Un nouveau port de luxe à Nice ? Les avis divergent

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Written By Sophie Ledont

Rédactrice passionnée qui a vécu dans plus de 25 pays toujours à la recherche de la dernière information.

Le cap est clairement tracé : le port de Nice est en cours de reclassement et penche vers les yachts de luxe. Les permis de construire doivent être déposés « en début d’année prochaine » pour « avancer vite » alors que l’industrie est en plein essor, précise Olivier Bettati, nommé chef de la « mission portuaire » par le maire Christian Estrosi, justifiant cette direction présumée.

Pourtant, ce plan de navigation ne cadre pas du tout avec la résistance du militant écologiste contre le conseil municipal. La présidente du groupe Juliette Chesnel-Leroux veut éviter à tout prix « que le port soit sacrifié sur l’autel du tourisme de luxe ».

POUR. Olivier Bettati: « Une économie qu’on ne mesure pas »

Pourquoi ce choix de privilégier l’industrie du luxe dans le port ?

Il existe une réelle demande qui générera des revenus et ce regain de dynamisme paiera tous les développements. J’ai élaboré un business plan dans lequel la nouvelle société portuaire – à laquelle seront affiliées la Région, la Chambre de Commerce et la Métropole – contracte des emprunts qui sont remboursés par la location de places dans le port. Après la consultation publique, nous nous sommes rendus compte que les capitaines de yachts et les riverains souhaitaient la même chose : un bel endroit, de la sécurité et de l’animation, mais pas de gâchis de jour comme de nuit ! Nous nous concentrons sur des bateaux comme les bateaux Ponant ou Club Med qui partent de Nice aujourd’hui mais peuvent y passer quelques jours demain pour que cette clientèle de qualité puisse rester ici.

Comment cela va-t-il s’organiser concrètement ?

Nous commençons en urgence l’électrification de tous les quais afin que les bateaux puissent être connectés au lieu de faire tourner leurs moteurs. Ainsi, plus aucune fumée ne se dégage. Le Quai Infernet sera agrémenté d’un jardin, d’un musée et réservé exclusivement aux croisières de luxe. De plus, nous veillerons à ce que les travaux soient effectués depuis la mer, donc pas de camions sur les routes de la zone et de grues sur le quai pour décharger les matériaux.

Est-ce la fin des gros bateaux à Nice ?

Il y a trois compagnies principales dans ce port : Corsica Ferries, transport de béton et petits bateaux et yachts. Pour l’instant, on va garder les trois, mais ça va évoluer.

Si un yacht loue sa place, il génère de l’argent. Mais en plus il y a des besoins constants en mécanique, nettoyage, fournitures, peinture… C’est une économie qu’on ne mesure pas forcément.

Cela ne tuera-t-il pas le côté populaire du quartier ?

C’est une vision tronquée des choses. Quand ces bateaux font leurs courses, ils regardent autour d’eux, c’est du localisme intelligent. La vie populaire, elle n’est vivante que parce qu’il y a une clientèle. Il n’y a rien de plus facile que de dresser les riches contre les autres. Et ceux qui essaient : ils se trompent ou ils sont de mauvaise foi et je suis prêt à le leur expliquer.

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CONTRE. Juliette Chesnel-Leroux: « Que Nice ne devienne pas qu’une carte postale »

Pourquoi vous opposeriez-vous à la création d’emplois que pourraient apporter les yachts de luxe ?

Le monde change. Nous vivons à l’heure du changement climatique et de la très grande crise sociale qui l’accompagne. Ce n’est plus dans le transport de luxe qu’il faut créer des emplois, mais dans d’autres domaines, si possible dans d’autres modes de transport. Nous ne pouvons pas continuer à penser que la théorie du ruissellement fonctionne. Ce n’est pas parce que les gens consomment des produits très chers que le plus grand nombre en profite. Et cela conduit à un soulèvement traître.

Alors tu n’y crois vraiment pas ?

Nous avons déjà les ports d’Antibes, de Cannes et de Monaco, qui sont des ports de bateaux de luxe. Ce n’est pas bon pour le travail d’en faire un quatrième. Quant à cette théorie de la création d’emplois… Il faut être plus malin que les politiciens des années 80 pour inventer le monde de demain.

Ne pensez-vous pas que la fin des gros bateaux s’oriente vers l’écologie ?

Il n’y a pas de grands navires de croisière à Nice. Et je continue à me battre pour qu’il n’y en ait plus dans la rade de Villefranche-sur-Mer. Quant aux ferries reliant Nice à la Corse, il faut d’abord nous trouver une solution avant la transformation, et elle n’existe pas pour le moment. Sachez également qu’un ferry transporte l’équivalent de 20 avions Nice-Corse. Donc non, les bateaux ne sont pas autorisés à faire tourner leurs moteurs dans le port. Mais les transports collectifs sont toujours meilleurs pour quelques-uns que les transports de luxe.

Vous pensez aussi que cette requalification nuira au côté populaire du port.

Nous voulons que Nice reste une ville populaire et pas seulement une carte postale. Occupons quelques quartiers qui en ont besoin.

Avez-vous une solution alternative à proposer ?

Je n’ai pas les outils de M. Bettati pour faire les études d’urbanisme qu’il a faites. Mais s’il reprend nos idées, comme un espace d’exposition en mer ou, notamment, la requalification d’un marché de pêcheurs local, alors ça veut dire qu’elles étaient bonnes. Dommage qu’il soit poussé à une caricature luxueuse.