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Fausse arnaque aux pantoufles du Québec

Les consommateurs s’estiment victimes d’informations trompeuses après avoir acheté des chaussons sur Internet. Le site de vente de Jadery lui avait donné l’impression qu’il s’agissait d’un produit québécois, alors qu’il est fabriqué en Chine.

Début mars, la Montréalaise Tiphaine de Reyer a vu sur Instagram des publicités pour des « pantoufles orthopédiques » Jadery de différentes couleurs en éthylène-acétate de vinyle, censées soulager les douleurs aux pieds, aux jambes et au dos. Ils étaient en vente au prix de 49,99 $ au lieu de 100. Les petits drapeaux québécois attachés aux photos laissaient croire qu’il s’agissait d’une entreprise québécoise.

Pour le savoir avec certitude, Mme de Reyer a écrit un mail à l’adresse de contact pour demander où étaient fabriqués les chaussons. En quelques heures, ce dernier a reçu une réponse de « Team Jadery », confirmant sa fabrication à Dorval, dans le West Island de Montréal.

Elle a ensuite transmis l’information à son amie Marie-Christine Chartrand, qui cherchait des sandales confortables à porter à la maison. «Je savais qu’il y avait de meilleurs modèles sur Internet, mais comme c’était au Québec, je me suis dit que je pouvais investir, surtout dans la situation actuelle où on essayait d’acheter local», se souvient ce dernier.

Made in China

Après un délai de livraison dépassant les 15 jours promis sur le site du marchand, Mme Chartrand a finalement reçu ses souliers. Elle a cependant été très déçue de voir l’étiquette bien en vue Made in China sur le produit. L’adresse d’origine sur le colis était dans la région de Toronto. Le client a également vu une autre version du site de Jadery, désormais introuvable, qui affichait des drapeaux ontariens.

Le client a contacté Jadery par e-mail et a reçu la réponse suivante : « Notre entrepôt est actuellement à Dorval, mais en raison d’une forte demande, nous ne sommes plus approvisionnés en ce moment. Comme nous avons plusieurs entrepôts, nous expédions actuellement notre commande de notre entrepôt en Chine. Nos équipes de conception, de marketing et de lancement de produits sont basées à Québec (Dorval). Notre manufacturier est situé en Chine.

C’est le prix que les consommateurs doivent payer pour obtenir les pantoufles orthopédiques de Jadery.

Cependant, nous pouvons demander des informations qu’une équipe de conception ou même des magasins Jadery sont situés à Dorval. L’adresse physique fournie par Jadery sur sa page Facebook et son site Internet est celle de TSPM Ltée, qui offre des services d’entreposage, de logistique et de distribution à une centaine de clients. Joint par téléphone, le contrôleur de TSPM Ltée, Alain Blouin, a affirmé que l’entreprise n’avait jamais entendu parler de Jadery.

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&#xD ; Par – &#xD ; 17 août 2022 à 19:04 &#xD ; |…

Impossible à retourner

Par principe, Mme Chartrand voulait retourner le produit et se faire rembourser. Cependant, il n’a jamais été possible d’obtenir une adresse de retour valide auprès du service client de Jadery.

Mme Chartrand est loin d’être la seule à avoir acheté ces pantoufles. Certaines des publications Facebook de Jadery ont suscité des milliers de réactions et de commentaires. La plupart d’entre eux expriment une appréciation du produit, mais beaucoup se plaignent des délais de livraison interminables.

Lyne Gauthier, de Saint-Hubert, a également commandé ces pantoufles en croyant encourager une entreprise québécoise. « C’était un cadeau pour ma soeur et ma mère, qui a 91 ans et qui a toujours mal aux genoux », a déclaré Gauthier, notant que le marketing cible les problèmes courants des personnes âgées, qui peuvent être moins prudentes dans leurs achats sur Internet.

Le principal problème est qu’il a reçu des sandales qui ne lui vont pas. Jacques Blouin, à Amos, a témoigné d’une situation similaire. Malgré la politique déclarée de Jadery de remboursement garanti en cas d’insatisfaction, aucun d’entre eux n’a pu récupérer son argent.

Qui est derrière Jadery.ca? Le Devoir n’a pas pu obtenir de réponse de l’adresse courriel indiquée sur le site. Ce nom n’apparaît pas au Registraire des entreprises.

L’Office de la protection du consommateur (OPC), saisi d’une plainte pour « pratiques trompeuses et déloyales », n’a pas encore réussi à identifier le commerçant utilisant ce site. L’organisme provincial a récemment lancé une mise en garde contre « la prolifération des publicités mensongères et des offres frauduleuses sur Internet et les réseaux sociaux ».

Appel à la prudence

L’OPC invite les consommateurs à être plus prudents. Il est notamment recommandé de vérifier que le commerçant a une adresse physique réelle et qu’il est joignable par téléphone, ce qui n’était pas le cas pour Jadery. Il invite ceux qui ont été trompés à contacter l’OPC pour connaître les recours. Dans certains cas, le consommateur peut notamment demander une rétrofacturation à l’émetteur de sa carte bancaire, c’est-à-dire l’annulation de la transaction.

Selon l’avocat d’Option consommateurs Alexandre Plourde, le site de Jadery a toutes les allures d’une technique de vente appelée dropshipping. Avec ce modèle, des commerçants improvisés ouvrent un site éphémère et mènent une offensive publicitaire pour vendre localement des produits souvent fabriqués à l’étranger « à un prix généralement supérieur à celui que l’on pourrait trouver sur d’autres plateformes », note Me Plourde.

Des pantoufles avec la même apparence et la même description peuvent être trouvées sur AliExpress pour 10,44 $. Sur Amazon, un modèle utilisant une photo identique à celle de Jadery est vendu 20,45 $. La revente de ce type de sandales est bonne sur Internet en ce moment, puisque Le Devoir en a repéré au moins six autres, dont La gougoune nuage, qui est également destinée au marché québécois. D’autres se disent fiers Australiens, Américains ou Canadiens.

Le dropshipping n’est pas illégal en soi, mais il donne souvent lieu à des pratiques douteuses qui contreviennent à la Loi sur la protection du consommateur, comme la tromperie, note Me Plourde : fausses ventes, faux avis de consommateurs, fausses adresses. Les conséquences pour les clients sont pourtant bien réelles.

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