Publié le 20 octobre 2022 à 17 h 00 Mis à jour le 21 octobre 2022 à 10 h 54
» ‘Qu’est ce que tu fais dans la vie?’ Quand je rencontre des gens et qu’ils me posent cette question, le soir par exemple, je sais que je ne peux pas juste répondre « influenceur ». Car dans la tête de beaucoup, influenceur = télé réalité, voleur, dropshipping [acte de revendre des produits bas de gamme, souvent fabriqués en Chine, ndlr], Dubaï… Je dois expliquer que non, je n’empoche pas un million d’euros en me prélassant au soleil. Non, je ne gagne pas d’argent sur mon dos. Mais ces idées reçues n’ont rien d’étonnant, car les médias et les émissions de télévision parlent toujours d’arnaques…
Moi, je veux crédibiliser le travail d’un créateur de contenu, montrer que c’est un vrai métier qui demande du temps, de l’investissement, des connaissances. Si ce n’était pas grave, je n’aurais pas quitté mon travail pour ça.
Table des matières
TikTok, un tremplin
Avant, j’ai travaillé comme responsable digitale chez Iconic Communication, une agence de communication à Ecully, près de Lyon, spécialisée dans le luxe. J’avais intégré l’entreprise en stage, en tant que community manager, avant de devenir social media manager en alternance, puis j’ai signé un CDI à la fin de mes études.
Ma mission : animer une équipe digitale de quatre personnes. Nous travaillions avec différentes marques, notamment de joaillerie, pour lesquelles nous créions une stratégie de communication, écrivions du contenu, créions des vidéos ou des photos, gérions leurs réseaux sociaux… Je devais aussi négocier avec les clients, faire des devis, etc.
J’aimais la vie de tous les jours et gagnais très bien ma vie. Mais TikTok a également été un saut pour moi. Au vu de ma communauté grandissante, je me suis dit que je pourrais potentiellement toucher du doigt des activités, comme le stand-up, que je n’aurais jamais imaginé pouvoir faire un jour.
Des caricatures de jeunes couples
Devenir influenceur n’a jamais été un rêve. Au départ, lorsque je me suis lancé sur TikTok en tant que @logfive en novembre 2020, mon contenu était assez éclectique. Je poste des vidéos ici et là, sans intérêt, dans lesquelles je danse, fais du playback… Au quotidien, je suis le genre de mec qui aime divertir dans la galerie et c’est pour ça que mes potes me disent : « Concentre-toi sur ce que vous savez faire. faire le mieux : faire rire les gens. « Je suis leurs conseils et publie des contenus drôles, avec une vraie ligne éditoriale à laquelle je tiens.
En juin 2021, je commencerai par imiter les mères, je m’inspirerai de ma mère, avec ses mimiques, ses phrases qui sortent tout le temps. Puis les professeurs. Et enfin, les couples. J’adore « Un mec, une fille », une série dont j’avais la meilleure en DVD, et j’aimerais la remettre au goût du jour, en faire une version 2021 avec nos propres codes de langue. Caricaturant les jeunes couples d’aujourd’hui, j’ai réussi à incarner moi-même plusieurs personnages à l’écran.
Du contenu en partenariat avec de grandes marques
J’écris tous mes textes toute seule, je suis autodidacte, je n’ai jamais suivi de cours de théâtre. Ma plus grande source d’inspiration ? Florence Foresti, dont j’ai vu tous les sketchs, notamment avec Laurent Ruquier [où elle était dans l’émission « On a tout essayé »].
J’essaie d’appliquer le code de la communication que j’ai appris lors de mon baccalauréat à l’école Digital Campus de Lyon et dans une agence de communication. Les règles que je suis pour que cela fonctionne sur TikTok sont : un contenu d’au moins une minute avec beaucoup de punchlines, une chute inattendue et un slogan écrit sur la vidéo.
Très vite, mon contenu prend. En juin 2021, j’ai 200 000 abonnés. Une agence d’influence me propose de collaborer avec elle pour me mettre en contact avec des marques et faire du placement de produit. Je me dis que pour qu’elle s’intéresse à moi, c’est que potentiellement ce que je fais va me mener quelque part…
A cette époque, je passe tout mon temps libre après le travail à préparer et tourner des vidéos. Quand mes amis me demandent d’aller boire un verre, je refuse. Je sors cinq à six vidéos par semaine, à un rythme soutenu.
De plus en plus de marques me contactent, me proposent de me payer pour parler de leurs produits dans mes vidéos. Ils m’envoient un récapitulatif de leurs attentes, puis je travaille sur un croquis, qu’ils valident.
Financièrement parlant, je commence par générer un bon revenu complémentaire. Ensuite, mes revenus de TikTok dépassent de loin mon salaire dans une agence de communication.
Tiktokeur a temps complet depuis janvier 2022
Fin 2021, la fatigue commence à se faire sentir. Difficile de suivre le rythme, de jongler entre travail toute la journée et TikTok le soir. J’ai l’impression que si je sors dans l’un, c’est au détriment de l’autre. Après mûre réflexion, mon choix est fait : je quitte mon CDI pour me consacrer à la création de contenus.
Ma famille me soutient à 100% dans ma décision. Ils savent que si ça ne marche jamais, je peux reculer et trouver un travail plus classique en tant que créateur de contenu sur TikTok. Cet univers leur semble un peu lointain. Mon père est restaurateur, ma mère est infirmière en Savoie, et mes quatre frères ont des métiers manuels : deux de mes frères travaillent dans la restauration, ma sœur est coiffeuse et un autre frère est ouvrier d’usine. Pour eux, travailler dans une agence de communication est déjà un peu flou, pas vraiment concret. Alors vivez de TikTok… (rires). Mais ils me font confiance. D’ailleurs, je n’ai pas de femme, pas d’enfants, c’est le moment d’essayer !
Depuis janvier 2022, je consacre mon temps à la création de contenu. Mes matinées sont souvent consacrées à des tâches administratives. L’après-midi, dans les tournages.
Je ne suis jamais à court d’inspiration. Mon environnement m’inspire beaucoup et chaque sortie peut être une source d’idées. Au bar, par exemple, je cherche les discussions autour de moi et je vois les gestes de chacun pour ensuite les imiter. Bon, il a dit ça, ça sonne un peu psychopathe comme dans la série « You » (rires). Dès que quelque chose m’appelle – une mimique, une expression… – je l’écris sur mon téléphone pour ne pas l’oublier.
Des revenus plus élevés qu’avec le salariat
Aujourd’hui, la majorité de mes revenus provient du placement de produit. J’ai entre autres collaboré avec Lancel pour un sac de voyage, Samsung pour un smartphone et une TV, avec Uriage pour une crème anti-imperfections, Lacoste pour des parfums, des villages de vacances Center Parcs, etc.
Mon objectif : faire du contenu de qualité. Je m’applique autant, sinon plus, à faire une vidéo publicitaire qu’à une vidéo que je fais sans abonnement. Et si je ne sens pas un produit, ou si je n’arrive pas à m’entendre sur un scénario avec une marque, je passe à autre chose. Et ça paie. Ma vidéo en partenariat avec Samsung sur un téléviseur inclinable, par exemple, a été visionnée plus de 4,7 millions de fois.
Une partie de ma trésorerie provient également de TikTok. Jusque-là, la plateforme versait 20 euros par million de vues aux créateurs de contenus. Depuis fin septembre, il a changé sa politique. Aujourd’hui, c’est 1 000 euros pour un million de vues. Une nouvelle source de revenus pour moi, et pas des moindres.
Je gagne bien mieux ma vie que lorsque j’étais employé, mais mon mode de vie n’a pas changé. Je sors toujours avec les mêmes amis. Qu’est ce qui a changé? Maintenant, je suis reconnu dans la rue (rires). Ce qui me manquait dans ma vie d’avant, c’est l’ambiance au travail, les collègues, qui m’inspiraient beaucoup. Mais je n’ai jamais autant aimé ma vie qu’aujourd’hui. Recevoir les gens, écrire et réaliser des sketches, c’est ce qui me comble le plus. J’ai rarement de mauvais commentaires sur mes vidéos, je pense que les gens ont compris que j’étais ultra ‘chill’ et que mon but est de rendre le contenu fun, divertissant.
Pourquoi pas de devenir comédien ou monter sur scène
Je travaille logfive comme une marque et je pense à long terme. Mon personnage est une vitrine pour que d’autres rêves deviennent réalité. Je voudrais le faire évoluer en dehors de l’application TikTok. Être sur cette plateforme me permet de prendre des risques, de tester et de gagner en crédibilité en tant qu’acteur. Pourquoi ne pas faire de la télé, des films ? Je ne rêve pas d’être acteur, je n’ai pas la prétention de devenir Pierre Niney ou de viser un jour l’Oscar, mais jouer dans une série comique me tente.
Autre piste : développer mon personnage sur scène. Adolescente, j’adorais regarder les sketchs de Florence Foresty et Gad Elmaleh avec ma mère. Je pensais que c’était fou que tu arrives à remplir une pièce. Pour l’instant, si quelqu’un me propose d’aller sur les planches pendant dix minutes, je pense que je vais refuser car je ne me sens pas prêt.
Mais en mars 2022, j’ai eu la chance de travailler au théâtre Mogador, lors d’une soirée d’éloquence sur TikTok. Sept minutes devant 1 800 personnes. Je l’ai aimé. Et à ce moment-là, je me suis dit : « J’ai vraiment bien fait d’arrêter mon CDI. » »
À noter
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