Dans l’extrême sud de l’océan Indien, des médecins accompagnent, dans des conditions particulières, des chercheurs, militaires et agents des Terres australes françaises (TAAF) sur les îles Kerguelen, Crozet et Amsterdam afin qu’ils puissent travailler en toute sécurité.
Crozet et Amsterdam, qui abritent une trentaine de personnes pendant l’hiver austral, ont chacune un médecin. Kerguelen (50 « habitants »), en compte deux, dont l’un peut être déployé sur une autre île ou tenu de suivre une évacuation sanitaire.
A plus de 3 000 km de toute terre habitée, les règles de la médecine sont bouleversées par la distance. « Dans votre vie normale, (quand une personne se blesse) vous protégez, alertez et disposez d’un moyen (de secours) dans un délai de 15 minutes à une heure, selon l’endroit où vous vous trouvez sur le territoire. C’est très rapide », note le Dr. Céline Chevobé.
Mais dans les Southlands « c’est un peu plus long », euphémise le médecin du Marion Dufresne lors d’un cours de secourisme dispensé sur ce ravitailleur aux passagers à destination de Crozet, Kerguelen ou Amsterdam.
Presque tous les futurs hivernants ont déjà suivi des cours de secourisme, mais les structures dans les quartiers sont différentes : il n’y a pas d’ambulance, les secouristes transportent les brancards à pied jusqu’à l’hôpital et les médecins n’ont pas d’équipe pour les prendre en charge. Ce sont les ornithologues ou spécialistes des lions de mer qui les épaulent en cas de coup dur.
« Être rapatrié prend plus de temps », prévient le Dr. Chevobbé.
– « Surtout la traumatologie » –
Les eaux environnantes, parcourues par de petits bateaux de pêche ou des navires militaires, sont éloignées des voies habituelles de navigation marchande. En cas d’urgence absolue, il faut attendre au moins cinq jours pour qu’un bateau fasse une embardée.
Et pour une évacuation sanitaire moins urgente, on attend avec impatience le décès trimestriel de Marion Dufresne.
« A Kerguelen, on a appris à gagner du temps, à temporiser un dossier », explique le Dr. Laurent Lévy, qui vient de travailler sur l’île depuis un an.
« La population que nous traitons est sélectionnée et généralement en bonne santé », rappelle le Dr. Lévy : Les personnes autorisées à mettre le pied sur l’île ont en effet subi des examens médicaux très approfondis avant d’arriver.
« En fait, on fait surtout de la traumatologie, de la médecine générale et beaucoup de soutien psychologique. La base est comme un petit village. Les gens peuvent nous faire confiance, on garde leurs secrets », explique-t-il.
Cependant, il faut s’y préparer, dans ce milieu difficile, avec un temps froid et venteux et la présence d’animaux sauvages, les blessures ne sont pas rares : elles vont des morsures d’otaries aux fractures causées par des chutes.
Natacha Jacquot, qui a pris ses fonctions à Crozet fin décembre, a suivi quatre mois de formation avant de partir pour Taaf.
La plupart étant déjà passés par les urgences, les jeunes médecins restants exerçant sur ces îles ont dû suivre une formation accélérée en chirurgie, dentisterie et autres spécialités, ainsi qu’un stage de secours en montagne avec le peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM). de Chamonix.
« Lorsque vous êtes médecin urgentiste, vous vous débrouillez avec ce que vous avez, puis vous le faites. Votre garde ne s’épuisera pas », explique le Dr. Jacquot. « Vous pouvez toujours faire de bons médicaments », ajoute-t-elle.
Les hôpitaux des trois îles sont les mieux équipés sur des milliers de kilomètres avec une salle d’opération, un cabinet dentaire et la possibilité de réaliser des radiographies, des échographies ou des analyses biologiques.
Il arrive aussi que des pêcheurs s’y arrêtent pour se faire soigner.
Les médecins peuvent également consulter des spécialistes grâce à un partenariat avec le CHU de La Réunion.
« L’an dernier, à Kerguelen, il y a eu 700 consultations, dont 10% en dentisterie et 20 à 30% en traumatologie, des choses qui sont rarement importantes. Une fois par an et par médecin, il y a une intervention assez lourde », explique-t-on à Maël Janhsen, qui est venu remplacer le Dr. Lévy à Kerguelen.
Pour le Dr. Pour Lucie Fabie, qui quitte Crozet après un an de pratique, « la mission a été très facile sur le plan médical : il n’y a pas eu d’accompagnement long et complexe, mais de la bobologie ».
Pourtant, « parfois on est dans l’ornière et quelque chose nous dit : +si quelque chose arrive, tu es seul+ ». Alors elle « a eu l’impulsion d’être constamment en train de regarder et d’attendre »…