Après une semaine chargée au cabinet et un samedi matin de garde, Fanny*, médecin installée en centre Bretagne depuis dix ans, se réjouissait de passer le jour de l’an en famille. Mais dans un contexte de grève des médecins libéraux et de triple épidémie, cette médecin généraliste a finalement été réquisitionnée pour effectuer la garde mobile le 1er janvier dans son secteur. Alors qu’une autre collègue du même cabinet a également été perquisitionnée ce week-end, la praticienne crie sa colère contre un système qui épuise les plus engagés.
“Los gendarmes llegaron a mi domicilio, que está a 30 minutos de mi oficina, a las 19 horas de anoche [noche del miércoles, nota del editor] para informarme que me requisaron para una guardia móvil, de 8 a 20 horas del domingo 1 de janvier. Et ce matin [jeudi, ndlr], ils sont revenus au cabinet pour demander la garde d’un de mes associés le 31 décembre.
Nous sommes un centre de santé multi-sites, avec 80 professionnels de santé au total, dont 5 médecins traitants et 5 collaborateurs. Au total nous serons 4 de la firme à travailler pour le secteur ce week-end : deux collègues étaient déjà volontaires PDSA, en effecteurs fixes. Réquisitionner deux autres médecins du même cabinet met notre organisation en danger…
En 10 ans de pratique, c’est la première fois qu’on me le demande. Dans mon arrêté de réquisition, il ressort que les demandes du Conseil Départemental de l’Ordre des Médecins et des Adoptions, association qui gère la permanence des soins pour l’accomplissement de ce devoir, n’ont pas abouti. Personnellement, je n’ai jamais reçu de mail me disant qu’il y avait des lacunes dans l’horaire de garde… ‘Considérant’ que cet horaire de garde incomplet survient dans le cadre des grèves, des épidémies et des plans de camouflage qui se déchaînent dans les hôpitaux, que participer à la garde « est un devoir », que je suis sur la liste des volontaires… Je suis réquisitionné.
« Il serait plus logique de réquisitionner les médecins qui ne participent pas à la permanence des soins »
C’est un peu gênant de demander des médecins bénévoles, qui sont déjà de garde ! Il serait plus logique de réquisitionner des médecins qui ne sont pas impliqués dans la permanence des soins.
Le cabinet assure la continuité des soins de 8h à 20h tous les jours de la semaine et le samedi matin. Les week-ends et jours fériés, nous effectuons des appels fixes à la maison médicale de garde, environ 2 à 3 fois par an chacun. Le roster de MMG est toujours plein : tous les créneaux sont pris, toujours.
Là, c’est un garde mobile : ils nous appellent le 15 pour faire des visites à domicile aux patients qui ne peuvent pas se déplacer. Dans mon secteur, il y a des gardes mobiles la nuit de 20h00 à 8h00, en semaine, le week-end et les jours fériés.
« J’ai été agressé plusieurs fois »
Gardes mobiles, je l’ai fait au début de mon exercice. Mais il y a huit ans, j’ai arrêté de faire du bénévolat parce que je craignais à plusieurs reprises pour ma sécurité. Outre les personnes âgées, ces patients qui ne peuvent pas se déplacer sont souvent des alcooliques ou des personnes agitées. Plusieurs fois ils m’ont agressé parce que je suis une femme, parce que je suis jeune… Ils m’ont plaqué contre un mur, ils m’ont menacé avec un tournevis. Un de mes collègues a été menacé avec une arme.
J’ai fini par me faire peur. Finalement j’y suis allée avec mon mari qui n’est pas médecin. Il est resté dans la voiture. Puis, à partir du moment où nous avons eu des enfants, nous avons jugé qu’il était déraisonnable de se mettre en danger.
Comme je devais travailler le 31 décembre au bureau, j’avais prévu de passer le dimanche avec les enfants… Le pire c’est que j’ai travaillé cette semaine. Je ne suis pas en avant. Dans le cadre d’une grève, il est logique d’aller réquisitionner des médecins grévistes. Mais aller réquisitionner ceux qui ne sont pas chômeurs, qui sont déjà bénévoles, qui travaillent le samedi pour assurer la permanence des soins dans une zone déficiente où il y a pénurie toute l’année… Ça me met en colère !
Donc, c’est fait : j’ai renoncé à la permanence des soins…