Début juillet, des journalistes d’investigation de plusieurs médias internationaux, dont Le Monde et Radio France, ont révélé une multitude d’informations sur la manière dont la société Uber a utilisé la violence dans plusieurs pays, dont la France. Ces « dossiers Uber » s’appuient principalement sur une source qui est aussi un acteur clé de ces violences : Mark McGann, lobbyiste en chef de la zone Europe, Afrique et Moyen-Orient d’Uber. Il raconte comment les lois ont été contournées, détournées, en France avec l’aide précieuse du ministre de l’Economie de l’époque, un certain Emmanuel Macron. Ce dernier a secrètement rencontré le PDG d’Uber à de nombreuses reprises et a mis en œuvre le changement de loi en sa faveur. Mark McGann l’a ensuite aidé à récolter des fonds pour sa campagne présidentielle victorieuse de 2017. Comprenez tout sur ce scandale qui prouve une fois de plus pour qui travaille le président et comment fonctionne le capitalisme contemporain : par la brutalité, l’influence et la corruption.
Table des matières
1 – Qu’est-ce qu’Uber a changé dans le monde du travail ?
Uber a été fondé en Californie en 2009. Son concept est simple : au lieu d’employer des taxis et de devenir une entreprise de transport, elle se contente d’être une plateforme en ligne mettant en relation des chauffeurs indépendants et des clients qui souhaitent accéder à un service moins cher. Ce modèle économique réduit considérablement la responsabilité sociale de l’entreprise, qui se contente de percevoir une taxe sur les transactions en échange du service de mise en relation qu’elle fournit. En théorie, elle n’a aucun lien de subordination avec les chauffeurs, qui sont ses « propres patrons » et doivent être assurés contre les accidents du travail, la maladie, n’ont pas de congés payés et doivent financer eux-mêmes leur matériel de travail (véhicule et essence). C’est l’ubérisation : un processus de disparition du salariat au profit d’une condition d’autonomie théorique admise à l’application, c’est-à-dire l’irresponsabilité des employeurs envers ceux qui restent en fait leurs salariés.
L’ubérisation a été le cheval de Troie de la destruction de notre modèle de société au cours de la dernière décennie pour une partie de notre classe dirigeante, qui a longtemps voulu mettre fin aux « blocages », « acquis sociaux » et autres carences. flexibilité » de notre économie
L’entreprise a déménagé en France fin 2011. Ça tombe bien, car quelques années plus tôt, en 2009, le gouvernement de Nicolas Sarkozy avait créé le statut d’auto-entrepreneur : il permet à n’importe qui de créer sa propre « entreprise automobile ». de manière simple et rapide, sans vérifier ses conditions de travail ou son éventuelle dépendance à un seul client. Et toujours grâce à Sarkozy, une loi de 2009 a considérablement dérégulé le statut des conducteurs de véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC), simplifiant les procédures et allégeant les contrôles.
Uber s’est engouffré dans cette entorse à la loi pour proposer aux chauffeurs une offre hilarante : créer son entreprise, devenir chauffeur VTC, payer son véhicule, son assurance, sa sécurité sociale, ses vacances, et en retour, nous devenons clients chez Supply des piques, de quoi vivre comme des princes.
Cet accord s’est avéré mauvais pour les conducteurs au fil du temps, car les commissions prélevées par Uber ont augmenté à mesure que le marché est devenu plus compétitif et moins rentable. De plus, cette réglementation juridique fait polémique dans le monde entier, que ce soit en France, en Espagne, en Grande-Bretagne ou aux États-Unis : les tribunaux ont jugé à plusieurs reprises qu’il ne s’agissait pas d’une relation prestataire-client, mais plutôt d’une relation patron-subalterne , et que les pratiques d’Uber et de ses concurrents ressemblent à de l’emploi déguisé…. Sans avantages sociaux.
L’ubérisation a donc été le cheval de Troie de la destruction de notre modèle social au cours de la dernière décennie pour une partie de notre classe dirigeante qui a longtemps voulu en finir avec les « blocages », les « acquis sociaux » et autres carences de « flexibilité » de notre économie. Cette démarche, initiée par Uber, s’est propagée à d’autres secteurs comme la livraison de colis, la livraison de plats cuisinés (Deliveroo, Uber Eats, etc.) ou l’hôtellerie (Airbnb, Booking, etc.).
2 – Comment Uber a-t-il réussi à s’imposer en France ?
Par la violence, l’illégalité et la guerre idéologique. C’est Travis Kalanick, ex-PDG d’Uber, qui l’a dit sans détour : « La violence garantit le succès ». Pour cette raison, la principale technique d’Uber était de s’établir illégalement et d’appliquer des règles illégales dans le but de les faire reconnaître rétrospectivement.
Par exemple, en France, Uber a lancé le service Uberpop en février 2014. Ce service est encore plus minimal pour les chauffeurs que la proposition initiale d’Uber : si vous souhaitez devenir chauffeur Uber, vous devez en effet obtenir le statut de VTC.Ce n’est plus le cas avec « Uberpop » : il suffit d’avoir sa propre voiture, une B permis de conduire et âgé de plus de 21 ans. De manière totalement abusive, l’entreprise a trompé ses chauffeurs en leur faisant croire qu’ils faisaient du covoiturage, prenant les passagers pour un « pourboire » plutôt qu’un vrai tarif.
Les tarifs sont donc extrêmement bas, permettant à une toute nouvelle clientèle qui n’a pas les moyens de s’offrir un taxi de les utiliser. Créée dans l’ornière ouverte par Uberpop, la plateforme Heetch propose le même service à des prix dérisoires. Cette concurrence déloyale entraîne des affrontements entre chauffeurs de taxi et chauffeurs Uberpop. Les « dossiers Ubers » montrent que l’entreprise était consciente de la situation mais l’a délibérément aggravée pour exploiter politiquement le conflit Uber/Taxis, ce dernier étant qualifié d’archaïque et de corporatiste : « Les taxis, les gens ne vont pas les pleurer ! » titrait Le Figaro en janvier 2014 ; Dans le même temps, le chroniqueur Mobilité du Monde expliquait : « Pourquoi je ne veux plus prendre de taxi ».
Avec la confrontation avec les taxis, l’entreprise prend le parti de la modernité et de l’innovation, même si elle se contente de réinventer ce qui existait au XIXe siècle avant le salariat : le travail à la tâche, où les employeurs ne sont pas responsables des accidents, maladies ou congés !
Ce battage médiatique a été largement orchestré par l’entreprise : Les « dossiers Uber » révèlent que l’entreprise a fait appel à une société spécialisée dans la rédaction et la diffusion d’articles clés en main pour favoriser la formation d’un regard dans la société. 19 articles sont répartis sur les pages du blog de Mediapart, mais aussi Challenges, Les Echos ou Le Journal du Net. Ils avaient tous en commun de s’en prendre au métier de taxi, le qualifiant de « sclérotique », « privilégié » et politiquement dominant, alors qu’Uber était décrit comme une entreprise innovante, dynamique et cosmopolite… Cette entreprise spécialisée dans la distribution de contrefaçons items s’appelle Avisa Partners (anciennement iStrat). Lorsqu’elle a diffusé ces faux articles, elle avait Olivia Grégoire comme assistante réalisatrice. Pourtant, Olivia Grégoire est devenue députée LREM en 2017, avant de devenir secrétaire d’État en 2020 et, depuis début juillet, ministre déléguée aux Petites et Moyennes Entreprises, au Commerce, à l’Artisanat et au Tourisme ! Ici alors !
En 2015, le service Uberpop a finalement été fermé (le service a été officiellement interdit par la loi Thevenoud d’octobre 2014, mais a été fermé près d’un an plus tard) ; Pour Uber en revanche, l’objectif est atteint : son service VTC ordinaire est légitimé, s’est imposé dans la société, tandis qu’Uberpop a servi à discréditer les taxis et à pousser au maximum les infractions à la réglementation française pour mieux les fustiger. Cela a déclenché un débat social à partir duquel Uber s’est développé à l’échelle mondiale. En affrontant les taxis (en ciblant les lacunes de leur fonctionnement), l’entreprise a pris le parti de la modernité et de l’innovation, tout en se contentant de réinventer l’existant. où l’employeur n’est pas responsable des accidents, de la maladie ou des vacances !
Pour administrer la pilule idéologique d’un tel déclin social, Uber a graissé la jambe de plusieurs économistes qui ont produit des études démontrant le potentiel de création d’emplois dû à Uber et à son modèle. « Ce qui nous manque cruellement en France en ce moment, ce sont des preuves scientifiques ou académiques précises pour étayer nos arguments », a déclaré un dirigeant d’Uber dans un e-mail de 2014 faisant partie des « dossiers Uber ». Faire face : Début 2015, les économistes Augustin Landier et David Thesmar ont accepté de fournir leur propre étude pour 100 000 euros. On y apprend que les chauffeurs d’Uber gagneraient le double du salaire minimum et que l’entreprise pourrait encore créer de nombreux emplois. Toute la presse reprend l’information, sans forcément préciser que l’étude a été commanditée par Uber (bien que cela soit précisé dans le texte). Même le site de Pôle Emploi se fait l’écho des conclusions optimistes du rapport, sans préciser qu’il s’agit d’une étude commandée ! Déjà en 2017, nos confrères du média en ligne Le Vent se Rève dénonçaient l’utilisation de cette étude par le chroniqueur économique de l’ancien diffuseur ITélé, qui la citait sans en indiquer l’origine. Or, cette étude était largement erronée : l’estimation du revenu moyen des conducteurs, par exemple, ne tenait pas compte de certaines dépenses qu’ils auront à supporter, comme l’achat et l’entretien du véhicule, son carburant et son assurance. !
Pour administrer la pilule idéologique d’un tel déclin social, Uber a graissé la jambe de plusieurs économistes qui ont produit des études démontrant le potentiel de création d’emplois à travers la société Uber et son modèle.
L’économiste des médias Nicolas Bouzou a également été payé par Uber – 10 000 € – pour une étude montrant que l’entreprise pourrait créer jusqu’à 100 000 emplois si la législation était plus souple. En prime, il a assuré la communication de ce chiffre auprès des médias.
Uber s’est donc imposé en France en profitant des récentes évolutions juridiques comme le statut d’entrepreneur automobile et le VTC, mais est aussi passé dans l’illégalité avec son service Uberpop. Ainsi, l’entreprise américaine a pu créer des conflits dans la situation du marché des transports et faire connaître son « innovation », soutenue par une propagande médiatique intensive basée sur des études commandées par des économistes publiés et la production de faux articles, grâce à l’ancienne société du l’actuelle ministre du Commerce, Olivia Grégoire.
3 – Quel rôle a joué Emmanuel Macron dans la réussite de l’entreprise ?
Un rôle central. Les dossiers d’Uber révèlent que le secrétaire au Commerce de l’époque a promis son soutien à la société Uber et a rencontré secrètement le PDG de la société, Travis Kalanick, à plusieurs reprises entre 2014 et 2017 (aucune des réunions n’était à son ordre du jour officiel). . On sentait déjà cette proximité à l’époque : alors qu’il y avait eu de nouveaux affrontements entre chauffeurs Uberpop et taxis en 2015, Emmanuel Macron avait déclaré que si le service Uberpop était effectivement « illégal », « il faut arrêter avec cette polémique archaïque qui consiste à vouloir pour stigmatiser les VTC. C’est normal qu’il y ait de l’innovation et de nouvelles pratiques dans le secteur du volant. Tout le cabinet Macron a roulé pour Uber, au point qu’un futur député LREM, Pierre Person, les a approchés pour faire recommander son CV au siège de l’entreprise par le ministère de l’Économie. …) a postulé par la voie traditionnelle, mais comme je propose mes services axés sur le développement stratégique et les affaires publiques et que le poste n’était pas immédiatement disponible, un petit coup de pouce serait le bienvenu », écrit-il à Stéphane le 21 juin 2015 Séjourné, Ministre Conseiller du ministre Macron (depuis député européen LREM), dans un mail archivé par Macron Leaks. Vous vouliez travailler pour les employés d’Uber en 2015 ? Il n’y avait qu’à demander aux proches de Macron.
Le Monde raconte très bien les nombreuses promesses faites par Macron à Travis Kalanick, entre la protection du contrôle administratif (il serait intervenu pour suspendre un arrêté préfectoral interdisant certains véhicules Uber à Marseille en octobre 2015, selon France 3 régions) et la discussion sur une stratégie parlementaire pour légitimer les mesures favorables aux entreprises.
Comment a-t-il fait ça? Uber a souhaité faciliter l’accès au statut VTC. Macron a donc exhorté les lobbyistes d’Uber à envoyer des amendements « clé en main » aux députés qu’il recommande lors de l’examen de sa « loi Macron » pour qu’ils soient rejetés et lui, ministre qui aime le consensus et la démocratie, propose de les adapter. en compensation de ce refus dans un décret séparé. Un coup dans le House of Cards (série américaine retraçant les manœuvres cyniques mais brillantes d’un politicien sans scrupules), certes sans meurtre de sang-froid, mais en offrant à une entreprise privée un service qui garantit l’influence démocratique. Début 2016, la durée de formation pour l’obtention d’une licence VTC a été ramenée de deux cent cinquante à sept heures par décret. affaire conclue.
Vous vous demandez peut-être ce qu’est un changement « clé en main » ? C’est très simple et répandu : c’est une pratique de lobbying qui consiste à envoyer aux députés des propositions d’amendements (modifications d’articles de loi) dans un fichier au format .doc (facile à copier/coller) avant d’envisager une loi. Tous les secteurs influents le font : syndicats libéraux de médecins, lobby de la charcuterie, FNSEA, etc. Lorsque je travaillais à l’Assemblée nationale en tant qu’officier de groupe parlementaire, ma boîte de réception était pleine de ces « propositions ».
Donc sur chaque projet de loi, quand j’examinais le « tas » d’amendements, parfois 3, 4, 10, 15 fois je retrouvais exactement le même amendement « clé en main » déposé par différents députés, différents groupes politiques.
Les lobbies recrutent souvent d’anciens collaborateurs parlementaires qui connaissent donc les pratiques de l’Assemblée nationale : les délais de rédaction des amendements sont serrés, les députés et leurs équipes n’ont pas toujours le temps ni l’envie, mais pour favoriser leur participation, les statistiques et montrer qu’ils sont travaillant dur, vous pourriez être tenté d’effectuer l’un de ces changements « clé en main » suggérés par l’un de ces lobbies pour gagner du temps. Donc sur chaque projet de loi, quand j’ai examiné le « tas » d’amendements (tous les amendements déposés sur un texte), parfois 3, 4, 10, 15 fois j’ai trouvé exactement le même amendement « clé en main » par différents députés de différents groupes politiques. Le fait qu’un ministre des affaires ait suggéré à une entreprise privée d’utiliser cette méthode, en nommant les députés les plus susceptibles d’effectuer ces changements, en dit long sur la complicité qu’il avait avec Uber.
Macron s’est si bien battu pour Uber qu’il s’est lié d’amitié avec Mark McGann, le principal lobbyiste de l’entreprise pour l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient. Ce dernier a tellement apprécié travailler avec le ministre qu’il s’est personnellement porté volontaire à ses côtés pour monter « En Marche » et sa candidature à la présidentielle de 2016 pour récolter des dons. Cela ne vous rappelle rien ? ? Karim Tadjeddine, directeur associé de McKinsey France, a travaillé bénévolement pour la campagne de Macron en 2016-2017. Quelques années plus tard, son entreprise était très demandée par notre accro du gouvernement aux cabinets de conseil. Les licenciements sont évidents et on commence à comprendre ce qui a fait du secrétaire à l’Economie un candidat aussi gâté et soutenu.
Comment Macron a-t-il réagi aux révélations sur ses liens étroits avec Uber ? Lorsqu’un journaliste lui en a parlé sur le plateau d’Emission politique en 2017, il a nié avec véhémence et menacé son interlocuteur de poursuites pénales. Alors il a effrontément menti à des millions de téléspectateurs. Confronté aux dossiers d’Uber au début du mois, il a répondu très élégamment : « Ça me touche sans émouvoir l’autre ». Pour lui, l’emploi créé « pour les jeunes des quartiers en difficulté » justifie pleinement ce qu’il a fait, détournant ainsi l’attention des institutions républicaines. Alors, le jeu en valait-il la chandelle ?
4 – Uber a-t-elle créé de nombreux emplois et permis de lutter contre le chômage des jeunes ?
Les études les plus publiées sur ce sujet sont donc commanditées par Uber et Bogus. Ce que l’on sait d’Uber, c’est qu’après plus de 10 ans d’existence, il n’est toujours pas rentable. Elle continue de perdre de l’argent chaque année, mais elle compte un grand nombre d’investisseurs qui ne baissent pas les bras, comme si l’avant-garde qu’elle représente pour casser nos modèles sociaux valait la peine de perdre son argent.
En France, suite à une intense campagne de promotion ciblant les banlieues françaises, Uber a attiré des foules en quête d’indépendance et des bons revenus que l’entreprise vante. Après avoir attiré des milliers de chauffeurs (Uber revendique 30 000 « affiliés » pour seulement 150 salariés directs), la plateforme a augmenté sa commission de 20 % à 25 % en 2016 sans aucune discussion possible. Cette perte de revenus a déclenché de vaines mobilisations des chauffeurs.
« Ils ont emmené nos jeunes hors de la ville et leur ont fait miroiter qu’ils seraient leurs propres patrons et entrepreneurs, mais vraiment non, c’est de l’esclavage numérique. »
Sans les garanties d’emploi et la liberté d’entreprendre, les chauffeurs Uber doivent conduire au moins 45,3 heures par semaine pour espérer un revenu mensuel net de 1 617 €, bien loin du « double salaire minimum » propagé par l’étude de Landier. et Thesmar, repris par de nombreux médias à l’époque, qui a créé la trompeuse Uber com. Un tel revenu est possible si vous ne prenez jamais de vacances et ne tombez jamais malade. Autrement dit, c’est très théorique, et la majorité des gens gagnent moins.
Des représentants de la profession, comme Brahim Ben Ali, secrétaire général du syndicat national des VTC, sont amers : « Ils sont allés chercher nos jeunes de la ville en leur disant qu’ils allaient devenir leur propre patron, des entrepreneurs, mais en réalité non, c’est de l’esclavage numérique », a-t-il déclaré au blog Bondy en février dernier. La première coopérative nationale de chauffeurs VTC, affranchie d’Uber et disposée à partager les bénéfices entre les salariés, va être créée en Seine-Saint-Denis, selon Bondy Blog. Si Macron s’intéressait vraiment aux quartiers populaires, dont il parle en défendant Uber, il verrait que l’entreprise n’y est plus du tout valorisée.
5 – Ce que ce scandale nous apprend du macronisme, des grands médias et du capitalisme
Comme l’affaire McKinsey, l’affaire Uber nous apprend que Macron est arrivé au pouvoir pour servir les intérêts des secteurs les plus agressifs de la classe dirigeante. Il a joyeusement contourné la convention avec Uber et a proposé d’être son propre lobbyiste pour l’entreprise. Il a utilisé sa connaissance du fonctionnement de l’administration et du parlement pour l’aider à gagner. Le Monde nous parle de l’admiration qu’il éprouvait pour Travis Kalanick, et effectivement les similitudes entre les deux hommes sont frappantes. Macron n’hésite pas à faire avancer le chaos, la violence est sa façon de gouverner.
Comme McKinsey, Macron a reçu un fort soutien de cabinets de conseil ou d’une entreprise comme Uber en échange de ses services. C’est comme ça qu’il a réussi à récolter autant d’argent en un temps record, et à l’époque nous étions quelques médias indépendants qui disaient que : Si Macron a pu faire campagne en dehors des partis politiques, c’est parce qu’il a pu avoir de l’argent et que l’argent provenait de secteurs qu’il avait soutenus en tant que ministre de l’économie ou qu’il soutiendrait en tant que président : les exilés fiscaux en Belgique avec lesquels il a organisé des dîners de levée de fonds en 2016, les conseillers McKinsey qui ont travaillé gratuitement pour sa campagne et qui ont ensuite été sollicités par le gouvernement à de nombreuses reprises . Bref, la victoire de Macron est avant tout la victoire du capitalisme technologique, de la délibération, de la bourgeoisie fuyant les impôts, pas la nôtre. Et depuis, nous en faisons l’expérience tous les mois. Le président est donc de facto corrompu. Bien qu’il ait toujours réussi à le faire légalement, il est le produit d’intérêts privés et il a agi sciemment en leur nom.
La stratégie d’influence d’Uber révèle donc la faiblesse de nos institutions, qui sont complètement ouvertes aux lobbyistes de tous bords et ont accès aux parlementaires, ministres et administrations. « Je ne pense pas avoir jamais eu un accès aussi facile dans ma carrière aux hauts fonctionnaires, aux chefs de gouvernement, aux chefs d’État. C’était exaltant », a déclaré Mark McGann, le lobbyiste d’Uber, à Radio France.
Le président de la République est de facto corrompu. Bien qu’il ait toujours réussi à le faire légalement, il est le produit d’intérêts privés et il a agi sciemment en leur nom.
Les dossiers Uber montrent une classe sociale fermée qui se répartit dans les sphères publique et privée et agit ensemble. Ce n’est pas l’État d’un côté et les grandes entreprises de l’autre. Les deux échangent généralement l’un contre l’autre. Aucune mesure n’est actuellement prise pour mettre fin à l’utilisation illégale du faux statut d’indépendant pour dominer plus de 30 000 chauffeurs. Au contraire : la majorité du Président tente toujours d’empêcher la justice de s’attaquer à l’ubérisation en créant de fausses améliorations : l’Amendement Taché, du nom du député Aurélien Taché, ex-LREM, aujourd’hui député de la NUPES, en fait partie. Adoptée en 2018, elle ouvre la voie à une « charte sociale » non contraignante pour redorer l’image des plateformes qui mettraient en œuvre certaines améliorations des conditions de travail de leurs « prestataires ». Il a été accusé par les syndicats des plateformes de maintenir le système.
Après tout, alors que ce sont les journalistes qui ont publié tous les dossiers d’Uber, en grande partie grâce à la spectaculaire volte-face de Mark McGann, le rôle des médias dans l’expansion d’Uber est dramatique : non contents de cacher sur leurs sites de nombreux faux articles visant à véhiculer les idées d’Uber, ils ont repris ses études parrainées et affirmé son point de vue à de nombreuses reprises. Comment s’étonner de la méfiance des grands médias à la lecture de ce qui ressort des « fichiers Uber » ?
Le rôle des médias dans la diffusion d’Uber est dramatique : non content de cacher sur leurs sites de nombreux faux articles visant à diffuser les idées d’Uber, ils reprennent ses études sponsorisées et confirment son point de vue maintes fois revu.
Que faire ? On peut s’en tenir à l’argument moral, le laisser à la bourgeoisie. Ou on peut s’éloigner de la vaine rhétorique scandaleuse (une manière pour la classe dirigeante de se laver périodiquement de sa culpabilité, ce n’est finalement pas notre affaire) et à celle du rapport de force : nous ne devenons pas les spectateurs perpétuels de les manœuvres agressives de la classe restante bourgeoise. On peut s’inspirer de la stratégie Uber : une idéologie répandue dans la société, la stigmatisation d’un groupe, le soutien d’une force politique. La bourgeoisie n’est pas dans la finesse, et ça marche. Il ne tient qu’à nous d’en finir avec notre modestie gazelle dans les enjeux qui sont les nôtres. La bourgeoisie est en guerre contre nous, Uber était une de leurs fusées. Quand rendons-nous la pareille ?
La méthode Uber nous rappelle que la bourgeoisie et le capitalisme sont impossibles à réguler. Ces forces ont atteint un stade trop élevé pour être domestiquées. Il est trop tard pour les méthodes sociales-démocrates et la régulation verte « non punitive ». Notre survie même – celle de notre modèle social et de notre espace de vie – dépend désormais de la disparition du capitalisme et du renversement de sa classe dirigeante.
Bref, ne soyons pas outrés, révoltons-nous.
Nicolas Framont
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