27 janvier 2023 à 16:09 Coralie Juret
A l’appel de l’ensemble de leurs syndicats représentatifs, les généralistes libéraux ont entamé un mouvement de grève illimité de la permanence des soins ambulatoires. Ils demandent plus de moyens pour se libérer du temps de soins et protestent contre des dispositions de la loi Rist.
Luc Duquesnel (à droite) et les médecins libéraux de Mayenne ont appelé à manifester en novembre 2022
C’est un cri de colère devant l’épuisement des médecins, et les difficultés croissantes d’accès aux soins… A partir du lundi 23 janvier, Luc Duquesnel et ses confrères généralistes sont en grève pour une durée indéterminée de la clinique, à l’appel de tous leurs syndicats représentatifs.
Ils attendent le « Ségur de la médecine de ville » dans le cadre de leur nouveau contrat médical de 5 ans avec l’Assurance Maladie, afin « d’employer des assistants médicaux qui peuvent nous permettre de prendre en charge plus de patients sans travail supplémentaire, car très clairement, on ne peut plus travailler, je dirais même qu’on travaille trop », plaide le médecin mayennais. En France, un généraliste libéral travaille en moyenne 55 heures par semaine. En Mayenne, c’est 65 heures.
Assistantes médicales pour les démarches administratives, infirmières de pratique avancée pour le suivi, ces personnels pourraient libérer leur temps pour les soins, tandis que le nombre de médecins généralistes continuera à diminuer jusqu’en 2035, dont beaucoup ne veulent plus être médecins. Encore faut-il les financer. Les négociations avec l’Assurance maladie « sont à un certain point d’impasse » avec une enveloppe en hausse de 2,9%, soit moins de points d’inflation selon la CSMF.
Réquisitionner des généralistes pour remplacer les urgentistes
Le président de la branche généraliste du syndicat s’oppose également à des textes « contraires à ce que nous voulons établir et même humiliants »: la loi Rist, du nom de l’envoyé de la Renaissance qui la porte, donne la possibilité de réquisitionner des médecins généralistes pour monter la garde dans services d’urgence quand ils manquent de médecins. Le Centre Hospitalier Laval est touché en moyenne 8 nuits par mois. « Il y a une pénurie de médecins partout, et imaginez que ces médecins généralistes de Mayenne, impliqués à 91 % dans la continuité des soins, vont aussi les réquisitionner pour aller travailler à l’hôpital ! C’est scandaleux », s’indigne Luc Duquesnel, « c’est pourquoi ce n’est plus possible aujourd’hui ».
Chaque nuit, 8 médecins mayennais et 1 régulateur d’astreinte assurent les soins ambulatoires. « Par exemple, ce soir, je serai de garde en régulation. Je recevrai tous les appels du département transmis par le centre 15 à partir de 20h jusqu’à demain matin 8h. Bon, à 9h15 du matin, je vais visiter des maisons de retraite. Nous n’avons pas de vacances compensatoires », illustre le Dr Duquesnel. « Depuis le 1er janvier 2006, il n’y a jamais eu de décalage dans le planning », rappelle le président de l’ADOPS 53 (Association Départementale pour l’Organisation des Soins Permanents en Mayenne).
« Les jeunes n’arrivent pas en nombre suffisant »
Après la fermeture des cabinets les 1er et 2 décembre, et tous les samedis matin depuis la mi-décembre, les médecins généralistes ont donc organisé une nouvelle grève nationale. En Mayenne, ils ont remis les tables de garde à l’ARS et au préfet, qui a été contraint de réquisitionner 7 grévistes en Mayenne lundi soir.
Car l’attractivité de la médecine de ville est aussi un enjeu : « les jeunes se détournent du métier, et ceux qui viennent ne suffisent pas à remplacer ceux qui partent à la retraite », constate Luc Duquesnel. Quand ils ne décident pas d’exercer dans un centre de santé, où 4 médecins sont nécessaires pour recevoir les patients d’un médecin généraliste libre. « Il est urgent que les choses se mettent en route et qu’on nous donne ces fonds ».
Tous les syndicats représentatifs de la profession ont décidé de se réunir à Paris le 14 février, jour du premier débat sur la loi Rist au Sénat.