Reportage au CHU de Bordeaux : les urgences ont passé l’été dernier ?

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Par Isabelle Castéra – i.castera@sudouest.fr Publié le 25/08/2022 à 17:54 Mis à jour le 25/08/2022 à 18:02.

Les services d’urgence en Gironde ont été les plus touchés par les tensions en Nouvelle-Aquitaine. Pour contenir le flux de patients qui convergeaient vers le CHU de Bordeaux, la régulation du centre 15 était indispensable. Signaler

Il est 19 heures sur le plateau médical réglementaire de Gironde, situé à deux pas des urgences adultes de l’hôpital Pellegrin du CHU de Bordeaux. On entend un bourdonnement, un bruit de fond continu, sans arythmies. Tout le monde est tendu devant des écrans en croissant, casque dans les oreilles, sans aucun temps d’arrêt. Ce soir, ils sont une quarantaine pour répondre aux urgences dans toute la Gironde. Sept médecins, une trentaine d’assistants médicaux réglementaires (ARM), tous scotchés à leur fauteuil, réunis par une même mission : « Ne ratez surtout pas une urgence absolue, un cas grave qui…

Il est 19 heures sur le plateau médical réglementaire de Gironde, situé à deux pas des urgences adultes de l’hôpital Pellegrin du CHU de Bordeaux. On entend un bourdonnement, un bruit de fond continu, sans arythmies. Tout le monde est tendu devant des écrans en croissant, casque dans les oreilles, sans aucun temps d’arrêt. Ce soir, ils sont une quarantaine pour répondre aux urgences dans toute la Gironde. Sept médecins, une trentaine d’assistants médicaux réglementaires (ARM), tous scotchés à leur fauteuil, réunis par une même mission : « Avant tout, ne pas rater une urgence absolue, un cas grave qui serait mal évalué », observe le professeur Philippe Revel, chef du service des urgences pour adultes et Samu.

Nous sommes au pic, aux heures les plus critiques, mais étrangement tout semble maîtrisé, assez calme. Pourtant, même là, la concentration est palpable sous les casques fermés, les appels se nouent. « Première exigence, note Yohan, répartiteur, décrocher dans les 30 secondes, on ne peut pas laisser les gens rester au téléphone, en cas d’urgence vitale. » Voici en relation avec l’appel à l’aide d’un octogénaire. Il vit à Bordeaux, donne son identité, son âge et son adresse, puis décrit ses symptômes : « Suffocation, sensation d’oppression dans la poitrine, picotements dans les pieds et les mains, transpiration. Yohan écoute calmement. « Je vais vous mettre en relation avec un médecin régulateur qui vous enverra certainement une ambulance, ou SOS Médecins. Ne bougez pas et ne vous accrochez pas… »

« Du sang froid et de l’empathie »

En quelques clics, Yohan a transmis les éléments à un médecin, qui d’un poste voisin a saisi son téléphone. Il est alors en mesure d’évaluer l’état de santé du patient, sans tout répéter. Très calmement, il annonce qu’il envoie une ambulance du Samu chez lui. « On ne prend aucun risque, elle a un passé », explique-t-il.

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Juste derrière cet appel, il s’occupe d’un autre cas, une femme de 38 ans paniquée. Elle est enceinte, infectée par le Covid-19 et souffre d’une détresse respiratoire de plus en plus problématique. Il habite une commune du Libournais. « Ce soir même, j’enverrai chez vous un médecin qui mesurera votre capacité respiratoire. Il vous conseillera en conséquence. Je suis sûr que vous serez calme. »

« Sang-froid et empathique », résume Yohan. Nous pouvons tout entendre, mais nous devons rester stoïques et envoyer de bonnes vibrations. D’un autre côté, certains appels s’avèrent également très difficiles pour nous, et à ce moment-là, nous devons faire une pause, pour prendre l’air pendant 5 minutes. »

Un garçon de 9 ans est tombé d’un trampoline à Saint-Médard-en-Jalles, il ne peut plus se relever. Fracture, luxation ? Une ambulance du Samu est dépêchée sur place par le médecin régulateur. Un homme du centre de Bordeaux est à terre, saignant du crâne. Une fille de Ludon fait une crise d’angoisse. Ici, là, d’un poste à l’autre de la plate-forme réglementaire, blessures, oppression thoracique, dépression nerveuse, décompensations psychiques.

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Précieuse régulation

« La réglementation mise en place à Bordeaux avant l’été, a permis de faire baisser la pression dans les urgences adultes de Pellegrin », précise le professeur Revel. 20 à 30 % de moins. C’était essentiel et nous a permis de passer l’été. Pourtant, nous avons travaillé dans de mauvaises conditions, les équipes sont épuisées. Tous les services d’urgence du département ont été touchés cet été par des difficultés d’embauche, plusieurs fermant temporairement. C’est nous qui avons récupéré les patients, assuré les réorientations. »

En effet, les urgences de la polyclinique Tondu à Bordeaux, par exemple, ferment tout le mois d’août, la polyclinique Rive droite Bordeaux plusieurs soirs par semaine, les urgences de l’hôpital Robert Picqué à Villenave-d’Ornon fonctionnent au moins avec un médecin unique, comme la clinique mutuelle de Pessac, Blaye aussi… « Tout se passe ici, mais la régulation, qui compte une équipe de 70 ARM, 25 médecins hospitaliers et 20 de commune, a gardé le même personnel, reprend. Professeur Revel, petit cet été. Les médias devront être interrogés. Désormais, les urgences seront toujours réglementées, il n’y aura plus de retour en arrière. »

Pendant ce temps, la salle d’urgence pour adultes de Pellegrin afflue de patients. De nombreuses personnes âgées, d’autres accompagnées de proches attendent devant l’entrée, qu’une infirmière évalue leur état. « Nous avons encore des gens qui viennent pour des piqûres de moustiques », a déclaré un gardien. Pourtant, le professeur Revel assure qu’aucun patient n’a été oublié sur une civière cet été.