Depuis le début de l’été 2022, les services d’urgence multiplient les fermetures en Gironde, ce qui a des conséquences pour le SAMU, qui doit prendre en charge l’afflux de patients.
Cet été 2022, les services d’urgence de la grande majorité des établissements de santé de la Gironde ont été partiellement ou totalement fermés. Cette crise du milieu hospitalier a des conséquences pour le SAMU, appelé à prendre en charge les patients des secteurs touchés.
Une récente enquête du Samu-Urgences France a révélé que 15 centres ont connu une hausse moyenne d’activité de 12% en juillet 2022 par rapport au même mois l’an dernier. Le professeur Philippe Revel, chef du service des urgences du CHU de Bordeaux et directeur du SAMU-SMUR de Gironde, partage les difficultés avec le centre d’appel.
News : Pourquoi voit-on ces fermetures se multiplier au sein de divers services d’urgence ?
Philippe Revel : Il n’y a plus de médecins ni d’infirmiers dans ces services car les professionnels de santé ne veulent généralement plus travailler aux urgences. C’est un fait que nous constatons régulièrement, et qui s’est horriblement aggravé après la crise du Covid-19. Il y a donc une énorme pénurie de personnel soignant, et ceux qui sont formés ne veulent pas travailler avec les contraintes et les obligations des services d’urgence, des unités de soins intensifs ou des blocs opératoires. Ils n’y trouvent pas leur intérêt.
Ces fermetures à répétition ont-elles un impact significatif sur votre travail au SAMU ?
P.R. : Oui, c’est problématique. On se retrouve avec beaucoup plus d’appels des services d’urgence, et avec une demande de régulation plus élevée de l’ordre de 10 à 15 %, ce qui n’est pas négligeable. Cela crée pour nous une activité supplémentaire, que nous essayons de gérer au mieux, considérant que nous n’avons pas reçu de renforts, ni d’assistants de régulation médicale (ARM) ni de médecins.
Envisagez-vous d’embaucher plus de personnel pour combler ce surplus de travail?
P. R. : Nous avons des postes à pourvoir, donc dès que des candidats ARM se présentent, nous les évaluons et les retenons s’ils sont compétents. Ce qui nous a permis au niveau du Centre 15 de continuer notre activité et de ne pas être en grande difficulté c’est l’embauche depuis le début d’année d’étudiants en médecine qui occupent ces postes vacants. C’est difficile aujourd’hui, mais continuez.
Ce phénomène a-t-il un impact sur la prise en charge des patients ?
P.R. : Savoir si une personne doit se rendre aux urgences, on sait comment faire et finalement ça ne pose pas forcément de gros problème. Ce qui est bien plus, c’est de se dire que le service A ne peut pas recevoir de patient, car il est complet. Aujourd’hui, ce problème n’est pas résolu, car dans une métropole comme Bordeaux, chaque service a son secteur géographique, et quand il y en a un qui ne fonctionne plus, il est transféré à d’autres. Le principe de tous ces changements était le même, ne pas perdre une chance pour les patients et continuer à les admettre quand c’était nécessaire. Nous, sur le règlement, refusons de dire « le patient doit aller au service A, s’il ne peut pas le prendre, on l’envoie en B ou on le laisse à domicile ». Nous dire qu’il n’y a pas de place pour accueillir les patients est totalement inefficace, voire dangereux, et augmente notre charge de travail. À chaque appel, il faut s’assurer que les patients sont pris en charge au sein du service, donc cela prend du temps.
Pensez-vous que ce phénomène va diminuer avec la rentrée ?
PR : Non. Car cette crise est profonde. Ce qui pénalise aujourd’hui la quasi-totalité des services d’urgence de la Gironde, ce n’est pas le flux de patients, c’est le manque de lits en aval, c’est-à-dire médicaux, chirurgicaux, gériatriques, cardiologiques… Il y a un manque de personnel médical. Ainsi, tant que les établissements, publics ou privés, ne seront pas en mesure d’embaucher de nouveaux salariés, nous aurons des lits fermés, l’impossibilité de circulation des patients, et donc le blocage des cas d’urgence. Ça ne s’arrêtera pas le 2 septembre, c’est certain.
Au contraire, la situation peut-elle empirer ?
P.R. : Si rien n’est fait, on ne peut pas réparer spontanément. Je suis convaincu, comme pour toutes les crises ou toutes les situations instables, que si nous n’y répondons pas efficacement, cela va continuer à s’aggraver.
Quelles mesures faut-il prendre pour résoudre cette situation ?
P. R. : Ils sont très profonds. Si on pouvait résumer simplement, il doit y avoir plus de personnel capable de travailler dans le domaine de la santé, donc il faut augmenter le nombre de personnel. Je pense que cela passe par une réflexion sur les conditions de travail des personnels paramédicaux, c’est-à-dire la régulation de leurs rotations jour/nuit/week-end, et puis bien sûr l’aspect financier. Si ces mesures ne sont pas prises au niveau national, la crise se poursuivra, évidemment, car ni les administrations hospitalières ni les agences régionales de santé (ARS) n’ont la capacité d’augmenter les salaires ou d’augmenter l’emploi. Les carrières doivent être rendues plus attractives.
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