Venise et les Vénitiens ont signé une victoire en juillet dernier. Après des années de négociations, le gouvernement italien a enfin légiféré le passage des plus gros paquebots de croisière dans le bassin qui délimite la place Saint-Marc et le canal de la Giudecca. Depuis le 1er août, les bateaux, pesant plus de 25 000 tonnes et longs de 180 mètres, quittent ces « mostri del mare » (« monstres marins »), comme les appelait la presse italienne.
Comité des Vénitiens en colère
Pour Ruggero, un Vénitien vivant sur l’île de la Giudecca de l’autre côté de la lagune, c’est une vraie victoire. Il fait partie du « Comitato no grandi navi » (comité anti-croisière) depuis 10 ans et se mobilise contre le phénomène.
« Ce comité fait partie d’un réseau d’associations qui se battent pour les problèmes vénitiens, explique-t-il. Comme la gestion de l’acqua alta, les inondations qui déferlent sur la ville ou des logements devenus inabordables pour de nombreux Vénitiens en raison de la multiplication des Airbnbs. »
Depuis l’interdiction d’entrée des grands paquebots de croisière à Venise, le quotidien de Ruggero n’est plus le même. « C’est très simple, quand je me lève le matin, je vois déjà Venise par la fenêtre. J’avais l’habitude d’avoir automatiquement un bateau de croisière qui bloquait ma vue.
Lors du passage de ces « bateaux monstres » dans les canaux étroits, les habitants de la Sérénissime pouvaient presque les toucher avec leurs doigts. « C’était accablant et effrayant », se souvient Ruggero.
Embouteillages et fumée dans le ciel
Outre le flot de touristes qu’ils déversent chaque jour dans les vaporetti (transports en commun vénitiens) et les ruelles de la ville, les bateaux provoquent une pollution devenue insupportable pour les Vénitiens.
« Le port de Venise n’est pas électrifié », explique Ruggero. Soudain, les moteurs ne s’arrêtaient plus et il était impossible de voir Venise sans la fumée des cheminées dans le ciel. » Le bourdonnement et les hordes de touristes faisaient partie du quotidien des Vénitiens.
Protéger l’écosystème du lagon
« La lagune de Venise est un écosystème délicat », poursuit Ruggero. Le passage des navires a également créé un certain nombre de problèmes, notamment des vagues qui ont affaibli les fondations de la ville.
« Alors que les navires grattent le fond peu profond du lagon, ils détruisent les bancs de boue qui maintiennent le lagon en vie », poursuit Ruggero.
Depuis 2008, l’association « Ambiente Venezia », très engagée sur le sujet, photographie également les effets du « moto ondoso », comme on appelle la pollution causée par les vagues lors du passage des bateaux. Les instantanés montrent l’usure de la ville, des dalles mouvantes aux fissures dans les murs.
Le 2 juin 2019, un bateau de croisière a rencontré un quai et un bateau touristique dans le port de San Basilio à Venise. « Ensuite, 10 000 personnes sont descendues dans la rue », se souvient Ruggero. Avec une population de 50 000 Vénitiens, c’est un nombre remarquable.
Des opérations de poinçonnage sont organisées régulièrement. Comme ce référendum citoyen pour savoir qui voulait que les bateaux de croisière quittent le Lagon.
« Sur les 20 000 participants, 19 000 ont voté pour », se souvient Ruggero. Une fois de plus, c’est toute la ville qui s’est mise à contribution pour payer l’amende infligée par la justice à un groupe de Vénitiens venus empêcher un navire transportant bateaux et gondoles d’accoster dans la lagune.
« Le problème avec les bateaux de croisière n’est que la pointe de l’iceberg », a déclaré Ruggero. « Notre ville ne doit pas devenir Disneyland et nous les Vénitiens ne devons pas devenir une espèce menacée d’extinction parce que le tourisme de masse a envahi notre quotidien », commente-t-il, appelant à une réflexion globale sur la ville et son rapport au tourisme.
Concernant les bateaux de croisière, le comité vénitien, également sollicité par de nombreuses autres villes, ne veut pas s’arrêter là. « Nous sommes actuellement en dialogue avec Marseille et souhaitons organiser en septembre un événement qui rassemble des comités de toute l’Europe. »
Et vous, que pensez-vous des revendications et mesures de cette instance ? N’hésitez pas à nous faire part de vos idées en nous écrivant à solutions@nicematin.fr.