Urgences en danger : la carte des 120 hôpitaux concernés, les…

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Au moins 120 services d’urgence contraints de limiter leur activité en France. L’échelle est sans précédent. Des hôpitaux de proximité aux hôpitaux universitaires, tous les établissements publics sont désormais concernés. Face à cette situation, la ministre de la Santé, Brigitte Bourguignon, promet de nouvelles mesures avant cette saison estivale qui s’annonce chaotique.

Pour Mireille Stivala, secrétaire générale de la CGT Santé et action sociale, il est temps d’agir. « On se demande comment on va continuer à tenir avec des collègues qui démissionnent. Tant qu’il n’y aura pas d’augmentation significative des salaires et d’embauches massives, il continuera à se détériorer. La CGT et neuf syndicats et collectifs appellent à une journée nationale d’action le 7 juin.

1. Alerte rouge au CHU de Bordeaux

Les urgences du CHU, classées parmi les meilleures du pays, ne peuvent plus traiter les patients qui se présentent spontanément la nuit. Tombola à l’entrée de 17h à 22h : des bénévoles de la protection civile et un agent de sécurité chargé de vous mettre en contact avec le 15 (Samu). Entre 22h00 et 08h00, une seule personne répond à l’interphone. Jamais vu. « Est-ce que les bénévoles seront bientôt en charge de tout le service ? Je n’en veux pas à la protection civile, mais ce n’est pas comme avoir une infirmière régulatrice à l’accueil », lance Gilbert Mouden, représentant de SUD santé, avant de constater : « Beaucoup de patients maintenant Ils arrivent entre 8h et 9h du matin. Ils repoussent leur entrée même s’il peut s’agir de pathologies graves. »

De son côté, Alain Es-Sebbar, secrétaire de la CGT de l’hôpital, souligne que ce dispositif « pose des problèmes de confidentialité. On demande aux patients ce qu’ils ont pendant qu’ils sont côte à côte. » Cet arrangement est là pour rester. 40% des médecins manquent à l’appel et la pénurie paramédicale est réelle. « On nous dit qu’il va falloir apprendre à travailler comme ça, mais on ne peut pas le résoudre. Olivier Véran avait annoncé des milliers d’emplois pour l’hôpital public qu’on n’a jamais vu venir », déplore Gilbert Mouden.

En interne, l’ingéniosité a pris le dessus depuis un moment. En janvier dernier une tente de protection civile avait déjà été installée pour désaturer les urgences. Au quotidien, des intérimaires contribuent à faire vivre le service et son bloc opératoire. Les étudiants en médecine répondent au numéro 15. Christophe (1), infirmier de la région, n’en peut plus de cette succession de retouches : « Je me suis retrouvé à déshabiller un patient dans le couloir, derrière un paravent, avant de lui infuser , et sonder un autre patient avant de lui demander de revenir attendre des heures sur sa civière. Cela ne se fait pas et ne doit pas se faire. »

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2. Le personnel submergé à Rennes

Les urgences dans la capitale bretonne ont enregistré un record. Le 16 mai, 256 billets ont été enregistrés pour une moyenne de 180 en temps normal. Alors que certains patients se retrouvent à attendre dix à douze heures sur des brancards, la tension monte. Un gardien a été agressé le 17 mai.

Si la situation est devenue assez tendue ces dernières semaines, donnant lieu à un droit d’alerte des syndicats, c’est que les fermetures d’urgence se sont multipliées sur le territoire. « A Redon (Ille-et-Vilaine) mais aussi à Laval (Mayenne), indique Lionel Lepagneul, sous-secrétaire de la CGT. Ceux de l’hôpital Saint-Grégoire de Rennes fermeront également pendant deux semaines en juin. La médecine de la ville ne peut pas non plus répondre à la demande. Même au plus fort de la pandémie, il n’y a jamais eu autant de monde.

Pourtant, douze places ont été créées aux urgences du CHU en décembre 2021 (au détriment d’autres services). Insuffisant pour faire face au tsunami. «  Nous avons postulé pour au moins quatre postes supplémentaires. Un de nos médecins en a tellement marre qu’il part tôt pour ouvrir une librairie. Actuellement, les soignants font le brancard. Cela signifie qu’ils quittent temporairement leurs patients pour aller en radiologie, par exemple Imaginez les conséquences quand il y a 256 passages… »

Quant aux agences d’intérim, elles peinent à trouver des candidats. En interne, le poste de remplacement tourne déjà à plein régime. Le calendrier de cet été n’est couvert qu’à 50%, ce qui laisse présager un possible report des vacances. « C’est une catastrophe annoncée, souffle Marion (1), infirmière. On en parle entre nous dans les couloirs. Les collègues sont épuisés et nous avons le sentiment d’être abattus. »

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3. À Oloron-Sainte-Marie, un sursis jusqu’à quand ?

Une mobilisation sans précédent. Le 10 mai, 3 000 soignants, voisins et élus politiques se sont réunis pour obtenir la réouverture des urgences dans la commune de 10 000 âmes. Si la perspective d’un rideau baissé pour une durée de quatre mois s’éloigne et que le service rouvre partiellement le 11 mai, l’incertitude plane. Un seul médecin-chef est présent, les quatre autres sont en arrêt maladie, alors que l’effectif au complet devrait être onze.

En temps normal, les urgences perdurent déjà grâce à la solidarité. Des médecins militaires de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques) sont de garde et une nouvelle convention vient d’être signée avec la base de Pau. « Des médecins généralistes ou spécialistes d’autres services hospitaliers sont également impliqués depuis des années. Notre mobilisation a permis de médiatiser la situation : les médecins ont spontanément appelé la direction et cherché plus intensément », explique Noémie Banes, ancienne présidente du collectif Inter-Urgencias et ancienne infirmière des urgences. Rien n’est encore gagné.

Il y a des lacunes à combler dans le calendrier de juin. La perspective de l’été, avec l’afflux des touristes et des fêtes populaires, est inquiétante. « Le prochain service est à une heure de voiture, voire deux pour les gens qui habitent la vallée. Personne ne comprend comment on a pu en arriver là », glisse-t-il.

4. Hécatombe de praticiens à Grenoble

En Isère, les soignants sont plus que jamais menacés. « La semaine dernière, 14 ou 15 médecins ont démissionné des urgences, car ils en avaient marre des conditions de travail. Même si nous ne manquons pas de ravitaillement en termes d’infirmiers et d’aides-soignants, cela les affecte forcément », déplore Sara Fernández, secrétaire générale de la CGT au CHU de Grenoble.

Selon le syndicaliste, la direction tente de colmater les brèches en embauchant des titulaires et des intérimaires, mais des médecins d’autres départements sont également sollicités. « On demande aux spécialistes de faire un demi-appel de 18h à minuit en plus de leurs consultations de jour, ça ne va pas durer longtemps », prévient-il.

D’autant que, dans l’agglomération, plusieurs établissements ferment partiellement leurs urgences de nuit, augmentant mécaniquement les flux qui arrivent à l’hôpital de Grenoble. « Ces derniers jours, les collègues ont déjà commencé la journée avec 60 patients aux urgences, alors que la capacité maximale est de 55. Le moindre patient supplémentaire qui arrive dans la journée crée un cluster qui nous met en difficulté », ajoute-t-il.

Comme c’est le cas pour de nombreux autres services d’urgence, le problème d’encombrement qui se pose n’est pas seulement dû à une situation interne au service, mais à un dysfonctionnement lié à toute la chaîne de soins. « Plus de 120 lits ont été fermés au CHU de Grenoble ces dernières années dans tous les services par manque de personnel. Il y a aussi un manque de lits en aval à l’étranger, dans les centres de rééducation ou les EHPAD. Résultat : non on peut hospitaliser tous les des patients qui en ont besoin », dénonce le syndicaliste.

5. À Saint-Étienne, les lits portés disparus

Dans la ville de Saint-Etienne, le manque de lits en aval risque de générer des urgences. « La direction du CHU a décidé de fermer le service de court séjour gériatrique cet été faute de personnel. Au moindre raté comme le Covid ou la canicule, on se dit que ça va être la catastrophe, avec des personnes âgées qui vont attendre un temps infini ou qui sont renvoyées chez elles », raconte Cyril Vidal, responsable de la CGT de l’hôpital. .

La situation alarmante du Samu dans la Loire a aussi des répercussions sur la prise en charge des malades. « Le transport des patients s’effectue de manière complètement aléatoire en raison des nombreux arrêts maladie. Nous devons faire appel à des ambulances privées, qui n’ont parfois pas l’autorisation ou le matériel médical pour transporter certains patients. »

Selon le syndicaliste, l’hôpital s’apprête également à réduire les bougies pour les urgences psychiatriques. « Or, cette unité avait déjà été désignée par le contrôleur des lieux privation de liberté. On est déjà obligé de recourir beaucoup à la contention physique, d’isoler des préadolescents ou des adolescents pour les protéger des patients adultes », déplore-t-il.

Face à cette situation préoccupante, la direction du CHU a annoncé vouloir recruter massivement en CDI, transformant 600 CDD en CDI et embauchant 140 personnes supplémentaires. « C’est un plan de communication pour dire ‘on fait ce qu’on peut’ mais, en réalité, tous les candidats possibles savent déjà que c’est une arnaque et que le CDI dans la fonction publique hospitalière est un statut bas », juge-t-il. Cyril Vidal, qui considère que cette situation est la conséquence «  d’une stratégie de pénurie organisée par la direction générale de l’aide pour que le secteur privé puisse reprendre de l’activité  ».