Le rapport de la Chambre Régionale des Comptes (CRC) a été rendu public le vendredi 14 octobre, pointant du doigt la manipulation d’emlyon avec une certaine virulence, même si l’organisation a pris soin de préciser que le rapport ne tient pas compte des décisions prises. depuis la fin de son travail, et surtout l’arrivée de la directrice de l’école d’Isabelle Huault à l’été 2020.
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« Les choses semblent se stabiliser, on a plutôt le sentiment que les équipes actuelles sont conscientes des points de vigilance », tempère Bernard Lejeune. « Tout n’est pas catastrophique, mais il y avait des points lourds qui nous passionnaient vraiment. C’est le bilan des vicissitudes liées à une transformation rapide et insuffisamment maîtrisée, à une gestion parfois négligée de certains dossiers », écrit-il.
Mais « au final, ce sont encore les étudiants qui paient », a répété à plusieurs reprises le président du CRC. Et assez cher.
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La rémunération des anciens dirigeants
Bernard Belletante
Ancien administrateur entré en fonction en 2014, il a continué à mener des missions après son départ en 2019 via sa société de conseil Trajecthoard, pour deux fois 60.000 euros. Un contrat qui le lie à EMG pour des conseils stratégiques sur l’hybridation, la mise en place d’une Business University et l’innovation pédagogique. La seconde avec la SCI emlyon 2022 pour des préconisations relatives à l’aménagement du futur campus de Gerland.
La chambre précise qu' »aucun document attestant de ces prestations n’a été présenté à la chambre, mais il a été établi que ces conventions avaient pour objet de compenser l’absence de rémunération des missions des membres du conseil de surveillance et du gérant de SCI emlyon 2022″. Par ailleurs, Bernard Belletante a perçu 40 000 euros au titre de la rupture de ces deux accords.
Dans sa lettre de réponse au CRC du 17 août, Bernard Belletante évoque « une pratique courante » et est « extrêmement surpris » par cette partie du rapport. «D’une part, le sujet aurait pu revenir lors de mes deux premières auditions. En revanche, ce texte a une portée diffamatoire puisque la CRC envisage une indemnisation sans motif, ajoute-t-il.
Tawhid Chtioui
Le départ de l’ancien directeur Tawhid Chtioui a également donné lieu à « un protocole de transaction douteux », selon la chambre, avec la signature, le 9 mars 2020, d’un protocole lui accordant une indemnité de 577.000 euros en lieu et place de l’indemnité spécifique de départ de 53 000 euros. Une façon « inhabituelle » de faire les choses.
Un administrateur qui percevait d’ailleurs une rémunération « très importante » avant de partir. Au titre de ses fonctions de président, elle s’élevait à 350 000 euros, auxquels s’ajoutait une rémunération variable en fonction de l’atteinte des objectifs fixés, dans la limite de 25 % de cette somme. En outre, il percevait une commission sur le chiffre d’affaires d’emlyon Africa.
« Cette rémunération dépasse largement le salaire minimum de 45 948 € de la convention collective nationale de l’enseignement privé indépendant. Elle dépasse également la rémunération de l’ancien président de 100 000 € et celle de l’actuel président de 50 000 €.
Le CRC indique que Tawhid Chtioui n’a pas voulu lui envoyer de réponse.
Le « dean Asia »
Le responsable des campus en Asie, « Dean Emlyon Asia », recruté en 2015, a signé un contrat de travail le 19 janvier 2018 qui prévoyait un salaire annuel brut de 80 000 euros et certains avantages comme le paiement des frais de scolarité de ses deux enfants . L’avenant n°3 conclu le même jour prévoit également le versement d’une rémunération variable en fonction de l’atteinte d’objectifs, jusqu’à 30 000 euros, et surtout l’attribution de diverses commissions sur le chiffre d’affaires du groupe.
La rémunération de l’intéressé en 2018 et 2020 s’est donc révélée très élevée, « ses primes dépassant plus de dix fois le salaire » souligne la chambre, mesurant que les partenariats noués par l’école « se révèlent dépendants de personnalités emblématiques ». qui ne favorisent pas une ambition de rigueur.Cette situation a conduit l’école à décider de mettre un terme au partenariat en cours conclu au Maroc.Le degré de dépendance à la structure implantée à Shanghai vis-à-vis du directeur pose également question.
2022.10 Synthèse EMLyon Business AESCRA EMG
Un passage en société commerciale « coûteux et discutable »
Le passage du statut d’association en 2018 à celui de société anonyme via la création d’EMG (Early Maker Group), a ouvert la voie à l’arrivée d’investisseurs privés, en l’occurrence Qualium. Une réorganisation « d’un coût exorbitant au regard de l’apport en capital obtenu et de son utilisation, des risques juridiques et fiscaux assumés et du risque de perte de contrôle sur la gestion de l’école par la CCI », selon la chambre.
Un coût de 8,5 millions d’euros en conseil et assurance qui semble cher à débourser pour encaisser 40 millions. D’autant que 40 millions d’euros d’apports en fonds propres de Qualium et BpiFrance n’ont pas encore été investis par EMG.
C’est à cette époque que l’activité de formation initiale, portée jusqu’à présent par l’Association de l’Enseignement Supérieur Commercial Rhône-Alpes (Aescra), est transférée à EMG, holding du groupe, « dans des termes très complexes, risqués d’un point de vue juridique et fiscal point de vue, et discutable d’un point de vue comptable ». En particulier, un échange de contreparties morales principalement lié « à la préservation de la qualité de l’école consulaire et visant à éviter une requalification fiscale ». La chambre veut comme preuve de ce qu’en 2019 la CCI et l’Aescra ont signé « avec plusieurs sociétés étrangères, un contrat d’assurance (…) contre le risque fiscal à hauteur de 135 millions d’euros ».
Par ailleurs, la Chambre estime que l’Aescra, dont l’activité a été fortement réduite, ne sert finalement qu’à percevoir la taxe d’apprentissage.
Le poids de la CCI dans le montage
Bernard Lejeune, président de la CRC, résume ainsi la réflexion de la chambre : « C’est un montage destiné à chasser plusieurs lièvres à la fois : ouvrir la porte aux investisseurs, garder facialement la majorité au capital pour la CCI… Nous essayez de combiner tous les avantages avec au moins les inconvénients possibles ».
Ainsi, la chambre considère que ce que possède CCI a été valorisé au maximum « avec un montage que nous trouvons discutable et qui permet à CCI d’avoir la majorité » dans le capital. Soit 57% en dessous de Qualium. Cependant, il est important que la CCI, au terme de l’opération de transformation juridique d’emlyon, puisse encore être envisagée pour assurer la gestion de cette dernière. Sinon, l’école perdrait son statut d’école consulaire « et donc l’homologation automatique des diplômes.
Le collège des représentants est actuellement composé majoritairement de représentants des investisseurs (sept pour Qualium Investissements et deux pour Bpifrance Investissements, sur un total de 17 membres). Il est clair que la gestion effective peut être interprétée comme étant entre les mains d’un fonds et non de CCI. « Un investisseur, quand il vient, ce n’est pas sans rémunération, ils viennent gérer l’école », s’extasie Bernard Lejeune.
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Cependant, lors de l’homologation des diplômes, la chambre s’est voulue rassurante après la réponse des autorités académiques : tant que la CCI détient la majorité du capital, il n’y a pas de risque. C’est donc le cas de l’arrivée du fonds Galileo, qui ferait conserver à CCI 51% du capital. « Mais nous ne connaissons pas les détails de l’accord d’actionnaires. »
Le CRC a tout de même souhaité lancer à nouveau « un gyrophare », rappelant que ce n’était pas le premier : en 2020 le Master emlyon avait été renouvelé pour trois ans et non cinq. Et se contente d’avoir poussé « les autorités académiques à sortir du bois. C’était fluide. Là, nous avons une réponse très claire. »
Les 26 millions d’euros de la mise à jour numérique
Logiciels abandonnés, applis inachevées… EMG a repris à l’Aescra des accords de partenariat avec IBM pour 26 millions d’euros « dans des conditions qui ne respectaient pas les règles élémentaires de la commande publique auxquelles l’Aescra était pourtant soumise ». L’objectif de ce partenariat était la transformation numérique de l’école. « La nouvelle direction de l’école a constaté son échec total » et a laissé un système « avec une sécurité affaiblie », indique le CRC. « Un marché public serait plus sain. »
Pour emlyon, c’est l’incapacité d’IBM à mettre en œuvre le plan qui est en cause, ce qui indique qu’un recours judiciaire est pendant devant la cour d’appel de Paris. Par ailleurs, un schéma directeur numérique de trois ans et de 17 millions d’euros a été approuvé fin 2020.
Les campus
Le campus au Maroc, dont emlyon a finalement décidé de quitter le site, est une aventure… Si ce type de développement international s’effectue actuellement en s’appuyant sur une structure existante, il s’est développé autour d’une seule personne : Mohamed Kabbaj. Nous faisons courir un risque plus favorable à M. Kabbaj qu’à emlyon.
Le futur nouveau campus de Gerland fait aussi tiquer le CRC, avec son budget de 114 millions d’euros et son prêt bancaire de 130 millions d’euros.