Exposition Paris – Quand la France et les USA rivalisaient d’Art Déco

Photo of author

Rédactrice passionnée qui a vécu dans plus de 25 pays toujours à la recherche de la dernière information.

La Cité de l’architecture arbitre le combat, mené avant tout dans les années 1920. La Crise a changé la donne. Il y a là 350 œuvres. C’est trop.

L’Art Déco fleurit dans les gratte-ciel des grandes villes américaines.

L’exposition de la Cité de l’architecture brasse largement la recette. Il faut dire qu’il existe de nombreuses salles dans les entrailles du Palais de Chaillot transformées en un gigantesque espace éphémère. Trop, sans doute. D’où la tentation de remplir, de ne pas dire les choses. Maquettes, sculptures, voire meubles, objets et vêtements semblent entrer à l’infini dans la grande salle courbe d’une des ailes créée entre 1934 et 1937, en réutilisant les murs de l’ancien Trocadéro de 1889. On la voyait alors vêtue. pierre blanche pour former un édifice conforme au goût de l’Art Déco tardif. Marquée par l’opposition entre le pavillon de l’Allemagne nazie et celui de l’URSS stalinienne, l’Exposition internationale a prévu en ce lieu de permettre une dernière récréation populaire avant la guerre, qui à la fois va tout brûler et tout geler.

Un bas-relief d’Alfred Janniot au Rockefeller Center. Il y a Notre-Dame de Paris…

C’est justement l’Art déco qui met l’accent sur l’actualité, développé par Emmanuel Bréon, qui a longtemps été le directeur du Musée des années 1930 à Boulogne-Billancourt, aujourd’hui désaffecté. Ce n’est pas la première exposition Art Déco à cet endroit. En 2013, la Ville avait proposé un agrandissement majeur. Elle entendait alors représenter ce style « moderne » quasi universel, lentement imaginé à la fin des années 10 et au début des années 20 pour remplacer un Art nouveau considéré aujourd’hui non seulement comme ancien, mais passéiste. Dans l’esprit de ses promoteurs, il devrait s’agir d’un style international, comme le baroque, et surtout du néoclassicisme sévère qui s’est propagé aux États-Unis. L’exposition de 2013 emmenait ainsi les visiteurs, non sans fatigue, de la France à l’Egypte coloniale ou à Tel-Aviv.

L’un des célèbres meubles de Ruhlmann est exposé à l’exposition.

Cette fois, le sujet est étroit. Il vise seulement à montrer la concurrence entre la France encore dotée d’un grand prestige intellectuel et les États-Unis qui peinent à se libérer d’un complexe d’infériorité vis-à-vis de l’Europe. Les allers-retours sont nombreux, à commencer par l’avis de l’architecte Jacques Carlu qui, mise en abyme étonnante, est l’un des trois concepteurs de l’actuel Palais de Chaillot. La plupart des voyages se font en 1920. La Dépression de 1929, puis la Grande Dépression qui va suivre vont en effet changer la donne. Il faut maintenant économiser, même si l’Empire State Building sera composé de 3400 ouvriers entre 1930-1931, au pire moment. Le contrat du « plus haut gratte-ciel du monde » est signé… Toujours est-il que l’Amérique quitte le « Vieux Continent ». L’exposition de Chicago en 1933 sera une coupure officielle du cordon ombilical. Sous l’influence de nombreux créateurs (dont Raymond Loewy, qui est né à Paris), les US vont peu à peu adopter une « streamline » tout en courbes. Un style qui s’accorde aussi bien avec les bâtiments qu’avec les voitures ou les « toasters ». Les bâtiments prennent des allures d’objet, tout en prenant une dimension architecturale.

Raymond Loewy et un de ses modèles aux contours « steramline ».

C’est l’histoire, où les grands paquebots (« Ile-de-France » en 1927, « Normandie » en 1935) assuraient la liaison entre les deux continents tout en promouvant le « goût parisien », qu’entend raconter Emmanuel Breon. Le commissaire n’a pas réduit le montant des emprunts, consentis principalement en France en raison du coût actuel des transports. On y trouve 350 figures allant des plans d’architecture aux robes du soir, en passant par les affiches, le mobilier (Jacques-Emile Ruhlmann, bien sûr !) ou les sculptures (Alfred Janniot est très présent à Paris comme à New York). Seul le cinéma reste sur la touche. Étrange… Dans les années 1930, cependant, Hollywood a beaucoup fait pour lancer les intérieurs tout blancs du « second Art Déco ». Il y a bien sûr, à Cité, une vague tentative de reconstitution du décor. Une monumentale maison rotonde quatre saisons en bronze de Pierre Fournier des Corats. Une découverte. L’environnement a été créé pour mettre en valeur le célèbre buffet plaqué ivoire de Ruhlmann. Un classique.

À Lire  "Changement de président", à découvrir dans l'édito du dernier numéro de Camping-Car Magazine - FFCC

Voir l’exposition en cours.

Le problème, c’est qu’il y a trop de choses à voir. Sa vision globale s’estompa assez rapidement. Parlez aussi. La Cité abrite aujourd’hui de quoi constituer au moins trois ou quatre expositions différentes. Le « streamline » aurait pu en être un lui-même, même s’il n’offrait rien de français au départ. Des écoles sont créées à Meudon ou à Fontainebleau (où Jacques Carlu enseignait) pour éduquer également les jeunes Américains. Idem avec les paquebots, qui offraient autrefois un excellent sujet pour Victoria & amp; Albert Museum de Londres. C’est aussi un défaut répétant la Cité, qui exploite mieux l’espace disponible en montrant, avec une grande structure de reconstruction, le travail d’un architecte comme le tonitruant Rudy Ricciotti. Il y en a eu trop dans la présentation, sinon extraordinaire, de « L’hôtel particulier, une ambition parisienne » en 2010. Trop en 2016 avec l’excellent sujet d’urbanisme balnéaire que s’est formé « Tous à la plage ». Trop dans l’exposition précédente (c’était en 2013) sur l’Art Déco.

La couverture d’une brochure publicitaire du paquebot Normandie qui n’a circulé que de 1935 à 1939. Il a brûlé en 1942 à New York dans un état qui n’a jamais été nettoyé…

Il semble assez gênant de penser qu’un lieu dédié à l’architecture utilise si mal son espace. C’est vrai que les bonnes choses dans le grand hall au deuxième sous-sol, ne servent malheureusement pas à grand chose. Cependant, j’ai ici le souvenir d’un bon Alvar Aalto montrant toutes les créations de Finn comme une excellente présentation d’images liées aux constructions (réelles ou imaginaires) de la Viennoise Albertina. Là au moins, le public souffle, au lieu de soupirer. « Moins c’est plus » disait Mies van der Rohe, ce qui est parfois vrai. Cela dit, il est tout de même bon d’éviter le grand vide (physique et intellectuel) de certains musées et galeries contemporains. « Less is more » doit encore omettre quelque chose…

Pratique

« Art Déco : France / Amérique du Nord », Cité de l’Architecture, 1, place du Trocadéro et du 11 novembre, Paris, jusqu’au 6 mars. Comme. 00331 58 51 56 00, site www.citedelarchitecture.fr Ouvert tous les jours, sauf le mardi, de 11h à 19h. Jusqu’à 21h le jeudi.

Palais de Tokyo, construit pour l’Exposition internationale de 1937. Ce chef-d’œuvre de l’Art déco parisien, avec ses bas-reliefs de Janniot, est situé tout près de la Cité de l’architecture.

Né en 1948, Etienne Dumont étudie à Genève ce qui ne lui est d’aucune utilité. Latin, grec, droite. Avocat raté, il se lance dans le journalisme. Le plus souvent dans la rubrique culturelle, il a travaillé de mars 1974 à mai 2013 à la « Tribune de Genève », en commençant par parler de cinéma. Viennent ensuite les beaux-arts et les livres. A part ça, comme vous pouvez le voir, il n’y a rien à signaler

Vous avez trouvé une erreur ? Veuillez nous en informer.

Ceci pourrez vous intéresser :
Au courant le 10/10/2022 à 15:00, Mis à jour le 10/10/2022 à…