des patients dans les maisons de retraite. L’expérimentation d’un service d’accès aux soins (SAS) devrait également permettre, via un numéro unique, d’orienter les patients vers des médecins généralistes à des heures non programmées.
L’ouverture en urgence de la clinique Tondu à Floirac, annoncée pour le premier semestre 2022, et celles de Bahia (qui regroupent Robert-Picqué et Bagatelle) devraient donner un peu d’oxygène aux autres services d’urgence de la métropole.