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Jeudi 27 octobre 2022 à 16h46
Les écologistes dénoncent la passivité face au changement climatique et intensifient les actions au musée. A la croisée du happening et de la désobéissance civile, ce vandalisme non violent s’inscrit dans une tradition et questionne l’art, urgent mais délicat, pour éveiller les consciences.
La menace n’est pas le portefeuille ou la vie, mais l’art ou la vie. Des militants de l’ONG britannique Just Stop Oil sont venus le 14 octobre
15 minutes de célébrité pour la cause écologique
jeté une soupe de tomates sur le van Sunflowers
De l’iconoclasme pacifiste au vandalisme non-violent
Van Gogh expose à la National Gallery de Londres, une toile protégée par du verre. Avant que la sécurité n’intervienne, les deux militants ont mis la main sur le rail et ont crié : « La flambée des prix de l’essence signifie que des millions de familles britanniques ne pourront pas réchauffer un bloc de soupe cet hiver. Seule la résistance civile peut nous avoir. sortir de cette crise – il est temps de se lever et de défendre ce qui est juste. Qu’est-ce qui a le plus de valeur, l’art ou la vie ? »
Diffusée sur les réseaux sociaux, la scène a été vue et partagée des millions de fois dans un méli-mélo de commentaires plus ou moins indignés. A tel point que la couverture médiatique récente de ces événements a depuis donné l’impression que l’action était truquée – ce week-end, c’est dans un musée de Potsdam que deux militants du groupe Letzte Generation ont mis de la compote de pommes de terre sur un tableau de Claude Monet, également protégés par du verre – même si, à l’instar de l’urgence écologique, la pratique n’a rien de nouveau. Mais pourquoi attaquer une œuvre d’art qui n’a rien à voir avec l’inactivité climatique ? La question des contempteurs, qui devrait pointer l’absurdité de la démarche, tombe peut-être exactement là où ces écologistes veulent nous emmener : dénoncer le « double standard » entre l’émotion suscitée par le geste et les quelques réponses qu’évoquent les dégradation. L’art délicat de la sensibilisation, à la limite de l’événementiel et de la désobéissance civile.
« Qu’on le veuille ou non, notre campagne ‘Soup and Sunflowers’ a suscité un débat dans le monde entier. Combinant Warhol, Van Gogh et Mary Richardson, Phoebe et Anna [les deux militantes de cette action] ont énervé des millions de personnes. »,
communique l’association Just stop oil sur ses réseaux sociaux. En amont des procédures de légitimation, qui se concentrent principalement sur l’efficacité de ce type d’actions pour pointer du doigt l’urgence de la crise climatique (en l’occurrence, l’exigence de mettre fin à l’utilisation massive des hydrocarbures), les militants inscrivent leur démarche dans un double filiation : celle de l’histoire de l’art et celle de la désobéissance civile.
Mais qu’est-ce que cette action a à voir avec l’art ? En effet, on peut y penser
Andy Warhol, pour le motif de la marmite de soupe qu’il a apporté au musée – les esthètes les plus pointilleux auraient préféré que la soupe enduite sur l’œuvre de Van Gogh soit un Campbell et non un Heinz – mais peut-être plus pour le « quart » prophétique de une heure de gloire » et des médias brillants qui pourraient inciter ces jeunes militants à médiatiser leur cause, selon les diktats du prince du pop art.
De l’efficacité des actions militantes en terrain artistique
S’il s’est propagé, leur appel a-t-il été pris au sérieux ? Suite à l’émoi des internautes, plusieurs médias ont plutôt commencé à s’interroger sur le niveau de surveillance des musées pour prévenir ces incidents. En effet, à croire que l’image des chiffons dégoulinants est plus choquante que celle des devantures peintes d’un concessionnaire Aston Martin que des militants Just stop oil ont attaqué la même semaine ; cela semble plus « injuste ». Cependant, nous avons pensé depuis lors
Walter Benjamin, que le rayonnement de l’art, ce rayonnement donné aux œuvres et qui impose une certaine distance à celui qui la regarde, une attitude de contemplation respectueuse, a disparu, mis en crise par les techniques de reproduction mécanique des œuvres et leur nouvelle chaînes médiatiques. Il aura donc fallu attendre la destruction de la planète pour remédier à la perte de cette aura chez des conservateurs soudain friands d’art, dénoncent ces jeunes militants. « Le monde traverse une catastrophe climatique, et tout ce qui vous intéresse, c’est la soupe aux tomates ou la purée de pommes de terre sur un tableau noir »,