Certains ont des rêves… qui ne voient jamais le jour, d’autres mettent tout en place pour les réaliser. A cette dernière catégorie appartiennent Francis et Bérangère Rolet, nouveaux pensionnaires qui ont « débarqué » à Droyes en août 2021.
Bérangère et Francis ont vécu douze ans sur les canaux de France sur leur Klipper Hollandais, construit en 1927, « L’Ondine », transformé à leur goût en bateau sur lequel ils ont navigué en 1999. Toujours attiré par la navigation, le couple résidait alors à Poulangy et leur but était alors non seulement de vivre sur l’eau mais aussi de parcourir les canaux ; les deux navigateurs s’engagent donc à passer le permis péniche de plaisance/fluvial dans le port de Dijon.
Vous devez d’abord apprendre le code concentré dans un questionnaire de 300 items. Ce permis vérifie et atteste de la connaissance des règles de priorité, de la reconnaissance de la navigation et de la signalisation fluviale, des notions essentielles au franchissement des écluses et donne l’autorisation de naviguer après un test de « pilote ».
Les passagers au milieu du fleuve évoquent le passage des écluses autrefois tenues par l’éclusier, assisté de marins qui mettaient pied à terre et tenaient les commandes. Il se déplaçait en mobylette de l’un à l’autre, devant le bateau ; puis le fonctionnement de la serrure était contrôlé par une télécommande avec une perche suspendue à un fil traversant le canal, qu’il fallait tourner pour activer, normalement, l’ouverture ou la fermeture de la porte à l’approche.
Les bateliers se souviennent de cette écluse qui commençait à s’ouvrir puis se bloquait juste avant l’arrivée de l’Ondine, qui ne s’arrêta que peu de temps. « Complètement moteur arrière », en ce qui concerne le célèbre paquebot qui rata sa première transatlantique en 1912. « Mieux vaut que le pilote soit doublé par un menuisier, un mécanicien et un électricien », précise le skipper qui n’oublie pas les longues heures, nécessaires pour équiper et entretenir correctement le navire. A l’arrêt, afin de pouvoir se déplacer dans un rayon plus large, Méhari descend prudemment du bateau sur deux planches. Là, il n’y a pas de place pour l’erreur !
Basé d’abord en Haute-Marne
Les deux gros volumes que Bérangère feuillette avec nostalgie rassemblent les souvenirs de ces douze années de leur vie sur le navire et racontent toute l’histoire des deux aventuriers. Initialement, en 1999, après l’acquisition, le navire était ancré à Viéville pendant trois ans, ce qui a donné des arguments au maire de cette commune pour demander des subventions afin de réhabiliter le port sur le canal de la Marne do Saône en installant un puits- station nautique équipée.
Puis, pour des raisons professionnelles, Francis s’occupe de la direction pédagogique du CFA d’Ermont-Epinay (Val-d’Oise), le couple se rapproche de la capitale et établit leur lien à Chantilly, sur l’Oise, après Voies. navigables de France a obtenu un contrat d’utilisation temporaire. Sa nouvelle situation géographique permet aux marins de remonter la Seine jusqu’à Paris. François se souvient du succès dont le bateau et son équipage furent l’objet lors de la navigation nocturne du fleuve (alors encore autorisée) entre les ponts et immeubles illuminés de Paris, du quai de Javel à l’Ile de la Cité, machine- filmé par des centaines d’éclairs de touristes émerveillés.
En 2012, pour sa destination finale, le Klipper remonte finalement le canal jusqu’à Vitry-le-François où il est mis en vente.
A la retraite, le couple s’installe une première fois en 2010, à Giffaumont, ville thermale (!), investissant dans la dynamique commune, lui, en tant que conseiller municipal, elle, impliquée dans une commission d’embellissement qui gère également une brocante, et dans une troupe de théâtre locale.
Le navire a été vendu en 2015 et repose désormais sur le Canal de Bourgogne à Plombières-lès-Dijon, qui est considéré comme une propriété insolite transformée en chambres d’hôtes, ce qui lui a valu une COT (Convention d’Occupation Temporaire), l’agrément nécessaires pour séjourner sur le parcours fluvial, affecté à des hébergements insolites par les voies navigables de France. Il a justement fait l’objet d’un reportage dans l’émission « Echappées belles » sur France 5, le samedi 14 janvier de cette année.
Caractéristiques techniques : spécificités
Le Klipper néerlandais, qui était à l’origine un second, était utilisé dans les principaux ports européens pour décharger de gros cargos, pour transporter 150 tonnes de céréales à l’intérieur des terres. Dans la version voilier, deux stabilisateurs latéraux, une sorte de quille qui descend dans l’eau, commandée par une chaîne depuis la timonerie et un volant sur le cardan. Longueur : 27m. Largeur : 4,60 m. 100 tonnes. Coque en acier.
Motorisée dans les années 1950/60 par un moteur diesel Scania-Vabis de 7 litres, développant 100 ch, ce qui donne une idée du couple. Et 110 m2 habitables. Deux groupes de production d’électricité (via l’électricité), deux batteries moteur plus huit batteries 110A pour l’alimentation de l’habitacle, habitacle divisé en trois compartiments étanches, carburant : GNR (gazole à taux zéro pour la conduite), système de traitement des eaux du canal pour les besoins domestiques. Contrôle technique 100 pages tous les dix ans avec vérification de l’épaisseur de coque tous les 40 centimètres. On ne plaisante pas avec la sécurité !
De notre correspondant Philippe Pierson