Publié le 11 octobre 2022 à 7 h 00 Mis à jour le 11 octobre 2022 à 8 h 37
« En regardant un reportage, nous avons découvert que quatre capsules de café sur cinq n’étaient pas recyclées. Quand nous avons appris que 63 milliards de capsules (1) sont consommées chaque année, ce qui équivaut à dix tours Eiffel de déchets, nous avons été choqués… On parle beaucoup de plastique à usage unique mais peu d’aluminium unique à usage unique. alors qu’il émet dix fois plus de C02, selon l’Ademe.
Nous nous sommes donc attelés à trouver une solution réutilisable pour contrer cette aberration écologique. Nous venions tout juste de démarrer notre école d’ingénieurs à cette époque et nous ne nous voyions pas attendre trois ans, le temps d’être diplômés, pour travailler sur ce projet. Nous avons donc tout de suite lancé l’entreprenariat en parallèle de nos études. Et la serrure a fait le reste…
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Réutiliser au lieu de jeter
Il y avait encore des étudiants, Thibaut aux Arts et Métiers et moi, Jean, à CentraleSupélec, en colocation. En buvant du café, l’idée de départ nous vient : réutiliser les capsules au lieu de les jeter. Étrangement, alors que le monde confiné tourne au ralenti, nos idées fusent et le développement de notre projet s’accélère.
Tous nos cours sont vidéo, il y a peu de distractions potentielles. Sur l’ordinateur, nous avons toujours un onglet ouvert sur le cours à distance, et l’autre sur les logiciels de conception 3D.
Nous sommes tous les deux ingénieurs mais avant tout bricoleurs. J’ai passé une grande partie de mon lycée à acheter des cyclomoteurs, à les réparer et à les revendre, et Thibaut a passé de longues heures à démonter et réparer des vélos.
Plus de 100 prototypes
Nous avons donc commencé à dessiner des pièces en 3D pour concevoir des capsules réutilisables et un système pour les remplir facilement. Grâce à nos imprimantes 3D, nous avons réalisé plus d’une centaine de prototypes différents dans nos chambres d’étudiants, avant d’arriver à un système satisfaisant.
Comment ça marche réellement ? Le chargeur comprend une partie supérieure pour stocker le café moulu. La base s’ouvre, se ferme et comprend un support pour placer la capsule vide. Il suffit de l’ouvrir, d’insérer la capsule puis de refermer cette partie inférieure. Vient ensuite l’étape de secouage qui permet de remplir la capsule de café par le haut du chargeur. Après l’avoir secoué pendant quelques secondes comme un cocktail, il faut tapoter le chargeur en dessous pour tasser le café. L’étape suivante consiste à rouvrir la partie inférieure, à récupérer la capsule remplie de café et à placer un couvercle compostable sur le dessus avant de la placer dans votre machine à café.
L’été 2020 est passé, on parle du projet qui nous entoure, les retours sont plutôt positifs et nous aident à améliorer notre dispositif et à affiner notre discours. En plus des premiers retours de nos proches, nous sommes même descendus dans la rue pour faire tester nos capsules par des passants.
Nous avons décidé de lancer le produit appelé Caps Me en pré-commande. A ce moment-là, vous vous dites : quel que soit le résultat, l’essentiel est que vous ayez essayé. A quelques mois de Noël, nous nous sommes fixés un objectif de 100 commandes et les avons livrées sous le sapin.
Mais très vite, la campagne de précommande sur la plateforme Ulule fait un carton. En trente jours, le nombre de commandes a explosé : plus de 2 000 coffrets ont été commandés, et nous avons été propulsés dans les 1% des campagnes les plus financées de la plateforme.
10.000 utilisateurs
Nous avons dû retrousser nos manches pour respecter nos délais. Heureusement, nous avons eu un bon soutien, et après quelques nuits blanches de collecte, d’emballage et d’étiquetage avec nos quatre colocataires, les boîtes ont été envoyées, à temps.
Deux ans plus tard, chaque matin, nos 10 000 utilisateurs préparent leur capsule réutilisable avec le sourire aux lèvres. Sur la base de nos ventes de couvercles, il a été estimé qu’ils réutilisaient près de 3,5 millions de capsules de café. Et grâce à eux, plus de 3,5 tonnes de déchets ont été évités. C’est notre plus grande fierté.
Notre ambition est d’atteindre le milliard de capsules réutilisables. En moyenne, nos capsules réutilisables avancées coûtent deux à trois fois moins cher que les capsules de café jetables. Soit 0,17 centimes pour nos capsules contre 0,37 centimes pour celles de Nespresso.
Financement par endettement
Notre nouvelle entreprise est toujours en incubation au 21ème, l’incubateur CentraleSupélec, et nous continuons à nous financer pour l’instant. Ce qui veut dire que nous, à 22 et 23 ans, avons plus de 200 000 euros de dettes. Il s’agit maintenant d’industrialiser le produit et de poursuivre le concept. De quoi nous motiver chaque matin !
En même temps, nous suivons toujours nos cours à l’école. Avec Thibaut, nous ne manquons pas d’ingéniosité pour concilier nos études et notre vie d’entrepreneur. On fait nos projets de cours sur Caps Me, mais on y a aussi fait nos stages et même une alternance (pour Jean). Cette double vie demande une grande organisation, une charge de travail croissante et des capacités de négociation vis-à-vis de l’administration de nos écoles (CentraleSupélec et Arts et Métiers). Nos écoles nous accompagnent pleinement dans ce projet !
Pour l’avenir, nous avons encore de nombreux projets : développer une variété de café spécialement conçue pour les capsules réutilisables avec les meilleurs torréfacteurs de France. Nous avons déjà la recette des deux premiers cafés dont un bio. »
(1) Emission « Le Monde de Jamy », diffusée en mars 2022.