« On a un système de santé à bout de souffle », a dénoncé mardi sur franceinfo Luc Duquesnel, médecin généraliste en Mayenne et président de la confédération des syndicats médicaux français.
La crise à l’hôpital continue. Le CHU de Bordeaux a annoncé mardi 17 mai que le service des urgences fonctionnera « en mode dégradé » à partir de mercredi et sera fermé au public la nuit. Seuls seront pris en charge les patients amenés par 15. Dans ce contexte, le président de la Fédération hospitalière de France, Fréderic Valletoux, affirme que c’est « le devoir des médecins libéraux et la revalorisation des nuitées à l’hôpital ». Luc Duquesnel, médecin généraliste en Mayenne et président de la confédération des syndicats médicaux français, s’est opposé mardi à la proposition sur franceinfo. « Un médecin généraliste travaille en moyenne 53 heures par semaine, on ne peut pas demander plus », explique-t-il. « Il faut travailler dans chaque territoire, poursuit-il, pour voir comment on peut réussir ensemble à se mettre dans un état dégradé et pouvoir répondre aux demandes des Français en matière d’approvisionnement. » Le président de la confédération des syndicats médicaux français craint que « l’été ne soit très difficile pour certains Français qui auront besoin de soins dans certains territoires ».
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franceinfo : Que pensez-vous de cette demande de Frédéric Valletoux ?
Luc Duquesnel : Je suis très surpris, beaucoup de médecins généralistes sont déjà de garde. La médecine générale de garde fonctionne bien dans plusieurs services : garde le week-end, les jours fériés, ainsi que le soir et en milieu rural toute la nuit. Le problème des fermetures de services d’urgence n’est pas nouveau. Je suis dans un service en Mayenne, où pendant un an les services d’urgence ont été fermés une nuit sur trois, et l’activité de ces services a été transférée à la médecine générale libérale. M. Valletoux doit comprendre que là où il y a pénurie de médecins aux urgences, il y a aussi pénurie de médecins généralistes. C’est une pénurie mondiale. La différence : un médecin généraliste ne rembourse pas le temps de travail pendant une garde. Par exemple, lorsque je suis de garde de nuit en tant que médecin superviseur, je travaille de 20h00 à 8h00. Je suis au bureau à 9h15, je n’ai pas deux jours de repos pour récupérer de mon quart de travail. Les heures de travail des médecins généralistes sont actuellement d’environ 53 heures par semaine. On ne peut pas leur demander plus.
N’est-ce pas le message : il faut absolument s’organiser. Parce que la situation est grave avec des petits patchs ?
Absolument, et nous le faisons déjà sur nos territoires. Par exemple, en Mayenne, depuis le 7 juillet 2021, et c’est un problème de services d’urgence, nous avons doublé les gardes régulières de 20h00 à 22h00, et cela est fait par des médecins libéraux. Ce problème de pénurie est prévisible depuis des années et s’aggrave. Il faut travailler sur tous les territoires : voir comment on travaille ensemble pour se mettre dans un état dégradé et pouvoir répondre aux demandes françaises d’approvisionnement. C’est important parce qu’on le voit maintenant toucher aussi les hôpitaux universitaires.
Cet été vous inquiète ?
Très inquiet car l’été 2021 a déjà été très difficile. Il y a aussi beaucoup de généralistes qui veulent arrêter parce que ça devient trop dur : astreintes, travail au quotidien, moins de médecins, nouveaux patients à prendre en charge pour compenser la retraite. Cela devient très difficile pour tout le monde. Nous avons un système de santé respiratoire, dans les cliniques et les milieux hospitaliers, parfois dans certains territoires c’est un naufrage. Nous pleurons depuis des années, rien ne se passe et j’ai peur que l’été soit très difficile pour certains français qui auront besoin de soins dans certains territoires.