Les cas de concurrence déloyale liés à l’utilisation illégale du régime des micro-entreprises (ex-indépendants) seraient fréquents dans le secteur des travaux publics et du paysage. C’est ce qu’a demandé Nathalie Serre, députée LR pour le Rhône, dans une question écrite au gouvernement, à laquelle le ministère de l’Economie vient de répondre fin avril. « Avec leur statut, les indépendants proposent des services aux entreprises publiques », précise-t-il, assurant que ces personnes n’avaient pas toujours une formation professionnelle obligatoire, ni une assurance. « Cet ensemble d’avantages et de non-obligations en faveur des auto-entrepreneurs crée une concurrence déloyale et des pénuries de main-d’œuvre parmi les entreprises publiques dont les salariés choisissent le statut d’indépendant. Les entreprises publiques sont contraintes de se tourner vers ces prestataires de services pour sécuriser leurs chantiers en raison de problèmes de recrutement. . » Le député appelle donc les pouvoirs publics à changer de régime voire à exclure certains secteurs, comme les travaux de terrassement ou la conduite d’engins. Une demande similaire à celle récemment formulée par la Fédération française du bâtiment (FFB) et la Confédération des artisans et petites entreprises du bâtiment (Capeb) : limiter le recours au travail indépendant sur une longue durée pour le secteur du bâtiment.
Le ministère de prévoit pas de nouvelle réforme du régime
Dans une réponse écrite, le ministère précise qu’il n’entend pas réagir en rénovant le système qui, selon lui, a évolué depuis plusieurs années de telle manière qu’il ne présente plus de risque de concurrence déloyale avec les entreprises. Aux micro-entrepreneurs, la réglementation exige, avant tout, une formation professionnelle obligatoire, ainsi qu’une assurance, telle qu’une période décennale, qui doit être présentée « à l’ouverture de chaque chantier ». En raison de l’harmonisation progressive des entreprises « classiques » et des micro-entreprises dans la plupart des domaines, les pouvoirs publics ne jugent donc pas « nécessaire » de réformer le système, qui comprend, par exemple, l’exclusion de certains secteurs économiques.
« Si on vivait dans le meilleur des mondes, le régime de la micro-entreprise serait plutôt une bonne chose », commente un porte-parole de la Chambre nationale des artisans des travaux publics et du paysage (CNATP), contacté par Batiact. « Mais on assiste aujourd’hui à de nombreux excès », poursuit-il, comme la non-déclaration ou la sous-déclaration du trafic, dans un contexte où les contrôles apparaissent épars et inefficaces. Ainsi, la CNATP, à l’instar des organisations professionnelles précitées, réclame depuis la mise en place du dispositif en 2009 une « limitation dans le temps de son utilisation ». « Les micro-entrepreneurs qui jouent le jeu ne constituent pas une menace de concurrence déloyale », reconnaît pourtant la CNATP.
La FFB est récemment revenue à la charge sur ce sujet en proposant la réforme de ce régime pour les élections présidentielles et législatives. Dans l’émission publiée par l’organisation, on peut en effet lire que le dispositif ne doit pas viser à enfermer « surtout les anciens salariés dans une situation précaire qui favorise la concurrence déloyale », devenant « un piège pour une nouvelle catégorie de travailleurs pauvres ». « . « Par conséquent, il est proposé de limiter à trois ans l’exercice des activités relevant de ce régime, afin d’inscrire son caractère transitoire de tremplin à l’activité entrepreneuriale. » Un appel que le Gouvernement n’a apparemment pas entendu.