Bordeaux : Situation très tendue aux urgences, le personnel s’inquiète pour la prise en charge des patients

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C’est la solution de plâtre qui en dit long sur l’état de l’hôpital. Deux tentes abritant le poste de santé avancé étaient encore en cours d’installation ce jeudi aux urgences du CHU Pellegrin à Bordeaux. Ces équipements, habituellement réservés aux sinistres, ont été déployés mardi pour pallier les goulots d’étranglement du service, qui manquait cruellement d’effectifs. Une cellule de crise se réunit quotidiennement pour évaluer la situation.

« Ce qu’on faisait dans les couloirs depuis des mois, maintenant on le fait aux yeux de tout le monde dans la tente de tri avec du personnel supplémentaire, mais ce sont des situations qu’on a vécues, malheureusement pas anecdotiques, ni extraordinaires », explique Aude, médecin urgentiste aux urgences du CHU Pellegrin et du Samu-Smur.

« Il est important de noter que le poste de santé avancé n’a pas vocation à trier les patients mais à gérer temporairement des situations de très forte activité et ainsi sécuriser la prise en charge de tous les patients », a expliqué la direction du CHU, dans un communiqué.

La faute au Covid-19 ?

Cette nuit-là, très peu de cas de Covid-19 sont arrivés aux urgences, moins d’une dizaine selon le médecin, et ce n’était pas un cas grave qui alourdirait le service. La direction du CHU n’a pas partagé ce constat, affirmant dans son communiqué, que la majorité des patients admis « ont le Covid-19 nécessitant une hospitalisation immédiate ou victimes d’AVC, ou des patients âgés polypathologiques. »

« La crise des urgences est survenue avant 2019 et on tirait déjà la sonnette d’alarme, se souvient Gilbert Mouden, infirmier anesthésiste et élu Sud Social Santé. Le Covid est venu aggraver le problème en poussant à des arrêts supplémentaires et aujourd’hui nous n’avons plus de réserve de personnel. Et cela conduit à des fermetures massives de lits ». Près de 600 sont actuellement fermés faute de personnel malgré une démographie qui explose, notamment à Bordeaux, et une population vieillissante nécessitant des soins de plus en plus complexes.

Cette tente n’est que la pointe de l’iceberg. Les soignants ont décrit le service haletant et hurlant, gâché par le fait qu’ils n’étaient plus en mesure de s’occuper correctement des patients.

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Des conséquences pour les patients

Les médecins urgentistes ont agité une situation plus tendue cet été. « Nous avons eu une crise cardiaque dans le couloir que nous n’avons pas pu gérer car il n’y avait pas assez de soignants », a-t-il déclaré, la gorge suffoquée. Les gens ne sont pas surveillés là-bas. » Dans un service qui a été construit dans les années 1990 pour recevoir entre 75 et 80 pièces par jour contre 200 aujourd’hui, les jours de forte affluence, ni l’un ni l’autre ne s’est bien passé.

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« Il y a une vraie perte de chance, on a des dizaines d’exemples », a souligné le jeune urgentiste. Nous avons 20 à 30 % de patients, et je pense que c’est un nombre sous-estimé, pour qui nous passons à côté avec des séquelles parfois très graves. Il a pris l’exemple d’un accident vasculaire cérébral chez un patient d’une quarantaine d’années qui a été adressé à Pellegrin, qui est un centre de référence pour les AVC en Nouvelle-Aquitaine, dont la tension artérielle n’a pas pu être correctement régulée et le cerveau n’a pas pu être correctement protégé « avec tous les soins qui aurait dû être placé dans une structure quelconque. » ceci ».

Alors bien sûr, l’équipe a fait ce qu’elle a pu et a essayé de remédier « mais concrètement on n’a pas le matériel et on n’a pas les bons soignants pour faire ce qu’il faut faire dans ce service », a-t-il poursuivi. Les services hospitaliers spécialisés sont également débordés, certains patients attendant parfois trois jours sur des civières. Et quand il s’agit de personnes très âgées qui développent des escarres et des phlébites au cours de leur séjour « elles repartent avec plus de complications qu’à leur arrivée » se plaint le médecin.

Des « rustines » pour faire face à la crise

Conscient que certains dossiers ne sont pas sous l’autorité de la direction mais le ministère de la santé, collectivement, a demandé au moins « des correctifs pour éviter trop de dégâts ». Par exemple, des soignants supplémentaires sont demandés dans le couloir, où jusqu’à douze patients peuvent s’entasser. Il a également demandé le renforcement des effectifs des unités d’hospitalisation de courte durée qui doivent appliquer des traitements sévères à proximité des soins intensifs, en attendant qu’une place en réanimation se libère.

Plus d’une dizaine de médecins ont démissionné du CHU de Bordeaux en 2021 et de nombreux ambulanciers ont également demandé leur mise à disposition ou remis leur démission, comme en témoigne Gilbert Mouden. « L’ajout de main-d’œuvre doit être une priorité car sinon l’agence connaîtra un burn-out et c’est un cercle vicieux, a-t-il ajouté. La direction sait qu’une solution doit être trouvée. Nous n’avons plus de réserves de personnel, nous sommes arrivés à une situation très grave. »

Et ce n’est pas le projet de modernisation du CHU, prévu pour 2030, déjà jugé « obsolète » par les jeunes médecins au vu de l’absence d’augmentation prévue des lits d’hospitalisation, qui les convaincra.

« Ce n’est pas dans notre culture [de se mobiliser], nous préférons nous reposer et faire autre chose entre nos gardes. Mais comme notre patient est décédé dans le couloir et que notre collègue s’est suicidé, nous n’avions pas le choix », conclut Aude.