Somfy : « Notre métier repose sur des tendances fortes »

Photo of author

Rédactrice passionnée qui a vécu dans plus de 25 pays toujours à la recherche de la dernière information.

Le spécialiste de la maison connectée affiche une nouvelle fois des résultats 2021 remarquables. Pierre Ribeiro, PDG de Somfy, nous explique quels sont les relais de croissance du groupe et comment il fait face à la pénurie de composants électroniques et à la hausse du prix des matières premières. Il nous donne également des perspectives pour 2022 et à moyen terme.

Vous venez de publier vos résultats annuels. Quelles sont les lignes générales ?

Pierre Ribeiro : L’exercice écoulé s’est une nouvelle fois révélé atypique, marqué par une croissance de 15,7 % du chiffre d’affaires à données constantes, jusqu’à 1,5 milliard d’euros, et par la continuité d’une rentabilité opérationnelle élevée, de 20,4 %, proche de celui de 2020 (20,7%). Preuve du dynamisme du marché, nos ventes ont augmenté de 23,1% par rapport à 2019 en données publiées, année de référence avant le déclenchement de la crise sanitaire, et toutes les zones géographiques sauf l’Europe de l’Est, ont contribué à ce comportement. Enfin, le bénéfice net a été de 259,4 millions, soit 21,8% de plus.

Quelles sont les tendances qui soutiennent la croissance de Somfy ?

P. R. : Notre activité repose sur trois tendances fortes, observées en 2020 et confirmées l’année dernière. En quête de plus d’espace, après les périodes de confinement, les ménages quittent les centres-villes des grandes agglomérations pour s’installer dans des villes moyennes ou à la campagne. Le nombre de transactions immobilières a augmenté de 17% l’an dernier. Or, un déménagement est l’occasion pour les ménages de réaliser des travaux d’aménagement et de modernisation dans leur nouveau logement. Cela signifie désormais plus de connectivité à la maison.

Avec la crise sanitaire et l’émergence du télétravail, les gens ont redécouvert leur intérieur et créé des espaces de travail. Ils souhaitaient investir dans l’amélioration du confort de leur maison, devenue un havre de paix. L’automatisation répond à ces besoins pour un intérieur sain et confortable.

Enfin, les citoyens ont pris conscience de l’enjeu des économies d’énergie, notamment pour lutter contre le réchauffement climatique dont l’urgence n’est plus à démontrer. Le bâtiment représente 35 % des émissions de gaz à effet de serre et 40 % de l’énergie consommée en Europe. Nos solutions de protection solaire, qui font des économies chaque saison, ont vu leurs ventes progresser de plus de 25 %. C’est un mouvement généralisé qui touche tous les pays, soutenu par de nombreuses subventions en Europe. Les ménages avaient également accumulé une épargne forcée pendant les périodes de confinement, qu’ils utilisaient pour équiper leur logement. La hausse actuelle des prix de l’énergie devrait également soutenir ce mouvement.

Mais la pénurie de composants électroniques et la forte hausse des prix des matières premières ne vont-elles pas contrecarrer cette évolution ?

P. R. : Ces trois phénomènes existaient déjà avant la crise sanitaire, mais celui-ci les a accélérés. Ce sont des facteurs de croissance forts pour le groupe. Il est vrai que cette forte demande a mis la pression sur nos clients, qui peinent à y répondre en raison de problèmes d’effectifs, et sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. Nous avons dû faire face à la hausse des prix des transports et des matières premières et à la pénurie de composants électroniques. Cette situation nous a fait perdre trois points de croissance. Les commandes sont toujours en attente, mais seront livrées avec un retard.

Nous avons également lancé un plan de « reengineering » de nos produits afin de pouvoir remplacer certains composants par des composants de nouvelle génération sur lesquels les constructeurs concentrent désormais leurs investissements. Grâce à ce travail, commencé il y a un an, nous devrions sortir de cette difficulté d’approvisionnement à la fin du premier semestre de l’année, et récolter les fruits de tous ces investissements. Enfin, des hausses de prix ont été approuvées l’an dernier pour compenser la seule augmentation du coût des matières premières.

Votre marge opérationnelle est restée à un niveau élevé l’année dernière. Comment l’expliquez-vous ? Pensez-vous maintenir ce niveau de rentabilité cette année ?

P.R. : C’est une bonne nouvelle. Elle est le fruit de la croissance soutenue de notre activité, qui permet, par un effet volume, de mieux amortir les frais fixes, mais aussi les économies liées à la crise sanitaire. Comme en 2020, nos frais de déplacements, séminaires collaborateurs, événements clients ont malheureusement été réduits. Ces économies non structurelles ne sont pas destinées à durer. Cette performance exceptionnelle est contextuelle. Nous devrions revenir à un niveau de marge normalisé, restant au-dessus de la marge dégagée en 2019 de 17 %. D’autant que le groupe reprendra ses investissements en 2022.

À Lire  Daikin et Somf améliorent la performance énergétique de la maison

Le conflit en Ukraine affectera-t-il votre entreprise ?

P.R. : Très faible. Notre chiffre d’affaires en Ukraine et en Russie représente moins de 1% de nos ventes totales. Nous avons suspendu notre activité en Ukraine et toutes nos activités commerciales avec la Russie. Le groupe n’a pas non plus d’exposition directe aux fournisseurs. Notre priorité est d’essayer de sécuriser notre personnel en Ukraine et de soutenir nos équipes en Russie.

Notre vigilance porte également sur les conséquences de ce conflit à moyen terme. Elle pourrait conduire à des pressions inflationnistes durables sur les matières premières, qui seront plus difficiles à absorber. Ils pourraient aussi réduire le pouvoir d’achat des ménages, et en corollaire, avoir un impact sur leur consommation. Nous pourrions faire face à une demande limitée en raison de l’inflation.

Quels sont vos objectifs pour l’exercice en cours ? Et à moyen terme ?

P. R. : Notre objectif est d’accélérer la transformation digitale du groupe, d’augmenter les capacités de notre outil de production, d’adapter notre logistique, de déployer le progiciel de gestion SAP, etc. Nous avons déjà beaucoup investi dans nos moyens de production et sommes en mesure de réagir. à la demande. Mais nous voulons pouvoir suivre la croissance de la consommation et nous allons investir dans nos usines pour augmenter notre capacité de production.

Notre portefeuille de marques sera également simplifié pour mieux répondre aux attentes des clients et à nos enjeux stratégiques.

D’un point de vue économique, notre activité devrait encore progresser cette année. Les hausses tarifaires opérées en début d’année correspondent à une croissance embarquée de 4%, à laquelle, nous l’espérons, s’ajoutera la même dynamique qu’avant la crise, c’est-à-dire une croissance de 5 à 6% . A plus long terme, notre ambition est d’accélérer la croissance organique au-delà de ce niveau normalisé.

Je viens de faire un petit achat. Les marchés s’attendent à un accord plus important. Quelle est votre stratégie là-dessus ? Quels pays et segments ciblez-vous ?

P. R. : En effet, nous avons signé un accord pour acquérir la société italienne Teleco Automation, leader spécialisé dans les systèmes d’éclairage et d’automatisation pour pergolas. C’est un marché dynamique avec une croissance d’environ 20 %.

Ce type d’acquisition nous permet de migrer de nouveaux produits vers le protocole IO de Somfy et ainsi contrôler toute la maison avec une seule Box, mais aussi d’optimiser l’expérience client. Plus d’un million de foyers, et plus de dix millions d’objets, sont connectés à nos box.

Acquérir une entreprise exerçant le même métier semble impossible en Europe pour des raisons de concurrence. Nos récentes acquisitions, Teleco Automation, mais aussi Répar’stores, qui propose un service de réparation de stores, répondent à l’objectif assigné d’apporter plus de valeur à nos clients. Nous recherchons des marchés, des canaux de distribution, des territoires où nous pouvons conquérir la position de leader. Nous sommes convaincus que des acquisitions sont possibles et nous nous y préparons. Mais les fichiers tardent à se matérialiser.

Pourriez-vous restituer une partie de votre argent aux actionnaires, en raison d’objectifs manquants ?

P.R. : Pas pour le moment. Notre ambition est d’utiliser notre trésorerie pour soutenir la croissance du groupe.

Quels sont vos engagements climat ?

P. R. : Nos engagements en matière de développement durable s’articulent autour de trois piliers. Nous voulons réduire l’empreinte carbone du groupe de 50% en 2030 par rapport à 2019. Cela se réfère à la fabrication de nos produits mais aussi à leur consommation énergétique tout au long de leur cycle de vie, sachant qu’ils sont toujours en veille. Nous visons également un taux de 100 % d’électricité d’origine renouvelable d’ici 2030 contre 40 %* aujourd’hui. Enfin, nos produits labellisés écoconception « Act for Green » doivent représenter l’intégralité de notre production d’ici la fin de la décennie contre 61,5% aujourd’hui. En d’autres termes, nos produits doivent avoir moins de matériaux, être réparables, fabriqués avec des matériaux recyclés et facilement recyclables.

Surtout, nos produits génèrent bien plus d’économies d’émissions que leur propre empreinte carbone. En France, par exemple, ils accordent deux fois plus d’avantages qu’ils n’en refusent.

Quels sont les grands principes de votre politique de distribution ?

P. R. : Notre stratégie repose sur une politique de croissance à long terme. Notre retour aux actionnaires n’est donc pas très élevé. Notre taux de distribution est d’environ 30 %. Le dividende reflète la performance de l’entreprise. Pour 2021, et sous réserve de l’approbation de l’assemblée générale, il a été fixé à 2,15 euros, soit 16,2 % de plus, proche de la croissance de l’entreprise. Nous restons concentrés sur notre approche à long terme.