Le naufrage de Venise | encrage

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Written By Sophie Ledont

Rédactrice passionnée qui a vécu dans plus de 25 pays toujours à la recherche de la dernière information.

Dans Le Naufrage de Venise, Isabelle Autissier imagine une Venise dévastée par un tsunami dévastateur. C’est ce que nous craignons à l’heure du dérèglement climatique et des événements climatiques exceptionnels. Mais le plus gros problème de la ville n’est peut-être pas l’eau.

Ce que l’économie touristique a fait aux Vénitiens

Ce que l’économie touristique a fait aux Vénitiens

Chaque année, 30 millions d’étrangers du monde entier débarquent à Venise. C’est près de la moitié de la population française. En moyenne, 80 000 visiteurs parcourent chaque jour les rues pavées de la ville flottante. Si les chiffres ne vous plaisent pas, vous devrez peut-être vous en contenter, car si voir c’est croire, voir c’est utiliser.

De la responsabilité du AirBnB

Un logement entier pour le prix d’une chambre d’hôtel pas chère : les vacances à l’étranger sont devenues accessibles aux plus modestes. Mais le bonheur des uns fait toujours le malheur des autres… Ces hébergements font en sorte que les Vénitiens ne trouvent pas refuge toute l’année (et ils sont loin d’être les seuls à s’en plaindre). Il a fallu trois ans à Alexandre pour trouver refuge à Venise pour rejoindre sa femme et s’installer.

Pire encore, l’AirBnB enrichit les Italiens fortunés qui souvent ne sont pas Vénitiens. Cet argent qui pourrait être réintroduit dans la vie publique de Venise est en fait perdu pour la ville, au grand dam de ses habitants.

Les prix qui font fuir

Le tourisme de masse réduit drastiquement l’offre d’hébergement pour la population locale alors que la demande reste la même, donc les prix augmentent. A cela s’ajoute la fragilité de la ville construite sur pilotis, qui est partiellement submergée lors de l’aqua alta, ce qui rend l’entretien des habitations très onéreux. Enfin, les plus humbles des Vénitiens, victimes de la montée des eaux, ne trouvent plus de logement à Venise et quittent la ville. De même, les jeunes actifs partent chercher du travail ailleurs, car si vous ne voulez pas travailler dans le tourisme, Venise n’a pas grand-chose à offrir.

Aujourd’hui, il n’y a que 50 000 Vénitiens dans la ville, trois fois moins que dans les années 1950.

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Ce que le tourisme de masse a fait à Venise

L’afflux de touristes crée des problèmes de logistique et de pollution. Un touriste ne se contente pas de se promener toute la journée, il consomme et produit des déchets. A Venise, les poubelles débordent chaque jour. Difficile de gérer la masse de déchets dont certains finissent volontairement ou involontairement dans le lagon : bouteilles plastiques, mégots de cigarettes, etc. Vous pourriez vous y baigner un jour, mais n’y comptez pas aujourd’hui. Les gondoliers, qui plongent de temps en temps pour ramasser des tonnes de déchets chaque année, sortent désormais des objets insolites : écran d’ordinateur, vélo, machine à laver, pneu…

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Dans le même temps, bien qu’aucune voiture ne circule dans la ville, les gondoles ne sont pas le seul moyen de transport. Franchement, ce ne sont que des attractions touristiques. Ce sont les vaporetti et les taxis, bateaux à moteur, utilisés quotidiennement par les touristes (en plus des locaux) pour se rendre d’un quartier à l’autre, d’une île à l’autre, et l’eau est gravement polluée.

Est-il trop tard pour sauver Venise ?

Est-il trop tard pour sauver Venise ?

Si le COVID-19 a affecté le quotidien des Vénitiens et affecté l’économie, qui repose en grande partie sur le tourisme, ce n’était pas qu’une honte. La tranquillité créée par l’absence de touristes a été appréciée. Et les canaux ont retrouvé leur clarté au point de voir revenir cygnes et dauphins.

Les mesures prises par le gouvernement

Cet épisode épidémique a donné matière à réflexion. En 2021, les navires de croisière ont été interdits du Grand Canal et du canal de la Giudecca. Ces gros bateaux augmentaient non seulement les rejets d’hydrocarbures dans les eaux de la lagune, ils fragilisaient également les côtes et créaient des vagues intenses difficiles à contrôler pour les gondoliers. Mais ce n’est pas assez.

Contrôler l’entrée des touristes

Le gouvernement prévoit d’appliquer un quota d’accès à la ville pour mettre fin au tourisme de masse qui nuit à la ville et à ses habitants. Le principe : Installer des portillons aux entrées principales de Venise pour gérer l’afflux de touristes qui devraient réserver leur passage en achetant un billet. Tous ces visiteurs devront s’acquitter d’une taxe journalière pouvant aller jusqu’à 10 €.

Une mesure dépréciée des Vénitiens

Cette idée reviendrait à Disneylandiser Venise et à faire de la ville un monument, ignorant qu’elle est vivante et qu’elle a des habitants. Ils y voient une insulte à leur statut vénitien. Pouvez-vous imaginer entrer dans votre ville par le métro ?

Pourtant, certains Vénitiens sont sceptiques quant à l’efficacité de cette mesure. Selon eux, il ne s’agit encore que d’un effet d’annonce qui ne se concrétisera pas. En effet, le gouvernement a exprimé sa volonté de réglementer le tourisme il y a plus de deux ans et rien n’a changé depuis. Le tourisme de masse est à nouveau à l’ordre du jour, alors que le COVID-19 continue de faire des victimes.

Les recommandations raisonnées

La meilleure façon de mesurer le tourisme à Venise est de le rendre durable. Choisir une chambre d’hôtel plutôt qu’un hébergement AirBnB, c’est faire tourner l’économie de Venise et contribuer au pouvoir d’achat des Vénitiens. Dans le même temps, éviter les lieux très fréquentés comme la place Saint-Marc et sa basilique et les périodes massivement choisies comme l’été, c’est disperser la population et donc réduire l’effet de masse.

Vous pouvez aussi visiter Venise autrement, il existe des moyens plus durables et respectueux de voyager. Par exemple, l’ONG Greenpeace a créé une plateforme pour trouver des voyages éco-responsables sans prendre l’avion. Gardez également à l’esprit qu’il existe une alternative sociale à la location de logement, c’est FairBnB qui finance des projets associatifs locaux.

Enfin, sachez que Venise n’est pas le seul endroit sur terre à voir. Vous n’avez pas raté votre vie si vous ne l’avez jamais vue. De la même manière qu’on ne pourra jamais lire tous les livres qu’on veut ou voir tous les films qu’il y a, on ne pourra jamais voyager dans toutes les villes du monde… Il faut l’accepter.