Leurs méthodes flirtent avec les dérives sectaires, leur développement est continu et leurs clients découvrent des prélèvements sur leurs comptes bancaires sans leur consentement. La méthode est redoutable d’efficacité : depuis la Suisse, les Français ont bâti un petit empire autour d’une nuée d’entreprises spécialisées dans la production de newsletters. Cette entreprise florissante exploite les peurs et les vulnérabilités des abonnés. Au risque de les mettre en danger parfois.
Les hommes d’affaires du complot se cachent en Suisse pour capitaliser et cacher leur succès grandissant. Exactement au 3 rue Neuve à Lausanne : derrière les murs d’un épais bâtiment de verre et d’acier, pudiquement nommé « La Cité du Marketing Digital », 240 collaborateurs travaillent au service d’un grand objectif – le développement et l’envoi frénétique de newsletters notamment en France. Dédiées aux médecines alternatives, ces publications contribuent à la diffusion des théories anti-vaccins, en vogue face aux interrogations légitimes qui inspirent les politiques publiques et le lobbying de l’industrie du médicament. Cette armée de petites mains conseille également les investissements risqués dans les crypto-monnaies.
Suisse, paradis des gourous
L’équipe qui dirige cette usine infatigable qui surfe sur les tensions qui traversent la société est majoritairement composée de Français. Ces Français ont établi leurs quartiers et leur camp de base dans le pays suisse avec un seul objectif : rentabiliser au maximum leur entreprise grâce à des méthodes de marketing agressives enseignées dans les grandes écoles de commerce, quitte à attraper les lecteurs.
Pour ces expatriés entreprenants, la Suisse est le terrain de jeu idéal. Ce domicile permet de contourner les lois européennes relatives à la protection des consommateurs et de bénéficier d’une fiscalité avantageuse. L’équation parfaite pour un business model aussi complexe qu’efficace, qui repose sur une galaxie d’entreprises étroitement liées qui fonctionnent toutes selon les mêmes techniques.
Alors qu’elles se présentent comme des sources d’informations professionnelles, ces sociétés ont pour but de vendre un bien ou un service. Outre les newsletters gratuites qui font office de produits d’appel, les offres commerciales arrivent vite et se multiplient : protocoles thérapeutiques, conseils boursiers, abonnements, conférences, compléments alimentaires, huiles essentielles…
Le drame, filon commercial
Pour arriver à leurs fins, ces start-up d’un nouveau genre appliquent les recettes du marketing direct. Cette stratégie de vente tente de provoquer une réaction émotionnelle chez le lecteur puis de faire de l’acte d’achat une évidence : le style du message délivré est familier – les clients sont « chers amis… », donc nous sommes entre nous – et le ton , avec des Accents complotistes. Dramatiquement : « J’en ai assez de la désinformation, du climat alarmiste et des « fausses solutions » qui transitent par les médias officiels », commence l’un de ces messages, diffusés massivement via des listes de diffusion. « Je vais vous dire la vérité sur le cancer », annonce le même, harponnant ainsi le lecteur.
Si les « vérités » promises sont toujours cachées, il s’agit donc de les dévoiler – « L’industrie anti-cancer vaut plusieurs milliards de dollars, et n’hésite pas à vous cacher des choses pour vous prescrire des traitements de plus en plus coûteux » , apprend-on – le message de vente est toujours là. Sans, bien sûr, s’interroger sur cette démarche tout aussi intéressée : « Dépêchez-vous : je ne sais pas combien de temps je pourrais continuer à vendre (sic) ce protocole », crie le messager, face à l’urgence. Et l’auteur prévient : « Nous risquons d’être attaqués à tout moment, et il est probable que cette opération nous coûtera beaucoup d’argent. » »
Des mois plus tard, le produit est toujours en ligne. A 139 euros pour un protocole naturel contre le cancer.
Derrière le lexique utilisé et la tension créée, une autre règle s’impose : le message doit être répété jusqu’à la nausée, d’où l’envoi d’emails répétés pour marteler ces offres. De plus, il est indispensable que le destinataire paie au moins une fois pour bénéficier du « One-Click » : Si le client a fourni ses coordonnées bancaires lors d’un premier achat, sous forme de mandat SEPA, il lui suffit de cliquant sur un lien pour déclencher une nouvelle commande et être débité immédiatement. En France, cette technique de vente est illégale.
En ligne, les témoignages dénonçant ces prélèvements sont légion. Ainsi, le 15 novembre 2022, une utilisatrice partage son expérience sur Trustpilot : « J’ai remarqué un prélèvement SEPA abusif de 34€ de (sic) TOTAL SANTÉ sur mon compte alors que [je] n’ai absolument [pas] donné mon consentement, » dénonce-t-elle. Sur ce même site d’agrégation d’avis, une autre victime proteste contre Nouvelle Page Santé : « Le 30/08 j’ai découvert un prélèvement de 69,90€ sur mon compte bancaire, alors que je n’ai pas passé de commande, n’ai rien reçu, sauf peut-être un » « Livre » gratuit.
Autre motif de mécontentement, d’autres témoins pointent la difficulté à souscrire à ces services, le manque de clarté des contenus proposés et des offres associées.
Certaines de ces newsletters connaissent un grand succès. Produit par Totale Santé, Alternative Bien-Être compte plus de 300 000 lecteurs. Cette newsletter est organisée par Rodolphe Baquet. L’homme s’est donné pour mission de dénoncer ce qu’il appelle « la propagande vaccinale anti-Covid ». Il est devenu célèbre pour sa pétition réussie – plus de 1 300 000 signatures – contre le laissez-passer de vaccination.
Dans la lignée de trois principaux canaux de publication – Totale Santé Publications, PureSanté et Nouvelle Page Santé – on découvre une cascade d’offres qui couvrent tout le spectre des médecines alternatives : naturopathie, médecine chinoise, méthodes de jeûne, autohypnose, homéopathie… Au total, neuf newsletters font la promotion de 41 formations différentes. Un grand nombre d’entre eux s’adressent à un public vieillissant : « Programme anti-âge avec Dominique Rueff », « Urgence Prostate », « Ma féminité après 50 ans », « Mon programme vision », « La nouvelle méthode de rajeunissement »… E certains sont particulièrement dangereux.
PureSanté, par exemple, propose le protocole Micozzi, une solution naturelle contre le cancer mise au point par un praticien américain. Cette méthode promet de « réduire le risque de cancer de 93% » avec des remèdes naturels… Pour vendre ce produit, la newsletter dénigre la médecine traditionnelle : « Il te manque (la chirurgie), tu es un poison (la chimiothérapie) on va te brûler ( radiothérapie) . )… » La coloscopie pratiquée pour diagnostiquer la présence de tumeurs est assimilée à un « examen à risque » avec un « risque important de décès ». Une incitation pour les patients à rejeter un traitement thérapeutique éprouvé mais éprouvant pour choisir une solution présentée comme indolore. Au risque de perdre la vie.
Ce mécanisme rhétorique correspond à une « dérive thérapeutique à visée sectaire » identifiée et définie par la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires). « La dérive thérapeutique devient sectaire lorsqu’elle tente d’accrocher le patient à une croyance, à une nouvelle façon de penser, décrit le Guide Santé et dérives sectaires. Le pseudo-praticien revendique l’inutilité des traitements conventionnels, le pseudo-praticien demande au patient de ayez une confiance totale en lui, car lui seul possède la méthode « miracle » capable de le guérir. »
Selon ce guide, les techniques de ces entreprises mettent en évidence les éléments de langage qui permettent d’identifier un pseudothérapeute sectaire : « dénigre la médecine conventionnelle ou les traitements proposés par l’équipe médicale qualifiée qui vous soigne » ; « vous inciter à arrêter ces traitements » ; « promet un remède miracle là où la médecine conventionnelle a échoué »…
Dans son rapport annuel, le Connétable des Sectes met en garde contre la diffusion de ces structures et méthodes dans le domaine de la santé, du bien-être et de l’alimentation.
Un phénomène accentué par la crise du Covid-19, aux lourdes conséquences : « Au-delà des propositions alternatives, une question de médecine conventionnelle se développe au point de prendre la forme de critiques parfois violentes des vaccins et des médicaments allopathiques, écrit encore la Miviludes. Et dans une majorité de cas, ces critiques trouvent leur source dans les théories du complot.Un « phénomène [qui] prend des proportions inquiétantes et contribue à l’insécurité sanitaire », s’alarme également la mission interministérielle.
Les fixettes de Vincent Laarman
A l’origine de la galaxie d’entreprises de la rue Neuve à Lausanne on retrouve une famille et sa figure : Vincent Laarman. Les engagements très ciblés de cet entrepreneur français l’ont déjà mis sur le devant de la scène. Libéral sur l’économie, conservateur sur la morale, ce catholique de droite a fondé SOS Éducation en 2001. Ce groupe de pression réactionnaire dénonce l’effondrement du système scolaire, « la pédagogie des syndicats » et prône la mise en place de « vrais cours de politesse ». . Six ans plus tard, en 2007, lui et son épouse Marie-Laure Jacquemond-Laarman lancent un véritable groupe de réflexion « dur », qui milite cette fois contre le « laxisme » de la justice : l’Institut pour la justice (IPJ). On lui doit encore la Sauvegarde des retraites et le Groupement des entreprises françaises indépendantes (GEFI), deux autres associations qui fonctionnent sur des sources identiques.
Interrogé par le Blast, le serial entrepreneur associatif n’a pas répondu à nos demandes d’interview.
Vincent Laarman a quelque chose à garder. Ses idées et ses techniques lui ont été transmises par son oncle : le libertaire et conservateur François Laarman est décédé en 2009. Il avait fondé l’association Contributables associés en 1990. Il s’agissait de la lutte contre la « hype fiscale » à laquelle les Français étaient exposés. la victime. Pour soutenir son projet, Monni a appliqué les méthodes de « marketing direct politique » apprises aux États-Unis. Une affaire en trois étapes : Acte 1, récupérer les coordonnées d’un public ciblé ; Acte 2, envoyez-lui des lettres personnalisées suffisamment fortes pour provoquer une réaction ; et, acte 3, diriger la cible, une fois l’hameçon mordu, vers des pétitions ou des dons.
Cette méthode, son neveu la prend tout seul, l’affine et va pousser la logique à l’extrême en utilisant des fichiers d’adresses mails et d’avis liés. Ces bases de données sont collectées par ses affiliés auprès de sociétés telles que Telle Score Marketing, société spécialisée dans les campagnes militantes co-fondée par Carole Neaumet et François Laarman. Vincent Laarman peut également compter sur Mickaël Saillant. Ce membre de la famille avec qui il a créé le GEFI est au top des adresses en France. Spécialisée dans le marketing dédié aux seniors, France adresses se targue d’être « une mine d’informations ».
En 2012, Vincent Laarman se lance dans une nouvelle aventure avec Les Nouvelles publications de la santé naturelle, maison d’édition qui deviendra plus tard Santé Nature Innovation (SNI). Le roc sur lequel il bâtira son réseau de newsletters. Il profite de son répertoire d’adresses e-mail – plus d’un million selon nos informations – pour annoncer le lancement d’une première newsletter. Un témoin de l’époque se souvient : « Vincent a voulu créer une ligne éditoriale sérieuse pour le magazine basée sur la nutrition et l’art de vivre, sous un angle scientifique, avec une approche traditionnelle de l’utilisation des plantes : herboristerie, tradition pour que les plantes soient utilisées dans tous des pays… »
Un jardinier… en Bentley
Au cours de sa nouvelle mission, Vincent Laarman reprend lui-même la plume sous le pseudonyme de Jean-Marc Dupuis. Il risque parfois quelques contradictions, dont se moquent rétrospectivement ses anciens salariés : « Il s’intéresse beaucoup à la permaculture et c’est marrant, confie l’un d’eux, car dans ses lettres il dit « Travailler la terre de mes mains, c’est super ! ». .. mais il est jardinier depuis longtemps ! Il y en a même un où il prétend avoir une Citroën Jumpy, que c’est une super voiture, mais il est venu travailler… dans une Bentley. « Mais peu importe. Maintenant, SNI revendique une distribution à 850 000 lecteurs.
Dans un enregistrement obtenu par Radio-France – qui lui a consacré un portrait – Vincent Laarman montre sa vision du monde en juillet 2017, s’adressant à ses collaborateurs : « Nous sommes une bande d’amis, pratiquement une famille, raconte sa patronne. cette vision (…) qu’il faut entendre des voix alternatives qui passent par des canaux alternatifs. »
Une vision, des voix et des canaux, c’est le principal. La vérité des informations diffusées est secondaire : « Pour ceux qui me disent ‘c’est n’importe quoi, c’est une théorie du complot, tu exagères, c’est du populisme’, je leur réponds ‘je nique’ ! C’est notre façon de travailler, je les accepte pleinement. «
Afin de développer sa petite entreprise, Vincent Laarman l’a déménagé en Suisse en 2013. Dans le même enregistrement de Radio France, il décrit les motivations de cet exil : « Je ne voulais pas être battu par l’administration française, mais surtout par les syndicats et les syndicats. Représentants du personnel, toutes ces sortes de dégâts (sic) » Ce n’est pas la seule raison Cette expatriation est également motivée par des considérations juridiques : chez nos voisins suisses, leurs newsletters échappent à la très stricte protection des consommateurs mise en place par l’Europe.
Bientôt, dans un tel environnement et grâce à des méthodes éprouvées, les entreprises de la Galaxie Laarman prospèrent. Jusqu’au carreau de 2018, lorsqu’une enquête de l’UFC Que-Choisir montre les coulisses de ce business florissant. La société Sercogest, qui gérait les abonnements de la SNI du nord de la France, a été mise en liquidation judiciaire, les auteurs ont démissionné et la réputation de la SNI est restée écornée à jamais.
Si cela fonctionne, le liner ne tombe pas. Le service, jusqu’ici assuré depuis la France par la plateforme téléphonique Sercogest, s’est à son tour exilé en Suisse et tout un parc de petites structures a déjà pris le relais, regroupant un nouveau fleuron : « Publishing Factory », la rédaction.
Ce souci de diversification, qui permet enfin à l’entreprise Laarman de sauter le pas, vient de loin. Une page – « SNI, Talent Incubator » – sur Internet, supprimée par ses auteurs, mais dont on a retrouvé l’archive, le prouve. Elle souligne que « devant le succès grandissant de Santé Nature Innovation (SNI), son fondateur Vincent Laarman a décidé en 2013 de favoriser et d’encourager l’émancipation des talents en interne et la création d’autres newsletters gratuites. de Vincent Laarman appuie : « C’est le principe de fonctionnement de Vincent : si vous êtes salarié et que vous avez une idée, vous venez à lui et il monte le truc. N’importe qui peut créer son propre produit et en être propriétaire s’il est entreprenant et si l’affaire est intéressante. »
Synergie et rationalisation pour l’empire Laarman
Nouveau porte-avions du bâtiment, Publishing Factory a en effet été lancé en 2015 par Aymeric Puech, ingénieur civil et bras droit de Vincent Laarman, avec le soutien de plusieurs autres proches de l’entrepreneur. Dont Sylvain Marbach. Marbach est un compagnon de longue date de Vincent Laarman – ensemble, ils ont fondé SOS Education une décennie plus tôt. Il rejoint SNI Abenteuer en octobre 2013 en tant que Directeur des Systèmes d’Information. En juillet 2016, Sylvain Marbach est nommé Directeur de l’Innovation de la Publishing Factory. C’est lui – c’est ce que montre sa page LinkedIn – qui y a mis en place le paiement bancaire « un clic ».
Contacté, Publishing Factory, Sylvain Marbach n’a pas souhaité répondre à Blast.
Le 20 juin 2019, Verlagsfabrik a installé ses bureaux à la Cité du Marketing Digital. L’installation dans cet immeuble sur-mesure du centre-ville de Lausanne, à deux pas de la cathédrale, doit permettre de stabiliser l’empire et de rationaliser ses fonctions : 4’000 m2 de bureaux répartis sur 5 étages, centralisent ses services techniques et Informatiques et Host. « une quinzaine d’entreprises spécialisées dans le numérique », soit plus de 240 web workers.
« Avant, tout était regroupé sous l’édition SNI. Désormais, chaque revue a sa propre entreprise. Si une lettre ne marche pas, on ferme l’entreprise pour en éviter d’autres », a expliqué un ancien employé de Laarman à Blast. Publishing Factory a désormais son business model bien en tête, puisqu’elle s’annonce : « Les entreprises qui travaillent dans la ville ont pour objectif commun d’améliorer la vie des gens, notamment par la diffusion directe d’informations et de produits. Alternativement, cela signifie généralement difficile à dans les médias et les magasins traditionnels.Avec un grand succès : plus de 2 millions de clients ont été fidèles aux entreprises partenaires, toujours selon ces éléments de communication.
Changer d’étiquette, garder la méthode, améliorer son application… C’est en général la logique qu’Aymeric Puech a suivie pour gérer sa fabrique de newsletters, dans la continuité des techniques de Vincent Laarman. Comme l’a documenté Libération, Aymeric Puech est notamment le fondateur du site de pétition leslignesbougent.org, une plateforme qui permet la collecte de données (nom, prénom, code postal, e-mail et avis) des signataires. Il y en a pour tous les goûts : engagé dans la lutte contre l’accaparement des ressources ? « Water Reservoir : Stop the Masquerade » recueille 34 442 signatures ; sensible à la cause animale ? « 2025 : l’extinction des hérissons ? Sauvez-les avant qu’il ne soit trop tard ! » recueille 107 968 signatures ; besoin d’un médecin ? « NON aux déserts médicaux ! » a recueilli 32 012 signatures ; tu ne veux pas de médecin ? « Pour la dissolution du Conseil National de l’Ordre des Arts ! » Comptabilise 160 149 initiales… Selon les sujets, leslignentbougent propose également des abonnements aux newsletters de la Publishing Factory Galaxy : PureSanté, Alternativ Weelbefannen, Sharing.io… Demande de Blast, la direction de l’entreprise n’a pas donné suite.
Publishing Factory héberge également Cell’inov. Cette société produit des compléments nutritionnels qui sont promus par d’autres filiales. Pour vendre ses produits, Cell’inov publie également des lettres aux accents complotistes. Celui du 29 septembre 2022, sous le titre choquant « Big Pharma et les problèmes articulaires : le sale secret qu’ils vous cachent », contient la publication suivante : « Si les solutions naturelles ne sont plus publiées, c’est à mon avis qu’il y a des des gens en France qui dépensent des millions en lobbying pour l’empêcher d’entrer. »
Bad trip… sous le tapis
Telle une racine envahissante, l’activité newsletter s’est propagée au-delà du cercle des fondateurs (voir encadré). Et son expertise ne s’arrête pas à la médecine naturelle. Prenons Eric Schorro… Membre du conseil d’administration de Vivara et Publishing Factory, il a lui-même lancé plusieurs newsletters dans différents domaines depuis 2016 : Saine Abondance conseil en permaculture, Héritages Éditions et Vauban Éditions spécialisées dans les investissements boursiers et crypto-monnaies. Bien que Schorro les ait licenciés depuis, ces newsletters continuent de publier des affectations à Publishing Factory, où certaines sont basées.
C’est le cas de Vaubans Édition, qui propose des formules à partir de 74 euros pour l’abonnement annuel pour Morningbull, destiné aux débutants en bourse, jusqu’à 4 000 euros pour L’Investisseur Crypto Confidentiel. Pas à la portée de toutes les bourses. Cependant, le plus de ces publications et la qualité des conseils semblent plus que douteux si l’on se réfère aux commentaires des lecteurs en ligne. « Trop de promesses, trop cher, zéro résultat, aucune aide, on est perdu dans ce brouillard, chaque événement qui pourrait être intéressant fait l’objet d’une annonce qui se vend en plus… Je le déconseille », décrivait en août 2022 un de ceux-là.
Interrogé dans le cadre de notre enquête, Vauban Edition n’a pas souhaité répondre à nos questions. Nous avons évidemment mieux à faire chez Vauban Edition. Pour cacher ce flot de mauvaises critiques sous le tapis, nous nous sommes mobilisés. En vigueur : ainsi le directeur et le responsable de la référence, renforcés par un salarié de la Publishing Factory, un éditeur d’une newsletter associée à la Publishing Factory et le directeur de la publication de BioSanté Éditions ont tous partagé un commentaire positif pour augmenter la valeur moyenne de la croissance de l’entreprise, qui s’est stabilisée à 2,9/5 après cet effort collectif. Sur Trustpilot en revanche, les posts des derniers mois sont incendiaires : « A éviter ! » ; « Une entreprise fantôme qui ne répond jamais à vos sollicitations ! » ; « Une belle bande d’incompétents » ; « Recommandations en cas de catastrophe ! »…
Magali Malvarez-Pasche joue également un rôle moteur dans cet échafaudage qui brûle tout bois. Désormais, une partie des entreprises bénéficiant des techniques développées par Vincent Laarman et des services de la Publishing Factory sont créées par sa société fiduciaire, Loralie SA, au 12 B Place Saint-François à Lausanne. L’entrepreneur dispose des newsletters des fabricants de médecine naturelle, de cryptomonnaies et de compléments alimentaires (PureSanté, Totale Santé, Les Éditions Nouvelle Page, Novéa Nutrition, Serenways, Apogée, Partager.io, Argo Editions, etc.). Contactée, elle a également refusé de commenter son rôle au carrefour de ces publications.
On retrouve également dans le sérail de Loralie, Sylvain Marbach, déjà croisé au SNI, Publishing Factory et SOS Education : Il est devenu directeur de l’innovation de SerenWays SA, newsletter destinée aux personnes électrosensibles et aux parents qui peinent à éloigner les enfants et adolescents des écrans. Pour faire passer le message, SerenWays ne lésine pas sur les titres accrocheurs : « TikTok… les jeunes s’amusent, les pervers s’amusent » ; « Quand ton téléphone pirate tes cellulaires… et leur ordonne de se suicider »… Et n’oublie pas de renvoyer tes lecteurs aux pétitions pour lutter contre ces phénomènes.
Encore une fois, rassemblez des informations précieuses sur la signature.
A l’avenir, le cartel de la newsletter tente aussi de faire le tour de l’audiovisuel, avec une nouvelle tête d’affiche : Rémy Watremez. Auteur de chroniques littéraires puis de critiques humoristiques de l’actualité sur YouTube, le jeune homme a ouvert une deuxième chaîne en janvier 2022, baptisée Juste Milieu. Il propose une chronique quasi quotidienne où il décortique l’actualité politique, « moins de mensonges » : « On va chasser le mensonge, promet-il dans sa vidéo d’introduction. On va décortiquer l’actualité pour comprendre ce qui se passe, pour comprendre ce qui se passe », et surtout de se fendre la poire La première promesse a rencontré un certain succès : la chaîne compte désormais plus de 312 000 abonnés.
Juste milieu SA a été fondée par Magali Malvarez-Pasche en novembre 2021 – un mois plus tard son fondateur Rémy Watremez a cédé. Elle compte aujourd’hui trois salariés. Son adresse? Celui de la Publishing Factory, au 3 rue Neuve à Lausanne… Enfin, jusqu’à tout récemment, jusqu’à ce que le Blast contacte son hôte : les 10 et 12 janvier 2022, interrogé sur ses liens avec la Publishing Factory, le Rémy Watremez a d’abord changé le jour de l’adresse de son entreprise, le 13 janvier, puis a répondu à Blast le 16 janvier en lui posant directement des questions spécifiques. Ils lui ont été envoyés le jour même. Il n’y a pas répondu.
Outre ce brusque changement d’adresse, le site de Juste Milieu présente également, bel exemple de la synergie des lieux, les annonces des autres poulains de la Cité du Marketing : Héritage Éditions, Saines Abondances, Cellaires… Son nom Le nom de domaine est affilié à Totale Santé SA. Rien de bien surprenant : parallèlement à sa vie de YouTubeur littéraire, Rémy Watremez a occupé le poste de « copywriter » « dans une maison d’édition spécialisée en santé naturelle, à Lausanne, en Suisse » – précisions fournies dans l’agenda de son ancienne école de commerce. Il a même participé à l’organisation d’un team building de la Cité du Marketing à Naples. Le vidéaste y a appris des méthodes efficaces : certaines de ses émissions sont consacrées à des pétitions à signer sur leslignesbougent.org. Par exemple pour celui : « Après le pass vaccination, le pass énergie : la pétition pour dire NON ! » »
Une peur hante le jeune homme : être assimilé à un conspirateur ou être classé dans l’extrême droite. Récemment, cependant, il a publié une vidéo dans laquelle il reconnaît un scandale derrière l’affaire dite « Balenciaga »: « Il y a très clairement une campagne publicitaire qui incite à la maltraitance des enfants », dit-il. Et d’avertir son auditoire : « [si] je me présente en politique, je vous parie tous une tarte qu’au bout d’une semaine je serai antisémite, d’extrême droite, j’ai des allégations d’agressions sexuelles, j’ai lu la biographie d’Hitler moi aussi ». je suis néo-nazi, j’ai critiqué l’Ukraine donc je suis pro-russe…. ».
Concernant ses choix politiques, Rémy Watremez se présente simplement comme un « souverainiste » sur la chaîne d’extrême droite Les Incorrigibles. Et confie se sentir « plus proche de François Asselineau que de Sandrine Rousseau ».
Rémy Watremez a de grandes ambitions pour son Just Middle. Début décembre, il fêtait les 300 000 abonnés de sa chaîne. « On espère que ce n’est que le début de l’aventure ! », a-t-il lancé avec fierté. Il s’agit de « construire un réseau » et de « créer une succession de chaînes »: « On aimerait passer à d’autres sujets : le sport, le business ». … (…) Bientôt nous ferons rapport aux artisans, aux agriculteurs, pour parler de la culture de la terre, aux artisans. »
Une rubrique bimensuelle est déjà lancée – L’Info de l’éco, en compagnie de Lucas Marchand, directeur de Vauban Éditions – et une seconde chaîne : Juste Culture. Le Youtuber enseigne également sur les interviews au format long. Et il s’est présenté avec son magazine Just Mensuel, déclinaison de ses succès vidéo, qui revendique 6 000 abonnements. Par ailleurs, Rémy Watremez prévoit de lancer un deuxième magazine « des idées » à la fin du premier trimestre 2023. « Il sera certainement catalogué très rapidement comme un magazine d’extrême droite, tant pis », prédit-il.
Vincent Laarman, lui, est parti avant l’étape. Le 12 juin 2021, il passe le relais à Aymerich Puech pour lui succéder à la tête de sa société Vivara Holding, assisté d’Eric Schorro. Un an plus tard, Laarman a liquidé son éditeur SNI le 10 mai 2022. Liquidez mais ne coulez pas. En juillet 2022, son ombre entoure un événement organisé dans le sud de l’Italie : Publishing Factory tient son « team building » annuel à Naples pendant quatre jours.
De retour en Suisse, un post sur le réseau LinkedIn est revenu sur ce bel événement, dont il a fait le bilan. L’occasion de remercier la Cité du Marketing « Aymerich Puech et Vincent ». Preuve de la présence de l’empereur Vincent à Naples ?
Quoi qu’il en soit, le serial entrepreneur est toujours là dans les coulisses de ses entreprises. Comme une mauvaise herbe, ils ne cessent de se multiplier et de se répandre. Tandis que les malades tentent des soins inefficaces dans l’espoir d’une hypothétique guérison, les gourous des lettres et des remèdes miracles s’offrent un bon moment au soleil grâce à l’argent de leur calvaire. Vincent Laarman et son alias Jean-Marc Dupuis continuent d’y écrire et d’envoyer des newsletters.
Pour séduire et séduire de plus en plus de lecteurs, immédiatement transformés en nouveaux clients.