Le plus gros pollueur des eaux canadiennes a échappé aux nouvelles mesures proposées par Transports Canada pour limiter la quantité de déchets jetés par les navires de croisière. L’action du gouvernement ne suffit pas, se plaignent les groupes environnementaux.
Le rêve de croisières au large des côtes du Canada se transforme en cauchemar écologique pour l’océan, selon des études. En avril dernier, Transports Canada annonçait de nouvelles mesures destinées à limiter les eaux grises (évacuation des éviers, laveuses, baignoires, douches ou lave-vaisselle) et les eaux noires traitées (toilettes, égouts, poubelles) des navires de croisière à proximité du rivage.
Bien que les groupes environnementaux accueillent positivement les efforts d’Ottawa, certains aspects restent inachevés, a-t-il déclaré. Ils ne comprennent pas pourquoi l’eau de lavage du système de purification du carburant est ignorée par les normes en vigueur.
« Ils ont raté le coche parce qu’ils n’ont pas abordé ces sources de pollution dans les nouvelles normes », a déclaré Michael Bissonnette, avocat chez West Coast Environmental Law (WCEL).
La réglementation internationale actuelle n’interdit pas l’utilisation de carburants polluants tels que le fioul lourd pour la propulsion des navires. Cependant, pour limiter la pollution de l’air, le bateau doit être équipé d’un système d’épuration en cas d’utilisation d’un tel carburant.
Toutefois, Michael Bissonnette a souligné que cela a pour effet de déplacer le problème. Le système de traitement limite le rejet de polluants dans l’atmosphère, mais les contaminants restent dans l’eau.
L’avocat a regretté que les mesures annoncées par Transports Canada n’aient pas pris en compte ce type de déchets, alors même qu’il s’agit de l’une des plus importantes sources de pollution maritime. Selon un rapport publié par le Fonds mondial pour la nature (WWF), bien que les bateaux équipés de systèmes d’épuration ne représentent qu’un huitième de la flotte analysée, leurs eaux de lavage représentent 97 % des déchets rejetés à l’eau.
Les deux tiers de ces eaux de lavage proviennent des navires de croisière alors que les navires de croisière représentent moins de 2 % des personnes qui naviguent dans les eaux canadiennes chaque année, conclut WWF-Canada. « Les navires de croisière polluent plus que tout autre navire », déclare Michael Bissonnette.
« Ces déchets sont acides. Il contient des métaux dissous et des hydrocarbures, qui posent un certain nombre de risques pour la santé, a ajouté Sam Davin, expert en conservation marine et navigation au WWF-Canada. Cette substance est facilement absorbée par la membrane cellulaire. Cela signifie qu’ils peuvent entrer relativement facilement dans la chaîne alimentaire marine. »
Les experts disent que l’élimination des eaux de lavage du système d’égouts devrait être « immédiatement » interdite par le gouvernement.
« Approche réaliste » à l’étude
Dans un courriel, Transports Canada a indiqué que même si le ministère n’avait en effet «pas mis en place d’interdiction des eaux de lavage», Ottawa restait «déterminé» à «travailler avec l’industrie maritime pour développer des approches visant à réduire les rejets d’eau de lavage dans les eaux canadiennes à l’avenir».
Transports Canada a également déclaré qu’il « étudie l’impact de l’élimination [de l’eau de lavage] sur l’environnement » pour évaluer diverses possibilités de le réduire.
À ce sujet, Michael Bissonnette a souligné que l’utilisation de systèmes d’épuration a été interdite dans les eaux californiennes et dans le port de Vancouver. Selon lui, ce pourrait être au Canada d’introduire une réglementation plus stricte.
Nos océans ont besoin de règles fortes et robustes pour les protéger. Les personnes et la faune qui dépendent de cet environnement pour leur bien-être ne devraient pas compter uniquement sur la bonne volonté et les actions volontaires.
Sam Davin, spécialiste de la conservation marine et de la navigation au WWF-Canada
Transports Canada a précisé que jusqu’à ce que les changements proposés en avril deviennent permanents et que le Règlement sur la pollution par les navires et les produits chimiques dangereux soit modifié, « les mesures seront mises en œuvre par le biais d’un arrêté provisoire, qui a la même force que le règlement ».
Le ministère veut rendre obligatoires de nouvelles mesures environnementales pour les navires de croisière dès 2023. Si ce scénario se concrétise, il mettra fin à une pratique souvent dénoncée par les navires arrivant dans les eaux canadiennes.
Les lois concernant l’élimination des déchets peuvent varier d’un pays à l’autre. Parce que les eaux américaines ont été historiquement plus strictement réglementées, certains navires, passant par le territoire canadien, en profitent pour y déverser des déchets, d’où un rapport publié en 2021 par les organisations environnementales Stand.earth et WCEL.
Toutefois, Transports Canada a indiqué que la réglementation sur les eaux grises et noires serait plus stricte que les normes internationales établies par l’Organisation maritime internationale. « Ces mesures sont conformes à celles des États-Unis, notamment en Alaska, en Californie et dans l’État de Washington, et les dépassent dans certains cas », note le Département.
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97%
La proportion de tous les déchets rejetés dans les eaux canadiennes provient des eaux de lavage des épurateurs produites par les navires.