Débat de société par excellence, la légalisation du cannabis doit bientôt faire l’objet de discussions en séance plénière entre les membres du Conseil départemental du Var de l’Ordre des médecins.
En attendant, il était intéressant de faire un « pas de côté » et de connaître l’avis d’un expert du cannabis, mais aux vertus thérapeutiques. A savoir le docteur Fadel Maamar, responsable de la médecine de la douleur à l’hôpital intercommunal de Fréjus-Saint-Raphaël.
Impliqué dans l’expérimentation du « cannabis médical », le chef du département du Var s’exprime en modulant convenablement ses arguments, conscient que les usages thérapeutiques et récréatifs sont deux mondes qu’il faut scrupuleusement dissocier.
Quel est votre avis sur la proposition du Conseil économique, social et environnemental (Cese) vers la légalisation du cannabis ?
En tant qu’expert en cannabis médical, je n’ai pas besoin de commenter le sujet du cannabis récréatif. Certes, le cannabis médical a sa place dans la prise en charge de certaines douleurs, mais les preuves scientifiques manquent encore et il concerne une très petite partie des patients suivis en médecine de la douleur.
Au total, les effets indésirables du cannabis thérapeutique sont nombreux, notamment neuropsychiques (dépression, pensées noires, réduction idéomotrice, etc.) qui doivent nous alerter sur l’usage récréatif du cannabis. Les tabacologues augmentent sans doute les risques d’addiction et pulmonaire pour les formes inhalées.
Cela ne pourrait-il pas créer un « malentendu » entre usage thérapeutique et usage récréatif ?
Il y a, oui, parfois confusion. Les partisans du cannabis récréatif peuvent utiliser l’aspect thérapeutique du cannabis comme argument pour leur approche.
Existe-t-il un âge minimum pour interdire ou au moins réglementer son utilisation, y compris parmi la population des 18-25 ans ?
Le cannabis thérapeutique est étroitement surveillé en France, notamment par l’ANSM. Ce n’est pas à moi de faire des commentaires sur le cannabis récréatif.
Faut-il différencier « herbe » et « résine » dans cette éventuelle légalisation ?
Je n’ai pas d’avis sur ce point. Il faut surtout faire la distinction entre les formes inhalées et ingérées (Selon une étude québécoise de 2019, il y a un plus grand risque de surdosage lorsque le cannabis est ingéré que lorsqu’il est inhalé. Sans causer directement la mort, le surdosage peut, dans de très rares cas , provoquer une psychose suicidaire aiguë ou aggraver des problèmes cardiaques sous-jacents et donc indirectement entraîner la mort, NDLR).
Que signifie la « légalisation du cannabis » dans la société ? Peut-on endosser les clichés d’une population plus « manipulable », les phénomènes d’addiction grandissants, etc. ?
La question dépasse largement mes compétences. Au total, ces molécules sont pharmacologiquement actives, donc avec des effets neuro-psychiques indéniables. De plus, il existe plus de 400 ingrédients actifs dans le cannabis récréatif, dont certains sont mal compris.
Pour le cannabis médical, il s’agit du THC et du CBD. Le problème de la dépendance est réel. C’est pourquoi je considère qu’il faut être prudent avec cette option de « légalisation ».