« C’est impossible d’avoir un rendez-vous chez un dentiste, ils ne prennent plus de nouveaux patients. Ils refusent même les enfants qui ont un traitement obligatoire. Je ne trouve pas ça normal », rapporte Manuela, 42 ans, dans un appel à témoignage lancé par la rédaction du Télégramme de Quimper. Appel qui a fait des situations terribles. Comme Aurélie, qui nous raconte qu’elle a retrouvé son ancien dentiste en Loire-Atlantique au prix d’une journée, « après une dizaine d’appels infructueux pour trouver un rendez-vous ? à Quimper ».
À 93 ans, 48 heures sans pouvoir manger
Mais dans la cité préfectorale où l’on compte plus de 50 dentistes pour environ 63 000 habitants, le tableau semble plus sombre. Yannick, lecteur de Telegram s’est interrogé sur les difficultés que sa mère de 93 ans a récemment rencontrées : « Elle vit à la maison. Nous sommes d’accord avec le médecin et l’infirmière. Où est le pincement du soulier et le dentiste », écrit-il à nous le 27 avril. « Pendant 48 heures, il s’était cassé une dent. En plus de le faire souffrir, il l’empêche, pour ainsi dire, de manger. Le praticien est injoignable. Même pas de répondeur… Tous les autres dentistes que j’ai réussi à joindre, non sans mal, refusent de nouveaux patients, même en cas d’urgence », se plaint Yannick. « Ils ont envoyé un service d’urgence au 15e, qui aura un service spécial pour les personnes âgées… à Brest, à l’hôpital du Morvan ! », a-t-il dit avant de conclure : « Le pompon va au conseil de l’ordre, à Quimper , que j’ai appelé : La personne m’a tout de suite renvoyé aux urgences de Brest, dimanche matin, même si je lui ai expliqué que ce n’était pas possible. Attendre 48 heures, ma mère mange très mal ».
Est-ce l’hallali sonné par Yannick qui a poussé le dentiste qui soignait sa mère à finalement l’accueillir au bout de deux jours ?
Tension dans le département mesurée aux urgences dentaires
Selon la direction du CHU de Brest, le positionnement restera dans la moyenne nationale en termes de démographie des professionnels de la chirurgie dentaire, soit 67 dentistes pour 100 000 habitants. « Mais notre expérience montre qu’il y a encore une pénurie dans certaines régions bretonnes », observe le CHU qui gère les urgences dentaires, devenues la dernière option pour de nombreux Finistériens.
« Pas d’évaluation des besoins »
Car, en effet, Quimper, deuxième ville du Finistère, n’est pas le seul secteur confronté à des problèmes qui s’apparentent de plus en plus à une baisse généralisée de l’offre de soins dans la région.
Premier argument de ce scénario : « Il n’y a pas de réelle évaluation du besoin en soins bucco-dentaires programmés ou urgents au niveau départemental ou de la ville », précise le CHU de Brest. « Il n’y a pas non plus d’évaluation nationale. Des travaux ont été menés dans le cadre de la grande conférence santé de 2021, mais sans réelle définition des critères pour déterminer le besoin ».
Vieillissement des dentistes et nouvelle génération
Point de vigilance dans ce contexte déjà tendu, l’âge moyen des dentistes en France (45-46 ans), dessinant une vague de départs à la retraite dans les cinq à dix prochaines années. Le phénomène semble démarrer dans le département.
Conséquence : « L’évolution des méthodes de formation par la jeune génération de professionnels n’est pas un élément favorable dans ce contexte ». Comprendre que la surcharge de travail qui s’annonce pour les nouveaux arrivants n’est pas agréable et ils veulent aussi une situation professionnelle qui respecte leurs choix d’intimité. Comme un entraînement à temps partiel.
A Brest, la faculté dentaire dit avoir « triplé le nombre d’étudiants formés en dix ans », avec des promotions actuelles de 35 et 40 : « On est en état de saturation ».
Urgence dentaire de Brest : + 123 % d’activité en cinq ans
Le nombre de visites a considérablement augmenté au fil des années dans le service des urgences dentaires du CHU de Brest, censé répondre à la demande croissante. « En heures ouvrables, en 2016, 5 037 patients ont été admis aux urgences contre 11 224 en 2021 (+123 %). En septembre 2020, le nombre de salles de soins dédiées aux urgences a doublé. En 2021, cette section représente 45% des passages. Répondant aujourd’hui à toutes les demandes complexes. En attendant, la réglementation médicale est appliquée pour choisir le traitement direct des situations qui présentent un caractère d’urgence ».