Sailcoop : Un nouveau rapport au temps avec des sorties régulières en voilier

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Written By Sophie Ledont

Rédactrice passionnée qui a vécu dans plus de 25 pays toujours à la recherche de la dernière information.

Ils sont trois. Rêveurs, idéalistes, militants ou simplement ambitieux, Maxime de Rostolan, Maxime Blondeau et Arthur le Vaillant se sont donné une mission en créant Sailcoop pour permettre à tous ceux qui veulent voyager autour du monde d’avoir une option sans carbone.

Offrir une alternative au transport carboné

Offrir une alternative au transport carboné

Les options sans carbone, tout le monde en parle. Très simplement, ce sont des modes de transport qui n’utilisent pas d’énergies fossiles. Gaz, fioul ou – dans une moindre mesure – électricité, toutes ces énergies viennent de nos sous-sols et produisent leur lot de polluants.

Si le transport par cargo à voile est déjà une réalité avec des exemples comme Grain de Sail, le transport de personnes par ce moyen n’en est qu’à ses balbutiements. Et pour cause, les temps de transit sont rallongés (compter une vingtaine de jours pour traverser l’Atlantique en voilier pour une dizaine d’heures en avion), le confort peut être incertain et nous avons tous été élevés dans les voyages quasi instantanés.

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Tout est parti d’un questionnaire sur les réseaux sociaux

Tout est parti d'un questionnaire sur les réseaux sociaux

Maxime Blondeau nous présente ce projet qui a commencé par un questionnaire sur les réseaux sociaux. « Plus d’un millier de personnes nous ont répondu » débute-t-il « Nous avons été surpris de constater que les répondants étaient autant demandeurs de trajets courts [NDLR : de la métropole vers la Corse] que de plus longs [NDLR : de la métropole vers Antilles]. Nous pensions que ce mode de transport à la voile serait à privilégier pour les trajets courts. Le constat a donc été qu’il fallait proposer une alternative ».

Le principe de Sailcoop était né. Proposer une vraie alternative était une chose, encore fallait-il mettre la mission en musique. Pour cela, les 3 fondateurs se sont fixé 3 promesses pour atteindre leurs objectifs :

Toute jeune entreprise

Toute jeune entreprise

C’est précisément avec ces ambitions qu’une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) a été créée le 13 octobre 2021 à Vannes. Le principe de la société coopérative est bien connu, c’est celui qui oriente généralement nos mutuelles de santé. Chaque membre est un membre qui dispose d’une voix. Quel que soit son niveau d’implication financière dans la structure, il dispose d’une voix unique dans la gestion de l’entreprise. Cette direction est, en outre, animée par un conseil de surveillance, que les fondateurs ont voulu composé de personnes compatibles avec leurs démarches d’une part, avec l’environnement concerné d’autre part.

Maxime Blondeau nous explique : « Le conseil de surveillance représente une obligation légale dans les sociétés coopératives. Dans notre cas, il réunira tous les acteurs du territoire (communes, départements ou associations) d’une part et les membres de la société actifs dans le territoire. le domaine nautique d’autre part. Ce seront des marins de renom, des entrepreneurs, des propriétaires de bateaux ainsi que des professionnels du nautisme. L’idée est d’avoir un conseil qui sera actif et capable de proposer des solutions en phase avec le terrain. »

L’actionnariat de la société est simple. Le capital est ouvert et tous les futurs clients, à l’image de ce qui se fait avec l’assurance maladie, seront effectivement propriétaires d’actions. « Les personnes physiques et morales peuvent devenir actionnaires de Sailcoop, pour 10€ par action. Nous ferons un appel de fonds dans les 12 prochains mois » poursuit Maxime Blondeau, qui insiste « Le principe d’une société coopérative réduit l’enrichissement en risque des seuls actionnaires. Il exige, en effet, qu’au moins 58% du surplus soit réinvesti dans la structure pour son fonctionnement.

Trop de bateaux dorment dans les ports 

Trop de bateaux dorment dans les ports 

Le modèle d’exploitation de Sailcoop suppose que les 210 000 yachts de plaisance présents en France passent 97% du temps sur l’eau. Autrement dit, une réserve de bateaux déjà existants pouvant servir au transport de passagers. C’est précisément cette réserve que vise Maxime Blondeau comme autant de transporteurs pour les futurs utilisateurs de Sailcoop.

« En France, il n’est pas possible qu’un plaisancier soit rémunéré pour le transport de passagers. C’est le service que nous allons proposer. D’un côté, les propriétaires mettront leurs bateaux à disposition de la coopérative », de l’autre des passagers qui ont des besoins de déplacement . Et entre-temps, en tant qu’intermédiaire, nous proposerons des skippers professionnels, formés et compétents qui prendront la barre de ces bateaux pour transporter des passagers. »

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Ce sont 3 types de navigation proposés par Sailcoop. Dans une flotte de plusieurs bateaux, direction les Caraïbes, les Amériques ou encore l’Afrique. Routes ouvertes ensuite, selon un modèle collaboratif dans lequel passagers et capitaines s’accordent sur une route. Enfin, des lignes régulières qui, comme les compagnies de ferries, rejoindront la Corse, les îles britanniques ou les îles côtières françaises.

« L’offre sera déclinée en 4 niveaux de confort » explique Sailcoop « De modestes monocoques de 6 couchages à des bateaux de course géants rénovés offrant quinze couchages. »

Le principe de temporalité, toujours privilégié, restera un élément important dans la stratégie de Sailcoop. Les bateaux ne quitteront leur port d’attache qu’une fois leur nombre potentiel de passagers atteint.

C’est aussi le talon d’Achille de la solution. En effet, cette limite est facilement levée sur les lignes très sollicitées, par exemple Calais – Douvres. Cela peut devenir un obstacle à l’utilisation sur des lignes plus confidentielles. Les passagers sont-ils prêts à devoir parfois attendre plusieurs jours qu’un bateau se remplisse avant de prendre la mer ?

Le principal concurrent de Sailcoop sera sans doute les lignes régulières de ferries « à l’ancienne », qui, parce que leur modèle économique est basé sur l’encombrement total (moyenne d’occupation acceptable) peuvent accepter des trajets avec des bateaux à moitié pleins. Ils garantissent ainsi la régularité que n’offre pas un modèle comme celui de Sailcoop.

Si les premiers utilisateurs séduits par la plateforme le font consciemment, qu’adviendra-t-il des suivants, séduits par l’aventure mais limités par l’activité professionnelle, qui ne laisse que 5 semaines de congés payés par an ?

Premiers tests prévus

Maxime Blondeau explique que les premières traversées ne dureront pas longtemps : « En raison d’une météo défavorable, nous n’avons pas pu réaliser la traversée prévue pour la Toussaint 2021. Avant de commercialiser la première traversée, nous avons déjà près de 1 700 manifestations d’intérêt pour des traversées transatlantiques. » dont le prix sera d’environ 2 000 € par personne ». Ce montant comprend la présence à bord et toutes les prestations hôtelières. La traversée vers la Corse, sortie du continent, coûtera environ 150 € par passager.

Concernant les dates, « la première transat devrait avoir lieu soit en janvier 2022, soit pour l’été, tandis que la première traversée vers la Belle Ile aura lieu au début du printemps 2022 » précise le responsable.

Parlons chiffres et projections : « En 2024, nous visons une flotte de 500 bateaux, capables de couvrir 4 lignes régulières et 2 flottes transatlantiques par an. Nous voulons transporter, cette année-là, 30 000 passagers et économiser 50 000 tonnes de CO2. . »

Plus de deux tiers d’usagers n’ont jamais dormi sur un bateau

Plusieurs questions subsistent sur le projet Sailcoop, dont l’une est certainement plus problématique, celle de l’habitude maritime des futurs passagers des navires. L’image d’Epinal de la transatlantique à bord des cargos fait rêver. Une transition brutale sur un bateau de croisière nettement moins encombré.

D’autant que, comme nous l’explique Maxime, « 70% des demandes transatlantiques sont faites par des personnes qui n’ont jamais dormi sur un bateau ». Que se passera-t-il si par hasard les passagers embarquant pour vingt jours en mer ont des difficultés à rouler et à tanguer ? Il est difficile de concevoir des solutions de rapatriement. Dois-je suivre une formation passager avant de pouvoir embarquer sur un bateau affrété par Sailcoop ?

Transition écologique vs réalité du transport

La transition écologique a besoin d’expérimentations et de tests. Évidemment, Sailcoop reste une idée louable pour comprendre le voyage dans son essence principale, pour se rendre d’un point A à un point B tout en profitant de l’instant. L’éloge de la lenteur, du bien-être et du plaisir de l’instant représentent autant d’éléments que le projet permettra de retrouver et c’est positif, pour la planète comme pour ses habitants.

L’une des difficultés sera de réussir à démocratiser cet usage d’une part et de déceler un point d’équilibre financier attractif pour les armateurs, les skippers professionnels et les passagers. Un passager malade sur un court passage peut-il survivre aux 20 jours d’un passage transatlantique ?

En 2021, chaque geste compte pour réduire notre impact sur la planète, et Sailcoop en fait sans aucun doute partie pour ses futurs clients qui ont déjà franchi le pas pour transformer leur façon de consommer les voyages.