Après la liquidation judiciaire du constructeur et de ses filiales, dont Maisons Phénix, ce couple se retrouve avec un projet de maison qui vient de démarrer, en Seine-Maritime.
Par Isabelle Villi
Publié le 25 juillet 22 à 7h12
Fin juin 2022, la liquidation judiciaire judiciaire de Geoxia, le groupe propriétaire des marques Maisons Phénix, Maison Castor et Maison Familiale, a été prononcée.
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Des constructions à l’arrêt pour 3 600 clients
Un coup dur pour les 1 100 salariés de l’entreprise, mais aussi pour les nombreux propriétaires qui ont entamé des travaux sur leur logement, sans savoir s’ils pourront être achevés. A ce jour, 1 600 chantiers de maisons individuelles à travers la France sont à l’arrêt.
« C’est avec beaucoup d’émotion que la dernière page du livre vient d’être écrite… Le tribunal de commerce de Nanterre a statué ce jour, ordonnant la liquidation du groupe Geoxia. En 76 ans, nous avons aidé des centaines de milliers de familles à construire leur maison et nous l’avons fait avec passion. Merci pour votre confiance. Nous savons que l’histoire continue pour près de 3 600 clients et nous ferons tout notre possible pour faciliter la poursuite de la construction par les représentants légaux et les garants. «
Seule la dalle de leur maison a été construite
C’est par ce message posté par les salariés de la Maison Familiale sur les réseaux sociaux, le 28 juin 2022, que les clients ont reçu la confirmation que leur projet de construction échouait ou qu’il risquait de subir de sérieux retards… avec toutes les contraintes financières problèmes, que cela augure bien.
C’est le cas d’Élise et Damien Votte qui se sont laissés tenter par une offre sur Facebook publiée par le constructeur Maison Familiale, groupe Geoxia, pour un terrain et une maison, sur la commune du Mesnil-Raoul, près de Rouen (Seine Maritime).
Aujourd’hui, ils constatent, déçus, que seule la dalle de leur maison a été construite et s’interrogent sur l’avenir de leur projet. « Je viens de cliquer sur un Like sur une annonce postée sur Facebook et un vendeur a immédiatement pris contact », se souvient Damien.
Les choses se sont mises en branle et comme ils avaient des projets de construction pour que leurs enfants aient de l’espace et un jardin, ils n’ont pas hésité longtemps.
Nous louons actuellement à Grand-Quevilly. Nous avions déjà un premier projet à réaliser, mais le prêt ne nous a pas été accordé. Alors, on s’est dit que cette fois était la bonne.
Rembourser un prêt tout en payant un loyer ?
La jeune femme essaie de garder le sourire mais se sent inquiète pour les prochains mois.
Comment feront-ils, en effet, dans quelques mois, lorsqu’il s’agira de rembourser l’hypothèque, alors que la maison est loin d’être terminée et qu’ils devront aussi payer le loyer ?
Lors de la souscription d’un crédit immobilier un délai est indiqué pour la réalisation des travaux et au-delà, les personnes ayant contracté ce prêt doivent commencer à le rembourser.
Une échéance qui donne des insomnies au couple. D’autant plus qu’Élise et Damien ont déjà commencé à payer mensuellement les charges provisionnelles, ces taxes qui sont dues jusqu’à la dernière demande de fonds par le constructeur, lorsque la maison est achevée et les clés remises.
Le couple voit, avec tristesse, toutes les autres maisons du lotissement autour de leur terrain, en construction à grande vitesse, certaines même déjà habitées.
Le « projet d’une vie »
Nous n’avons pas eu de chance, nous avons parié sur le mauvais fabricant.
Dès l’ouverture du chantier en 2021, des accidents se sont produits avec le changement de maîtres d’œuvre. « Nous en avons eu trois différents depuis le début », indique le couple qui a ensuite manqué de chance, avec l’arrivée de la pandémie de Covid-19 qui a ralenti les travaux, puis, plus récemment, les problèmes d’approvisionnement en matériaux. la guerre en Ukraine…
Du coup, le chantier a été retardé, jusqu’au jour où Émilie et Damien ont appris, comme de nombreux autres clients de Geoxia, que le constructeur avait été placé en redressement judiciaire. Douche froide pour le couple, qui avait tout misé sur ce « projet d’une vie ».
L’engagement des assurances…
Aujourd’hui, ils ont encore un an pour espérer que leur construction soit achevée : 2023 est la date à laquelle la maison devrait être terminée et c’est à ce moment-là qu’ils devront respecter les délais de remboursement. « Je n’y crois pas, c’est trop peu d’échéance », craint la jeune femme. Leur seul espoir : que les assureurs tiennent compte de la situation et qu’ils ne perdent pas trop d’argent dans l’affaire.
Mais encore une fois, ils savent qu’ils ne sont pas seuls dans cette situation et c’est le flou le plus complet pour l’instant.
Nous n’avons plus aucun contact avec le fabricant. Nous n’avons que l’assureur Imhotep.
Imhotep, un assureur en difficulté
Là où la situation se complique, c’est que l’assureur en question est une filiale du groupe Geoxia. Pour moi, Guillaume Berton, avocat strasbourgeois qui traite du droit de la construction, cela ajoute une particularité (pour ne pas dire une difficulté) au dossier.
« Souvent, la construction et l’assurance sont des activités distinctes. Alors, si votre constructeur fait faillite, un assureur se charge du reste des travaux», résume l’avocat.» Cela a moins de sens si la liquidité de l’assureur dépend du même groupe que le constructeur. A mon sens, Geoxia a en quelque sorte contourné l’esprit de la législation, avec un assureur interne pourtant agréé. «
« Il n’y a pas de raison de douter des garanties à ce stade »
Cependant, les capacités financières d’Imhotep Assurance posent question. Il manquerait à l’entreprise plus de 50 millions d’euros pour achever les travaux qu’elle fournit dans le cadre de la garantie d’achèvement, révèle le magazine professionnel L’Argus de assurance, dans un article daté du 7 juillet 2022.
Cependant, « il ne faut pas non plus trop paniquer », estime M. Berton. « Il y a des rumeurs, mais l’administrateur intérimaire s’est montré plutôt rassurant dans ses dernières déclarations. Il n’y a aucune raison de douter des garanties à ce stade. «
Sur son site internet, Imhotep Assurances se veut rassurant : « Suite à la décision de liquidation de Geoxia Maisons Individuelles, Imhotep Assurances met tout en œuvre pour assurer une livraison dans les meilleures conditions possibles ». Une raison d’espérer que les choses s’arrangeront pour Émilie et Damien ?
Mettre en demeure l’assureur, voire saisir la justice
Pour le moment, les usines de production de matériaux Geoxia, financées par l’Etat pour mener à bien les projets en cours, restent ouvertes, apprend-on dans Le Figaro.
Si leur chantier s’est arrêté, les clients doivent « commencer par contacter leur assureur en lui disant d’intervenir par lettre recommandée, c’est le plus important », poursuit Me Berton. Dans le cadre du contrat de construction d’une maison unifamiliale, l’assureur doit « achever la construction au prix et dans les délais convenus ».
« S’il y a des frais supplémentaires, c’est à la charge de l’assureur », souligne M. Berton. Bien qu' »il y ait généralement une franchise de 5% sur le coût de construction que les clients doivent payer ». De plus, si les délais sont dépassés, « des sanctions de retard pourront être demandées à l’assureur », précise l’avocat.
Si effectivement l’assureur ne se manifeste pas ou refuse de prendre en charge, il faudrait saisir la justice pour obtenir l’exécution des prestations sanctionnées.
Le combat du couple Votte est donc loin d’être terminé, mais l’espoir demeure de voir leur maison terminée et de ne pas perdre trop d’argent. Une affaire que nous ne manquerons pas de suivre…