« J’ai quitté mon CDI dans une agence de com pour vivre de mes sketchs sur TikTok »

Photo of author
Written By Sophie Ledont

Rédactrice passionnée qui a vécu dans plus de 25 pays toujours à la recherche de la dernière information.

Publié le 20 octobre 2022 sur 17h Mis à jour le 20 octobre 2022 à 17h39.

 » ‘Qu’est ce que tu fais dans la vie?’ Quand je rencontre des gens et qu’ils me posent cette question, par exemple le soir, je sais que je ne peux pas juste répondre « influenceur » car dans la tête de beaucoup, influenceur = télé réalité, voleur, dropshipping [acte de revendre cher bas -produits à bas prix, souvent fabriqués en Chine, ndlr], Dubaï… Je dois expliquer que non, je n’ai pas un million d’euros dans mon portefeuille pendant que vous vous prélassez au soleil. Non, je ne gagne pas d’argent sur le derrière ma société. Mais ces idées reçues n’ont rien d’étonnant, car les médias et les programmes télé parlent toujours d’arnaques…

Moi, je veux crédibiliser le travail d’un créateur de contenu, montrer que c’est un vrai métier qui demande du temps, de l’investissement, des connaissances. Si ce n’était pas grave, je n’aurais pas quitté mon travail pour ça.

TikTok, un tremplin

Avant, j’ai travaillé comme responsable digitale chez Iconic Communication, une agence de communication à Ecully, près de Lyon, spécialisée dans le luxe. J’avais intégré l’entreprise en stage, en tant que community manager, avant de devenir responsable des réseaux sociaux en alternance, puis de signer un CDI à la fin de mes études.

Ma mission : animer une équipe digitale de quatre personnes. Nous travaillions avec différentes marques, notamment de joaillerie, pour lesquelles nous créions une stratégie de communication, écrivions du contenu, créions des vidéos ou des images, gérions leurs réseaux sociaux… Je devais aussi négocier avec les clients, faire des offres, etc.

J’aimais ma vie de tous les jours et je gagnais très bien ma vie. Mais TikTok était aussi un tremplin pour moi. À la lumière de ma communauté grandissante, je me suis dit que je pourrais potentiellement puiser dans des activités, comme le stand-up, que je n’aurais jamais imaginé pouvoir faire un jour.

Sur le même sujet :
Cette semaine, la Fédération Française de Handball a officialisé un accord de…

Des caricatures de jeunes couples

Je suppose que l’influenceur n’a jamais été un rêve. Au départ, lorsque je me suis lancé sur TikTok en tant que @logfive en novembre 2020, mon contenu était assez éclectique. Je publie des vidéos ici et là, sans intérêt, où je danse, joue… Au quotidien, je suis une sorte de mec qui aime amuser la galerie, alors mes amis me disent : « Concentre-toi sur ce que tu sais faire faire au mieux : faire rire « Je suis vos conseils et publie du contenu humoristique, avec une vraie ligne éditoriale à laquelle je tiens.

En juin 2021, je commencerai à imiter les mères, en m’inspirant de ma mère, avec ses mimiques, ses phrases qui reviennent tout le temps. Puis les professeurs. Et enfin, les couples. J’adore « Un mec, une fille », une série dont j’avais le best of en DVD, et j’ai envie de la mettre à jour, d’en faire une version 2021 avec nos propres codes de langue. Faire une caricature du jeune couple d’aujourd’hui, qui eux-mêmes parviennent à incarner plusieurs personnages à l’écran.

Du contenu en partenariat avec de grandes marques

J’écris tous mes textes en autodidacte, je n’ai jamais pris de cours de théâtre. Ma plus grande source d’inspiration ? Florence Foresti, dont j’ai vu tous les sketchs, notamment avec Laurent Ruquier [où elle était dans l’émission « On a tout essayé »].

J’essaie d’utiliser les codes de communication que j’ai appris lors de ma licence à l’école Digital Campus de Lyon et en agence de communication. Les règles que je suis pour que cela fonctionne sur TikTok sont : un contenu d’au moins une minute avec beaucoup de punchlines, une chute inattendue et une phrase d’accroche écrite sur la vidéo.

Prend très vite mon contenu. En juin 2021, j’ai 200 000 abonnés. Une agence d’influence me propose de travailler avec elle pour connecter avec des marques et créer des placements de produits. Je me dis que pour qu’elle s’intéresse à moi, ce que je fais va potentiellement m’emmener quelque part…

A cette époque, je passe tout mon temps libre après le travail à préparer et tourner des vidéos. Quand mes amis me demandent d’aller boire un verre, je refuse. Je sors cinq à six vidéos par semaine, à un rythme soutenu.

De plus en plus de marques me contactent et me proposent de me payer pour parler de leurs produits dans mes vidéos. Ils m’envoient un récapitulatif de leurs attentes, puis je travaille sur un croquis, qu’ils valident.

À Lire  Quand le passé d'une entrepreneure la pousse à créer sa propre entreprise

Financièrement parlant, je commence par générer un bon revenu complémentaire. Ensuite, mes revenus de TikTok dépassent de loin mon salaire dans une agence de communication.

Tiktokeur a temps complet depuis janvier 2022

Fin 2021, la fatigue commence à se faire sentir. Difficile de tenir le rythme, travail en chaîne toute la journée et TikTok le soir. J’ai l’impression que si j’agis dans l’un, cela se fait au détriment de l’autre. Après mûre réflexion, mon choix est fait : je quitte mon CDI pour me consacrer à la création de contenus.

Ma famille me soutient à 100% dans ma décision. Ils savent que si jamais ça ne marche pas, je pourrai revenir en arrière et trouver un travail plus classique que celui de créateur de contenu sur TikTok. Cet univers leur semble un peu lointain. Mon père est restaurateur, ma mère infirmière en Savoie, et mes quatre frères et sœurs ont tous des métiers manuels : deux de mes frères travaillent dans la restauration, ma sœur est coiffeuse, et un autre frère est ouvrier d’usine. Pour eux, travailler dans une agence de communication est déjà un peu flou, pas vraiment concret. Alors vivez de TikTok… (rires). Mais ils me font confiance. D’ailleurs, je n’ai pas de femme, pas d’enfants, c’est le moment d’essayer !

Depuis janvier 2022, je passe mon temps à créer du contenu. Mes matinées sont souvent consacrées à des tâches administratives. L’après-midi, aux enregistrements.

Je ne manque jamais d’inspiration. Mon environnement m’inspire beaucoup, et toute excursion peut être une source d’idées. Au bar, par exemple, je cherche les discussions autour de moi et je cherche les gestes de chacun puis je les imite. Eh bien, disons-le comme ça, ça sonne un peu psychopathe comme dans la série « You » (rires). Dès que quelque chose m’interpelle – une mimique, une expression… – je l’écris sur mon téléphone, pour ne pas l’oublier.

Des revenus plus élevés qu’avec le salariat

Aujourd’hui, la majorité de mes revenus proviennent de placements de produits. J’ai notamment collaboré avec Lancel pour les sacs de voyage, Samsung pour les smartphones et les TV, avec Uriage pour une crème anti-imperfections, Lacoste pour les parfums, les villages de vacances Center Parcs, etc.

Mon objectif : créer du contenu de qualité. Je m’utilise autant, sinon plus, pour faire une vidéo promotionnelle que je ne le ferais pour une vidéo que je ferais sans partenariat. Et si je ne sens pas un produit, ou si je n’arrive pas à m’entendre sur un scénario avec une marque, je passe à autre chose. Et ça paye. Ma vidéo en collaboration avec Samsung sur un téléviseur inclinable, par exemple, a été visionnée plus de 4,7 millions de fois.

Une partie de ma trésorerie provient également de TikTok. Jusque-là, la plateforme payait 20 euros pour 1 million de vues aux créateurs de contenus. Depuis fin septembre, il a changé sa politique. Maintenant, c’est 1 000 euros pour un million de vues. Une nouvelle source de revenus pour moi, et pas des moindres.

Je gagne beaucoup mieux que lorsque j’étais salarié, mais mon mode de vie n’a pas changé. Je traîne toujours avec les mêmes amis. Qu’est ce qui a changé? Je suis maintenant reconnu dans la rue (rires). Ce qui me manque dans ma vie d’avant, c’est l’ambiance au travail, les collègues, qui m’ont beaucoup inspiré. Mais je n’ai jamais autant aimé ma vie qu’aujourd’hui. Recevoir les gens, écrire et réaliser des sketches, c’est ce qui me comble le plus. J’ai rarement de mauvais commentaires sur mes vidéos, je pense que les gens ont compris que j’étais ultra « chill » et que mon but est de rendre le contenu fun, divertissant.

Pourquoi pas de devenir comédien ou monter sur scène

Je travaille pour logfive en tant que marque et je pense à long terme. Mon personnage est une vitrine pour réaliser d’autres rêves. Je voudrais le développer en dehors de l’application TikTok. Être sur cette plateforme me permet de prendre des risques, de tester et de gagner en crédibilité en tant qu’acteur. Pourquoi ne pas faire de la télé, des films ? Je ne rêve pas de devenir acteur, je n’ai pas la prétention de devenir Pierre Niney ou de viser un jour l’Oscar, mais jouer dans une série comique me tenterait.

Autre rôle majeur : développer mon personnage sur scène. Adolescente, j’adorais regarder des sketches de Florence Foresty et de Gad Elmaleh avec ma mère. Je pensais que c’était fou de pouvoir remplir une pièce. Pour l’instant, si quelqu’un me proposait d’aller sur les planches pendant dix minutes, je pense que je dirais non car je ne me sens pas prêt.

Mais en mars 2022, j’ai eu la chance de me produire au théâtre Mogador, lors d’une soirée d’éloquence sur TikTok. Sept minutes devant 1 800 personnes. J’ai aimé. Et à ce moment-là, j’ai pensé: « J’ai fait une très bonne chose en quittant CDI. » »

À noter

Si toi aussi tu as une belle (ou moins belle) histoire à raconter, n’hésite pas à nous contacter : redaction-start@lesechos.fr

Et pour lire d’autres témoignages inspirants, c’est ICI.